Chapitre 31, partie 2

Lina pouvait sentir le groupe se reformer derrière elle. Des sept qui avaient franchis ces portes, ils n'étaient plus que cinq. Elle, Corbeau, Akai, Baku et Jean-Kévin. Il fallait espérer que ce soit suffisant pour vaincre la divinité.

Il fallait espérer.

Baku, derrière elle, marmonna quelque chose comme « dommage que mes pouvoirs n'agissent pas sur les dieux ». Corbeau, lui, fit apparaître une rapière. Cette dernière fondit aussitôt. Et la Flamme ricana.

« – Pathétique cryomancien. Est-ce là tout ce qu'Optrik m'a laissé en pâture ? Tant pis... »

Un petit rire retentit derrière eux. Un rire facilement identifiable. Mais Lina ne pouvait vraiment en croire ses oreilles. Parce que comment Jean-Kévin pouvait trouver la situation suffisamment désopilante pour laisser échapper ce son ? Qu'est ce qui nourrissait son hilarité ? Un soudain accès de folie, de ceux qu'a l'homme qui regarde la mort en face ? Pourtant, ils l'avaient de leur côté, alors pourquoi ?

« – Tu as commis une petite erreur de jugement, la Flamme. Nous ne sommes pas ta pâture. »

La dernière syllabe volait à peine dans l'air que Lina se sentit remplie d'une énergie considérable, effaçant toutes ses courbatures et accélérant le processus de soin que Baku avait engagé plus tôt. Ses réserves de magie étaient revenues au maximum. Et Jean-Kévin, derrière, continuait de rire.

« – L'Âme des Âmes est une déesse aussi... »

Le visage de la Flamme se tordit d'un effroi sans commune mesure que Lina ne parvint pas à expliquer. Et un torrent de feu s'abattit sur Jean-Kévin à une telle intensité que même une liche telle que lui ne pourrait pas en ressortir sans dommages. Pourtant, lorsque les flammes se dissipèrent, il était encore debout. Lina était toujours chargée en énergie. Seul Corbeau était à genoux au sol, devant une immense flaque d'eau partant en vapeur qui avait probablement dû représenter un mur de glace. Lina eut un fin sourire. Oui, le combat était loin d'être fini. Et si ils avaient deux déesses de leur côté, ils pourraient bien s'en sortir.

Le bâtiment se mit à trembler, et Jean-Kévin s'attrapa le crâne, l'air en proie au martyre. Mais Lina était toujours debout. Et prête à jeter toutes ses forces dans la bataille.

De nouveau, elle se lança à la rencontre de l'ennemi, secondée par une pluie de sorts de nature diverses. Une série de lances noires côtoyant une pluie d'éclats de glace, et derrière les cris de guerre des deux lanceurs de sorts, l'air tout autant motivés que Lina. La Flamme n'eut que le temps de pousser un cri de surprise avant d'envoyer balader Lina dans le mur d'un revers du bras, mais cette dernière se releva aussitôt.

Elle avait peut-être encore une chance. Le mouvement de la Flamme était gauche et maladroit, comme si elle n'était pas encore habituées aux limites de l'enveloppe charnelle que lui avait offert Optrik. Ses mouvements à elle étaient bien plus rapides, et elle ne pouvait laisser le combat se prolonger. Tant pis pour ce qu'en dirait Baku, son dernier atout, celui qu'elle avait passé des années à perfectionner, était parfait pour la situation donnée.

Une immense lumière blanche recouvrit son corps, et c'est une Lina recouverte de peaux de cuir, les membres et le visage parés de tatouages runiques d'un écarlate profond, qui atterrit de nouveau sur la Flamme dans un hurlement de guerre qui n'avait plus rien d'humain. Sa vitesse avait atteint de tels sommets que cette fois, même la Flamme ne put parer : Le katana s'enfonça profondément dans son corps, créant une ouverture béante qui se referma aussitôt dans un jet de flammes. L'être bondit en arrière, siffla, et repartit à la charge, les bras recouverts de brûlures et le katana chauffé au rouge, mais encore plus rapide qu'auparavant.

Le Berserker, guerrier du Nord réputé pour sa rage meurtrière l'empêchant de se préoccuper de la douleur. Depuis qu'elle avait entendu parler de cette légende nordique, Lina mobilisait toutes ses forces pour se créer une apparence magique qui approcherait les formidables capacités de cet être de légende. Et, il y a un peu plus de trois ans, elle avait réussi. Seulement, cette forme était tellement coûteuse en magie, tellement dangereuse, que son corps n'avait pas pu la supporter, et elle avait manqué de mourir à cause du manque d'énergie. Elle courait aujourd'hui bien plus de risques que lors de cette journée d'il y a trois ans, lorsque le commandant cliché était venu pour elle. Mais vivre ou mourir, quelle importance, maintenant ? Oui, quelle importance...

