Chapitre 32, partie 4

La femme aux cheveux rouges et le loup-garou élargirent leur sourire, mais ne dirent rien de plus. Leurs prunelles brillaient d'amitié et de joie, deux choses que Lina avait appris à accepter et à connaître la valeur au cours de cette dernière année. Elle eut un petit rire, et tenta de se relever, mais sa tête retomba sur son coussin. Soutenue par une main qui avait aussitôt pris place sur son crâne, emmêlée dans ses cheveux. Geste doux accompagné par le sourire le plus éclatant de tous, celui de Baku, qui reposa avec délicatesse la tête de Lina sur son support, les yeux brillant d'un amour qui resplendissait comme au premier jour, avant que Jean-Kévin ne devienne une variable de l'équation. Le soigneur sourit encore plus.

« – Du calme, Lina. Tu sors d'un coma magique d'une bonne semaine, ton corps va avoir besoin de temps pour reconstituer ses réserves. »

Le sourire de Lina disparut aussitôt, miroir de sa confusion et d'une pointe de colère envers son propre corps. Une semaine ? C'était tellement long, une semaine. Tant de choses pouvaient se passer en une semaine. Surtout une semaine suivant la chute d'un des premiers usurpateurs qu'avait jamais connu Wattpadia. Remarquant son trouble, Baku retira sa main de ses cheveux et remonta doucement sa couche en position assise. Lina baissa les yeux vers sa stature. Baku avait raison : Elle était allongée sur un lit d'hôpital, et les piqûres qu'elle avait ressenties lors de son réveil était celle de nombreuses intraveineuses, plantées dans son bras. Sa vue se brouilla un court instant, et elle cligna des yeux. Où était-elle ? Qu'en était-il de Wattpadia ?

Sans même qu'elle ne le demande, son soigneur se tourna vers Asura et lui fit un petit signe de tête, ce à quoi la jeune femme croisa les bras devant sa poitrine et commença à résumer la situation.

« – Tu es à l'hôpital de la confrérie. Pour un coma magique, on s'est dit qu'on possédait les meilleures installations. Pendant ta semaine d'inconscience, Vocabulaire s'est fait couronner, et sa première action a été de faire reconstruire la salle du trône, et d'en déblayer les corps.

– L'enterrement d'Erin a eu lieu hier, soupira Baku. On y était tous. J'ai mis une couronne de fleurs de ta part. »

Lina le remercia d'un signe de tête, avant de regarder autour d'elle. Il manquait quelqu'un à l'appel. Et elle ne s'en rendait compte que maintenant que Baku avait mentionné Erin.

« – Où est... »

Le ton croassant de sa voix la surprit, et elle se tut aussitôt. Mais Baku avait compris. Il soupira. Fort.

« – Corbeau est dans un état bien plus grave que le tien. La Flamme l'a complètement vidé, en plus des très nombreuses blessures et brûlures et d'une condition médicale extrêmement rare sur laquelle je ne vais pas m'étendre par respect pour son propre silence. Il est encore dans le coma, on l'a rapatrié à sa propre confrérie. Je me suis chargé de ses blessures, mais son esprit mettra du temps à récupérer. »

Lina hocha doucement la tête. Au moins, il était en vie. Elle n'en espérait pas plus. Mais cela faisait d'elle la dernière et seule générale opérationnelle. Ce qui signifiait sans doute qu'elle devrait gérer Vocabulaire seule.

Asura, remarquant le silence, reprit son compte rendu d'une voix claire, exposant les faits avec neutralité.

« – Dans la semaine qui a suivi la chute d'Optrik, le peuple s'est quelque peu rebellé contre la Flamme. Vocabulaire a dû mettre en place des mesures très strictes pour empêcher un nouveau bain de sang, mais ce faisant il s'est montré comme un roi sans pitié, et le sort de Kikoolol ne va probablement pas ajouter à sa bonne réputation. Il est évident qu'ils comptent l'exécuter. Il y a aussi un autre problème...

– Le problème s'appelle Papier, soupira Akai, qui n'était pas intervenue de toutes les explications. Mort m'a un peu parlé de ce royaume. Apparemment, ils n'admettent pas trop l'existence de Wattpadia, et pourraient profiter de l'affaiblissement du royaume pour venir nous marcher dessus. Notre seule chance de compromis est le roi Style de là-bas, qui est prêt à accepter une simple vassalisation du royaume, et attendra que Vocabulaire soit en position de négocier pour le faire. »

Lina plissa les yeux. Connaissant ce qu'elle avait vu de Vocabulaire, et ce qu'elle avait entendu de la bouche d'Asura, cela ne lui garantissait qu'un faible répit avant que les hostilités ne recommencent. Et ils ne pourraient sans doute pas faire le poids contre Papier avant un bon moment. Voire pas du tout. Elle ignorait tout de la puissance de ce royaume, mais les termes qu'Optrik avait utilisés pour le désigner lui revenaient en mémoire. Papier l'immortel, l'intemporel, le tout-puissant. Tant de mots qui donnaient une assez bonne idée du niveau qu'il atteignait.

Baku sourit de nouveau, l'air parfaitement détendu. Elle lui enviait ce détachement, cette capacité à afficher un visage heureux même dans les situations les plus délicates.

« – Ne t'en fais pas, Lina. Au moins, ça te donnera le temps de te rétablir. Et puis qui sait, Corbeau se sera peut-être réveillé entre-temps. Tu veux sortir un peu ? Je t'ai préparé une chaise roulante, et l'air frais du jardin te fera sûrement le plus grand bien ! Et puis on a tellement de choses à te raconter !

– Tu vas pas nous la monopoliser, Baku ?!? C'est pas du jeu ! S'exclama Cyno avec une fausse colère. C'est pas parce que tu l'as veillée pendant toute cette semaine que t'as le droit de te l'approprier ! Nous aussi on aimerait bien la voir, pas vrai Raiju ? »

La grande blonde bondit sur ses pieds en entendant son nom. Ses longs cheveux crépitaient d'électricité, à tel point que la petite fille à côté d'elle poussa un petit cri et s'éloigna d'un coup. Ce qui força la grande perche à se rasseoir, et elle eut même un petit mot d'excuse avant de crier :

« – C'est bien vrai, ça ! On l'a pas vue depuis quoi, trois ans ? Tu te la gardes pas pour toi tout seul mon gars, c'est clair que non !

– Carrément ! Renchérit l'elfe aux cheveux rouges. Nous aussi on veut lui raconter plein de trucs ! Nan mais !

– J'approuve Makhai ! Acheva Cyno en filant une tape amicale sur l'épaule de l'elfe. Et non, c'est pas en nous faisant tes yeux de chien battu que tu vas arriver à quoi que ce soit ! »

Les « yeux de chien battu » en question accompagnaient une soudaine rougeur des joues du concerné, qui avait enfoui sa tête dans ses mains dès la mention de la « veillée de Lina pendant une semaine ». Cette dernière sourit. Même si plus personne ne se préoccupait d'elle, qu'ils étaient tous occupés à gérer la dispute croissante, ou à rire de cette dernière comme Akai, collée contre Nae, elle était contente de les revoir.

Un vent frais échappé de la fenêtre ouverte lui caressa la joue alors qu'elle contemplait le spectacle qui avait été, des années auparavant, son quotidien.

Ce n'était pas si mal de vivre, après tout.

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