Chapitre 31, partie 1
Lina n'arrivait plus à savoir si ce qui coulait sur ses joues était du sang ou des larmes. Elle ne parvenait même pas à se rendre compte de l'état dans lequel elle se trouvait en ce moment. Est-ce que le combat était encore en cours ? Est-ce que c'était le rire d'Optrik qui résonnait dans ses oreilles ? Ou bien les cris des autres ? Ou même le sien ? Elle ne pouvait faire la part des choses. Sa vision était brouillée, son corps entier la faisait souffrir, elle avait l'impression que son cœur avait cessé de battre. La seule chose dont elle était certaine, c'était de la présence des débris du plafond juste devant elle. Du sang qui en coulait. De l'amie qu'elle venait d'y perdre.
Il avait fallu un an. Un an pour que Lina apprenne à s'ouvrir aux autres et que les autres disparaissent. Un an pour qu'elle comprenne qu'elle avait des amis et que ces amis disparaissent. D'abord Sky, puis Intrigue, puis Phila. Et maintenant, Erin. Perdue à jamais sous un tas de gravats.
Elle sentait à peine le morceau de plafond qui lui bloquait la jambe se soulever, ni son corps se faire tracter en arrière. Elle n'arrivait plus à percevoir ce qu'il se passait autour d'elle. Est-ce que le combat avait toujours lieu ? Oui, sans doute. Il fallait qu'il continue. Mais elle venait de perdre toute son ardeur en même temps que son amie.
Les mains qui remettaient en place sa jambe appartenaient sans doute à Baku. Rares étaient ceux qui se permettaient de la toucher avec autant d'aisance. Et la poigne autour de ses épaules devait être celle de Corbeau. Elle pouvait entendre l'écho de sa voix. Elle secoua la tête. Ce n'était pas le moment de se laisser abattre. Elle ne donnerait pas cette satisfaction à Optrik. Jamais.
Sa vision se précisa. C'était bien Corbeau qui se tenait devant elle, une unique larme sur la joue, le visage toujours aussi inexpressif. Il était se proche qu'elle put discerner ses pupilles s'agrandir au moment où elle cligna des yeux. Un léger sourire tordit ses lèvres. Elle allait bien. Dans un sens. Elle ne sentait plus rien. Sa jambe ne lui faisait plus mal. Elle avait juste un énorme vide au creux de la poitrine. Un vide qu'elle se devait de remplir.
Elle se redressa sur ses jambes. Se dégagea de la poigne de ses amis. Et vrilla sur Optrik un regard de pure haine.
Ce dernier se battait toujours. Akai semblait lui donner du fil à retordre : Il était retranché dans un coin, faisant pleuvoir des débris d'écailles à chacun de ses mouvements. Un hurlement s'échappa de lui au moment où l'une des lances noires d'Akai pénétrait sa carapace, et la forme se flouta quelques instants plus tard. Il ne restait plus sur le sol qu'Optrik, entouré d'une cage thoracique de dragon à moitié en morceaux, qui lui servait de bouclier, et d'un nouveau torrent de flammes. Son moignon, le bras que Lina lui avait coupé tout à l'heure, était cautérisé grossièrement, la chair à moitié brûlée. Mais il restait droit sur ses jambes.
« – Vous êtes sacrément coriaces... »
Lina sourit. Puis pointa son arme droit sur Optrik.
« – Je sais que c'est à Akai de le tuer mais laissez moi le malmener un peu. »
Un concert d'assentiments retentit derrière elle. Akai hocha doucement la tête, les mains chargées d'énergie noire, les doigts toujours en griffe. Mais alors que Lina allait s'avancer, Optrik fit une chose à laquelle personne ne s'attendait.
Il porta un doigt à ses lèvres.
Sa main était recouverte de sang.
Baku, derrière, poussa un cri paniqué, avant de se précipiter vers Akai. Qui présentait une large blessure sur la cage thoracique, une griffure d'où gouttait le liquide rouge.
Lina n'eut même pas le temps de jurer.
Une énorme explosion retentit dans le bâtiment, et les cinq survivants furent projetés très loin en arrière dans un bruit de tonnerre. Une déflagration de chaleur suivit le tout, et la poussière voila de nouveau les yeux de Lina pendant un court instant. Elle ne pouvait plus entendre que le grondement des flammes, et l'odeur de braise lui emplissait les narines. Un grognement s'échappa d'entre ses lèvres alors que son dos heurtait le sol, rouvrant une de ses vieilles blessures. Rien handicapant, cependant : Elle put se redresser sans mal, et fixer la scène avec de grands yeux.
Devant elle, une colonne de feu, ouverte en plein centre, plus flamboyante que jamais. La pierre fondait autour d'elle, se changeant en lave qui glougloutait sur un rayon de cinquante centimètres autour de l'apparition. Et, au milieu de cette déflagration, une femme de plus de deux mètres, aux cheveux roux sombre et vifs comme un feu de forêt. Cette tignasse bouclée entourant un visage de couleur écarlate qui aurait pu être de toute beauté, si il n'avait pas été déformé par un horrible rictus satisfait. Et la quantité de flammes dont elle était entourée ne laissait pas le moindre doute sur son identité.
Lina sut aussitôt qu'elle était face à la Flamme.
La déesse semblait avoir beaucoup de mal à s'habituer au monde dans lequel elle venait d'arriver. Certains carrés de sa peau étaient encore bruns, tels le teint qu'arborait autrefois Optrik Sin, son Grand Inquisiteur et Avatar. Mais ces restes de sa personnes desquamaient et tombaient en cendres au pied de la divinité au fur et à mesure que cette dernière bougeait. Il ne restait plus de ce qui avait été autrefois le plus grand ennemi du royaume que ces débris d'enveloppe charnelle et la déesse qu'il avait à présent accueilli.
Un juron s'échappa des lèvres de Lina.
Ils avaient mal joué. Le rituel n'avait jamais précisé quelle quantité de sang de démon Optrik avait besoin, et maintenant le niveau de l'adversaire avait au moins triplé. Ils avaient eu des difficultés avec l'Inquisiteur, il était évident que la Flamme n'allait pas se laisser renvoyer chez les dieux comme ça.
La divinité sourit.
« – Magnifique ! »
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