La Flamme se mit à hurler, sous les assauts répétés du Berserker, d'Akai et de Corbeau. Elle semblait au martyre, retenue au monde matériel par l'enveloppe charnelle de son Avatar. Mais elle tenait bon. Et le feu continuait de faire des ravages, dans la salle du trône, sur les murs, sur le sol, sur le corps de Lina. Cette dernière crut entendre Corbeau hurler de douleur un certain nombre de fois, mais elle ne s'en préoccupait que dans le dernier coin de son cerveau qui n'était pas atteint par la rage du Berserker. Tout le reste était centré sur la Flamme qui hurlait de toute la force des poumons d'Optrik.

« – ASSEZ ! Vous ne POUVEZ me vaincre ! Je suis la mère des démons, l'essence même du feu ! Qui est assez fou pour vouloir me tuer ?!? »

Un hurlement de Lina coupa sa phrase net, et elle dût reformer une fois encore le trou dans son enveloppe charnelle, causé par un katana. Jean-Kévin, derrière, poussa un profond soupir.

« – On ne compte pas te tuer, la Flamme, on est pas fous.

– Et je ne te considère certainement pas comme ma mère ! » Cracha Akai en répliquant d'une gerbe de lances noires.

Un léger sourire se forma sur les lèvres de Lina. Dans ces moments-là, elle était contente de les avoir.

Une série d'épées de feu qui surgissaient juste derrière Lina interrompirent ses réflexions. Le Berserker bondit, tentant d'esquiver l'attaque, mais le sort semblait ciblé sur elle et elle seulement : Les armes la suivaient où qu'elle aille, et semblaient augmenter de vitesse au fur et à mesure qu'elle se rapprochait de la flamme. Elle souffla. Même si ces épées ne lui feraient sans doute pas le moindre mal sur l'instant, les avoir à son train ne risquait que de la ralentir ou de la gêner. Il n'y avait pas tente-six solutions. D'une main leste, elle s'empara des épées enflammées, serrant dans son poing la magie qui les constituaient, et les jeta d'un geste ample en plein sur la Flamme, dans une tentative qu'elle savait vaine de la blesser. Elle eut raison : Les flammes réintégrèrent le corps de la déesse. Mais elle n'avait plus les épées au train, et ce au prix de ses mains gravement brûlées. Mais elle ne sentait pas la douleur. Elle ne sentait plus rien.

Un léger rire s'échappa de ses lèvres.

« – Alors la Flamme, tu veux jouer ? »

C'était sans doute un nouveau gémissement de Baku qu'elle avait entendu derrière. Il ne tiendrait probablement pas longtemps avant de donner la pleine mesure de ses pouvoirs. Mais tout ce qui était utile au combat était le bienvenu. Il fallait vaincre la déesse qui se tenait devant eux, sifflant de colère dans un bruit qui rappelait le crépitement des braises dans une cheminée. Elle avait la main pleine de flammes.

« – Arrêtez d'essyaer ! Vous n'y arriverez jamais !

– Si, on peut, rit Akai en plantant trois nouvelles lances dans le corps de la Flamme. C'est pour ça que tu t'énerves. »

Un hurlement jaillit de la Flamme, se terminant en bruit de charbon crépitant. Lina ne savait pas si c'était bon signe. Perdait-elle le contrôle ou s'affranchissait-elle de son propre corps ? Dans tous les cas, il fallait faire vite.

Le Berserker hurla de nouveau. Et se lança sur la déesse, ignorant la brume noire qui était de plus en plus présente dans la pièce.

Les attaques de Lina touchaient de plus en plus, étaient de plus en plus précises. Une série de lances noires suivait chacun de ses assauts, et quelquefois un sort de glace touchait sa cible, mais la Flamme grandissait de plus en plus. Ses hurlements se mêlaient à ceux de Lina, aux formules de Corbeau, aux petites railleries que se permettait Akai. Le combat semblait sans fin. Lina ne voyait pas les points faibles. Ses attaques portaient, mais la Flamme semblait ignorer les coups qu'elle recevait, comme si elle se transformait, elle aussi, en Berserker. Et ses attaques étaient de plus en plus puissantes.

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