Derrière lui, le feu se mit à gronder. Puis grossir. Et enfin, une gerbe de flammes jaillit du feu sacrificiel pour fondre droit sur Akai, qui fit un bond de côté. Lina eut un rapide regard vers le groupe. Puis, elle bondit vers Optrik avec un immense cri de guerre, suivie d'Erin, épée brandie.

Une série de lances de feu jaillirent du sol et forcèrent les deux guerrières à reculer, mais ni l'une ni l'autre n'abandonnèrent leur cible. Parfaitement coordonnées, elles repoussaient lances après lances, soutenues par derrière avec les sorts de Corbeau. Mais Optrik restait inatteignable. Sa peau rougissait au fur et à mesure que la salle du trône se consumait. Et ses iris flamboyaient avec une telle force que Lina pouvait presque les voir fondre.

Lina combattait au premier plan. Uniquement concentrée sur Optrik. Mais elle pouvait le sentir. Derrière elle, les autres combattaient aussi. Les flammes les moins puissantes s'écartaient de son chemin. Des jets de glace s'enchaînaient sur ses attaques. Une mélodie en wattpadien ancien l'emplissait de courage et de force, et plusieurs boucliers repoussèrent une série d'épées de feu qui s'approchaient d'elle de trop près. Elle crut même sentir, une fois ou deux, un contact rassurant sur son dos qui faisait perdre du terrain à ses blessures. D'où il venait, elle n'en savait rien. Mais ses compagnons l'aidaient.

Phila prit le relais d'Erin, qui commençait à fatiguer, et se mit à cribler Optrik de coups d'épée et de lames d'air, parfois les deux en même temps. Lina sourit en voyant une fine coupure sur la joue de son ennemi. Phila se débrouillait bien. Et elle sentait Optrik se désarçonner, perdre son propre terrain face aux attaques incessantes du groupe de sept personnes.

« – Pas mal, pas mal, ricana ce dernier après qu'une nouvelle lame lui entaillait son bras gauche. Mais j'ai mieux ! »

Il recula d'un bond, puis pointa son doigt vers Phila, avant d'articuler un unique mot, qui résonna étrangement dans l'air ambiant. Elle se figea d'un coup. Et, une seconde plus tard, à l'endroit d'où se tenait Phila, il n'y avait plus personne, plus rien que le vide. Même son épée avait disparu.

Derrière Lina, Akai se mit à hurler. Un hurlement de rage et de douleur, qui représentait bien l'horreur qui venait de l'envahir. Il pouvait donc les faire disparaître aussi facilement ? Non, ce n'était pas possible. Même lui avait le visage figé par la surprise, et une pellicule de sueur ornait son front. Il était figé là, au milieu de ses flammes, les yeux fixés vers l'endroit d'où venait de disparaître leur amie.

« – Comment ? Mais... Elle... »

Jean-Kévin, derrière eux, grommela.

« – Elle n'est plus là. Elle n'est plus nulle part. »

Des sanglots se mêlèrent au cri d'Akai. Pas longtemps cependant. Et Optrik reprit ses esprits au moment où la surprise cessait de les envahir.

Phila n'était plus nulle part, disait Jean-Kévin. Peut-être cela impliquait-il qu'elle ne soit pas morte. Simplement dans un autre plan. C'était sans doute ça. L'air surpris d'Optrik corroborait cette hypothèse. Il fallait y croire.

Un rire fou, provenant sans aucun doute d'Akai, retentit derrière Lina. Cette dernière se tourna vers le petit groupe, pour une fraction de seconde, suffisamment longtemps pour voir la démone écarter ses lèvres en un simulacre de sourire. Une peau écailleuse commençait à la recouvrir alors qu'elle fixait Optrik d'un air absolument glaçant, les doigts tordus en griffes qui semblaient plus tranchantes que le katana de Lina. Ou l'épée de Phila. La métamorphe sourit. Optrik, lui, recula de deux pas.

« – Elle... Elle aurait dû exploser ! C'est pas vrai ça !

– Trompé de sort ? Ricana Akai. Comme c'est dommage. Ça ne changera en aucun cas le plaisir que j'aurai à te découper en morceaux !

– Donc tu prévoyais qu'elle crève de manière atroce... renchérit Erin. Je vois, je vois... »

Derrière eux, les garçons ne disaient plus rien, mais Lina était certaine qu'ils étaient en proie à la même rage. Particulièrement Corbeau, elle supposait. Il avait travaillé avec Phila depuis bien plus longtemps que les deux autres, mais comme d'habitude, il restait inexpressif, se contentant de tendre les deux mains devant lui, dans l'antique posture de garde des magiciens. Optrik soupira, avant de relever ses mains.

« – Ma foi, la manière dont mes ennemis disparaissent n'a pas d'importance. »

Un nouveau flot de flammes jaillit de ses mains, et le combat reprit, désormais à six contre un plutôt que sept. Lina, animée par la rage, sentait sa magie partir dans tous les sens. Elle devait se concentrer, sinon, elle se révélerait incapable de porter le moindre coup à Optrik... Ce qui serait quelque peu ironique, elle le sentait.

