Chapitre 31, partie 3

Un sifflement sans commune mesure avec tout ce que Lina avait entendu jusqu'alors retentit dans les airs, et elle eut à peine le temps de lever les yeux qu'une pluie de météores s'abattit sur le bâtiment et alla s'écraser sur un immense bouclier de lumière déployé, vraisemblablement, par Jean-Kévin. La Flamme hurla de nouveau, et une seconde pluie de météores brisa le bouclier, avant de projeter tout le monde dans les airs à cause des ondes de choc. Le champ de vision de Lina était de nouveau flou. La tête lui tournait, sa forme arrivait à sa limite. Mais la Flamme, elle, semblait n'en avoir aucune. Les comètes suivirent les météores, puis les éruptions de feu les comètes. Chaque attaque était évitée ou déviée avec de grandes difficultés, et la Flamme ne semblait jamais s'arrêter.

Lina ne prit conscience de la brume noire que lorsque les cheveux roux sombre de la déesse s'éclaircirent légèrement, et qu'elle ne se fige sur place, cessant ses attaques, l'air perdue. Et il lui suffit de tourner la tête pour en voir l'évidente source, Baku, qui avait une main tendue vers la Flamme et le visage crispé par la rage, une légère lueur écarlate s'échappant de ses yeux. Lina ne put qu'entrevoir une nouvelle bague qu'il avait au doigt avant que Jean-Kévin ne pousse un nouveau cri de guerre et qu'elle ne revienne au combat, galvanisée par l'égarement de la Flamme. Cette dernière prit sa tête entre ses mains, et se mit à gémir d'une toute petite voix, si différente de ses hurlements d'avant.

« – Non... Non... Je ne veux pas... Je ne veux pas... »

Les attaques de Lina, Corbeau et Akai redoublèrent de vigueur. Ils y étaient presque. Encore un minuscule effort, et la Flamme serait endormie, il ne resterai plus qu'Optrik à tuer. Jean-Kévin les couvrait pour les plus grosses offensives. Et Baku, derrière eux, laissait échapper un léger ricanement, qui parvint aux oreilles de Lina malgré le vacarme de la bataille. Elle sourit. Légèrement.

Mais la Flamme ne l'entendait pas de cette oreille.

Pour une seule seconde, son feu regagna en intensité. Les trois attaquants furent de nouveau projetés dans les airs, et une incantation en ce qui semblait être une espèce de wattpadien ancien retentit dans les airs. Malgré elle, Lina comprit chaque mot employé par la divinité. Et toute la magie concentrée dans sa rage meurtrière ne put empêcher son sang de se glacer.

« – Arrêtez là tout de suite ! Elle essaie de détruire la ville entière ! »

Visiblement, elle n'était pas la seule à avoir compris. Jean-Kévin avait seulement été plus réactif qu'elle. Les quatre combattants se relevèrent, et la brume noire s'épaissit alors que Baku se concentrait de nouveau, le visage crispé par la haine. Une remarque sarcastique s'échappa d'entre ses lèvres, mais Lina n'avait pas le temps de l'écouter. Le Berserker repartit à la charge, ne se préoccupant plus de lui et de son adversaire, suivi par Akai, puis par Corbeau, le plus mal en point des quatre, qui trouva néanmoins la force de grommeler entre ses dents « Je déteste la Flamme » avant de lancer une pluie d'éclats marqués de runes d'entre ses mains.

Le sort atteignit de plein fouet la Flamme, qui se retrouva immobilisée, pour un court instant par des chaînes runiques qui brillaient d'un éclat glaçant, mais seulement pour quelques secondes. Les runes fondirent, et Corbeau jura avant de préparer un nouveau sort et de laisser la place à Akai, qui fit surgir du sol une sorte de barrière d'os plus blancs que nature, qui bloquèrent net le chemin de la déesse. Celle-ci alternait entre baîllements et récitations de formules. Elle semblait ne jamais pouvoir aller à bout : A chaque fois, l'emprise de Baku bloquait la phrase qu'elle tentait de prononcer. Alors elle recommençait, sans oublier de balayer les combattants. Et puis elle baillait de nouveau. Ou hurlait, parfois. Comme à moitié engluée dans un cauchemar.

Si Lina avait cru maintes fois en arriver au bout, à présent elle n'en voyait plus la fin. La Flamme était trop résistante. La magie noire de Baku n'en venait pas à bout, la nécromancie d'Akai n'en venait pas à bout, ses attaques sans répit sous sa forme Berserker n'en venaient pas à bout. Mais l'adversaire laissait trop d'ouvertures. Impossible de les exploiter, mais ces marques de faiblesse étaient la preuve que comme eux, la Flamme jouait son va-tout dans ce dernier assaut. Personne n'arrivait plus à placer un coup correctement, désormais.

Le Chevalier Corbeau semblait le plus atteint des cinq. Brûlé de partout, le front recouvert de sueur, il avait perdu toute sa superbe en l'espace d'un seul combat. Lui, cryomancien, semblait très affaibli en présence de la personnification même de son élément ennemi. Le feu brûlait de toute part, la salle du trône serait bientôt consumée. Mais il luttait toujours, puisant dans les dernières forces qu'il lui restait, enchaînant sort sur sort à une vitesse impressionnante pour un mage, le visage de plus en plus crispé, le corps prêt à s'effondrer.

Ce fut cette vision, plus qu'autre chose, qui donna à Lina la colère qu'il lui manquait.

Il lui fallait juste un semblant de vitesse. Et un semblant de coordination.