Les flammes refluèrent derrière elle, et Jean-Kévin marmonna une phrase comme « tu ne peux pas parler à Mort tant que tu n'actives pas ses pouvoirs ». Mais Lina se doutait bien qu'elle n'était pas la cible de cette phrase. Akai grondait derrière elle, alternant jets de feu pour tenir Optrik à distance et tentatives sans doute vaines de nécromancie, tandis que les autres se relayaient pour la couvrir. Lina sentait la pièce se charger de magie. La sienne, celle d'Optrik, celle de Corbeau, celle de Jean-Kévin, celle d'Akai. Celle de Baku, aussi, qui assombrissait la pièce à ses sens de mage, mais pas assez pour que son pouvoir s'active, se doutait-elle. Mais Optrik se contentait de ricaner.

« – Vous êtes tous des imbéciles ! Dès l'instant ou ma très chère déesse prendra possession de moi, vous périrez dans l'instant. Contentez-vous de fuir, de choisir la voie de la vie ! Ce n'est pourtant pas compliqué, si ?

« – T'as déjà vu des héros renoncer à abattre un grand méchant qui va détruire le monde ? Gronda Erin. Désolé, mais on rejette ta proposition ! »

Optrik soupira, puis articula de nouveau un mot. Lina sentit ses membres se figer de nouveau, et fut réduite à observer, impuissante, en position de combat, l'ennemi s'approcher d'elle, puis des autres, afin de se tenir au milieu de leur petit groupe. Un sourire déformait ses lèvres.

« – Je n'ai pas besoin de vous tuer. De fait, si vous restez en vie, vos âmes serviront de combustible à la puissance de ma bien-aimée déesse. Mais je peux aussi vous proposer un petit accord sympathique. Vous aimez bien les accords, pas vrai, miss Blackheart ? »

Lina retint un juron qui n'aurait servi qu'à précipiter son sort, et fixa des yeux pleins de haine sur l'homme devant elle. Ce dernier sortit la dague de sa ceinture, et l'agita sous le nez d'Akai avec un petit sourire.

« – Voici ce que je vous propose. L'Artefact et vos vies. En échange de quoi vous fuyez et vous cessez d'interférer. Cela me paraît être un accord correct, non ?

– Un accord correct, pas pour tout le monde, siffla Corbeau. Je refuse de vivre dans un monde possédé par la Flamme. »

Le sourire d'Optrik disparut.

« – Vous êtes bien stupides, vous autres cryomanciens. La Flamme est la plus puissante des déesses, la reine des dieux, la seule capable d'apporter sa puissance au monde.

– Ah, ça suffit les blasphèmes, gronda Lina en se débattant mentalement de toute la force de son esprit. Tu as assez usurpé le rôle et la puissance de notre seigneur le Créateur ! Lâche-moi tout de suite, que je te remette à la place que tu n'aurais jamais dû quitter ! »

Elle ne vit pas venir la gifle, mais le coup eut une telle force que le sort se brisa, et elle se sentit chuter sur le sol, la joue douloureuse et le cœur empli de rage teinté d'humiliation. Baku eut un gémissement et Jean-Kévin grinça des dents, mais elle ne pouvait se centrer que sur le visage déformé et envahi de flammes d'Optrik, qui la fixait avec une rage telle que la peau semblait prête à se détacher à tout moment de ses os.

« – Fais silence, pauvre conne ! Ton dieu imaginaire n'est rien comparé à la puissance de ma bien-aimée, de la reine des déesses ! Est-ce que le Créateur t'a seulement envoyé l'aide qu'elle me donne aujourd'hui, qui me servira à tous vous écraser ?!? »

Ses joues se recouvraient d'écailles, et des griffes poussaient au bord de ses doigts. Il leva un bras, prêt à les enfoncer dans la chair de son ennemie, qui se préparait à rouler au sol.

« Vous avez trente secondes pour vous décider sur mon pacte ! La mort ou la vie, et avec un bonus en plus, est-ce vraiment compliqué à choisir ? »

Lina siffla, mais ne répondit rien. Son offre avait effectivement de quoi allécher, si l'enjeu de leur fuite n'était pas aussi grand. Est-ce que d'autres y auraient pensé à deux fois avant d'attaquer ou de s'enfuir ? Certains héros clichés, sans doute. Mais elle ne pouvait s'offrir le loisir de douter. Elle soupira. Quel intérêt Optrik avait-il à les voir partir ?

« – Il ment. »

Personne n'avait desserré les lèvres, ou semblait avoir entendu quoi que ce soit. Pourtant, Jean-Kévin venait bel et bien de s'adresser à elle. Ses yeux fixés sur son visage ne mentaient pas. Et pendant qu'Optrik faisait son dernier décompte, elle, elle suivait une conversation télépathique.

« La Flamme est la mère des démons du feu. Pour s'incarner, elle aura besoin de sang de démon. Or, Optrik est tristement humain. Il ne compte pas nous laisser fuir. Si jamais on lui tourne le dos, il tuera au moins Akai, et nous seront finis. »

Lina grinça des dents. Inutile, donc, de lui expliquer ce qu'il fallait faire.

Le katana décrivit un immense arc de cercle et un morceau de chair alla s'écraser sur un mur proche, au prix d'un hurlement d'Optrik. Ce dernier recula d'un bond, s'éloignant de Lina, soutenant de sa main gauche à moitié recouverte d'écailles un moignon ensanglanté, coupé proprement par la lame de Lina qui se redressait. Pour prix de sa main, la pression magique diminua d'un coup : Et les cinq autres purent se remettre à bouger, chacun prêts à attaquer Optrik qui hurlait encore de douleur. Et aussi d'autre chose.... De triomphe ?