Rassemblant ses dernières forces, le Berserker se tourna vers Akai, et lui fit une série de signes indiquant la marche qu'elle devrait suivre, le plan de la dernière chance qu'elle avait mis au point. L'Avatar de la Mort ne se détourna pas de l'ennemi, mais un léger signe de tête indiqua à Lina qu'elle avait compris. Il ne lui restait plus qu'à guetter la bonne ouverture.

De nouveau, la Flamme laissa échapper un bâillement. Et Lina bondit, se retrouvant un millième de seconde plus tard à cheval sur la Flamme, lui coinçant les épaules avec ses deux jambes, laissant une très large ouverture sur la cage thoracique de la divinité. Et la Flamme, encore abrutie par le soudain accès de sommeil, ne vit pas venir la lance noire. L'arme la frappa en plein thorax, traversant son torse de part en part. La fumée jaillit. Puis, le sang. Et le corps de la déesse tomba au sol face contre terre, son apparence se dissipant dans une gerbe de flammes.

Lina se releva, couverte de brûlures. Elle avait refusé de lâcher la Flamme tant que sa défaite ne se serait pas avérée. Mais à présent, il n'y avait plus au sol que le corps désarticulé d'Optrik, rendu méconnaissable de par ses innombrables blessures. Le sang se mit à teinter le sol brûlé. Et le feu s'atténua, avant de disparaître complètement.

Et tout devint flou.

Lina pouvait tout juste sentir les mains qui remettaient ses chairs en place, et le contact chaud du sol couvert de cendre sans même avoir eu conscience qu'elle avait chuté. Sa forme Berserker se dissipa dans une colonne de fumée, et d'un seul coup un torrent de douleur l'envahit de toute part. Son corps brûlait, ses membres étaient tordus, elle avait au moins dix plaies dans son dos et dix fois plus sur le reste du corps. La douleur était tellement insupportable qu'elle crut mourir mille fois. Mais son corps se reformait doucement, arrachant son esprit des limbes d'où le Berserker l'avait envoyé. Et elle put voir sous son nez le visage de Baku, à seulement dix centimètres, tordu par la panique, mais les yeux de nouveau bleus. Une bague brillait à son annulaire.

Elle lui sourit. Sa bouche s'entrouvrit.

« – On a...

– Pas tout à fait. »

C'était Jean-Kévin. Il avait les doigts serrés sur son poignet. Et le regard tourné vers un point au centre de la salle en ruine. Lina tourna la tête, avec toutes les précautions que lui permettaient son corps perclus de douleur. Et c'est là qu'elle le vit.

Optrik, de toute évidence, s'accrochait à la vie comme un pou. Il était étalé au sol sur le dos, les membres écartés et immobiles, le sang coulant de ses très nombreuses blessures. Mais ses yeux pétillaient encore d'une ultime étincelle de vie. Les larmes en coulaient comme pluie, et il essayait sans doute de serrer les poings. Mais tout ce qu'il arrivait à faire était sangloter.

« – Ma déesse.... Pardon... Pardon.... »

Jean-Kévin poussa un profond soupir.

« – Tu t'es évanouie trente secondes à cause du contrecoup de ta forme. Il n'a pas cessé de répéter ces mots en voyant que vous étiez toujours en vie. »

Lina se redressa doucement, déjà un peu plus en forme qu'il y a quelques secondes. Baku et Jean-Kévin glissèrent doucement une main dans son dos pour la maintenir, et ils fixèrent Optrik ensemble, en silence, avec des expressions qui pouvaient sembler tellement indéchiffrables au spectateur externe.

L'ennemi du royaume, celui que Lina avait le plus craint et haï durant ces deux dernières semaines, avait un je ne sais quoi de pathétique comme ça, allonger au sol à supplier le pardon de sa déesse. La vie semblait ne pas vouloir le quitter, et son corps déchiqueté devait lui faire souffrir le martyre. Pourtant, nul ne ce décidait à aller l'achever. La Flamme avait peut-être quitté son corps. Ou peut-être pas, et cela expliquerait pareil refus de mourir. Mais tout ça ne se résumait qu'à l'homme vaincu qui se vidait de son sang au milieu des cendres qu'il avait essaimé. Abattu, Optrik n'était plus la puissance qu'il avait tant tenté d'incarner, il n'était plus le pourfendeur de roi, le manipulateur des Grans Ortografeurs. Non, Optrik n'était plus qu'un homme brisé, sur le point de laisser échapper la seule chose qu'il lui restait.

Lina soupira, les yeux fixés sur son ennemi. Elle n'ajouta rien de plus. C'est Jean-Kévin qui exprima une pensée qu'elle avait eue.

« – On.... Devrait sans doute l'achever. »

Les sanglots redoublèrent. Autrefois, Optrik aurait peut-être poussé un cri de colère. Pourtant maintenant, il n'avait même plus la force d'élever la voix. Il se contentait de geindre.

« – Vous... Ne pourrez jamais gagner. Papier.... Papier va vous anéantir.... Et je serai... Aux premières loges... »

Akai, que Lina n'avait pas vue, se leva d'un coin sombre et se dirigea vers l'homme sans rien dire. Dans sa main, une des lances noires de Mort, qu'elle ne tarda pas à lever au dessus de la tête d'Optrik. Baku souleva doucement Lina et la rapprocha du corps de ce dernier. Elle sourit. Il avait raison, elle voulait assister à ça de près.

Optrik leva ses yeux embués vers Akai, puis Lina. Puis, de nouveau vers Akai. Cette dernière arma son bras.

« – Ça, c'est pour Phila, connard. »

Le bras s'abattit. Et Lina observa l'ultime lueur de haine disparaître des yeux de son ennemi, alors que son visage se détendait.

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