Chapitre 27, partie 3

Une lueur noire lui parvint du coin de l'œil, mais elle ne se tourna pas dans la direction concernée, préférant donner de violents coups de patte au golem. La douleur sourde qui accompagnait ses transformations commençait à se déclencher dans ses muscles, ralentissant ses gestes et brouillant ses capacités de réflexion. Alors elle se concentrait sur le golem. Coup de patte après coup de patte. À esquiver les déferlantes de glace, les gerbes de feu, les coups de poing de l'élémentaire.

Le golem avait décidé de changer de cible en voyant Phila se dresser devant lui. C'était désormais l'élémentaire qu'il visait de ses attaques, avec sa hache ou ses poings, sans interruption. Laissant le champ libre aux autres pour attaquer. Un regard rapide vers les Grans Ortografeurs apprit à Lina qu'ils avaient mis toute leur énergie dans le golem, les empêchant de bouger. Elle soupira. Si seulement elle connaissait un moyen de les atteindre. Elle n'était même pas sûre de savoir dans quel état ils se trouvaient, maintenant. Fantômes ? Êtres de chair ? Tout autre chose ?

Le golem continuait de grandir. Et l'énergie de Kikoolol vira au rouge.

Baku se mit à hurler.

« – Lina ! Erin ! Descendez de là ! Il a fini, je crois ! »

Lina ne perdit pas de temps. De grandes ailes se déployèrent dans son dos alors que son corps se couvrait de plumes, et l'aigle géant attrapa Erin entre ses serres avant de la poser au sol et de rouler par terre, sous sa forme humaine, souffrant le martyre. Elle avait atteint sa limite, entre ses deux transformations puissantes et la présence des Grans Ortografeurs. L'elfe, étalée au sol, pouffa.

« – Ça me rappelle quelque chose ça... »

Un sourire tordit les lèvres de Lina, mais elle ne répondit rien. Elle se contenta de se redresser sur ses coudes, reléguant la douleur au second plan. Et de regarder autour d'elle.

Kikoolol s'était levé, et ses yeux avaient entièrement viré au blanc, alors que l'aura rouge s'étendait devant lui jusqu'au golem, recouvrant Baku et Corbeau qui étaient les plus proches. Il avait pointé son doigt sur les Grans Ortografeurs, et toute sa magie s'était concentrée en ce seul et unique point, parée à frapper. Il prit une profonde inspiration. Et entonna la formule.

« – Lawe furahën nàs menduraï... »

Un des grans Ortografeurs explosa sur le coup. Et une décharge d'énergie envahit Lina, qui se sentit aussitôt délivrée de toute douleur. Elle reconnaissait ce sort. C'était une incantation créationniste, et elle, prêtresse, bénéficiait toujours de la moindre utilisation de cette magie dans ses parages proches. Un soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres, et elle fixa Kikoolol continuer.

« ... thi uinhas rênetàk uzerûkaën... »

Le deuxième Gran Ortografeur explosa à son tour. Et les pierres tombèrent en cascade du golem, dans un horrible vacarme qui fit Baku se porter les mains aux oreilles. Corbeau recula, la lumière bleue émanant de son corps vacillant avant de totalement disparaître.

« ... korkhörs lae ryfguo bi yurvhênhörs nàs lawe tahlesa ! »

Le troisième Gran Ortografeur éclata. Et le golem s'effondra dans une pluie de pierres et de terre séchée, recouvrant le sol de la place. Erin se redressa sur ses jambes, examinant les alentours. Mais il n'y avait plus rien. Juste les restes de la créature que les Grans Ortografeurs avaient invoquée. Kikoolol, l'air épuisé, marmonna quelques mots. Et un chant étrange dissipa le vent entourant Phila, dernière trace du combat livré, ne laissant de l'élémentaire que son hôte, suspendue en l'air. Akai bondit pour la rattraper, et la ramena, évanouie, auprès des autres.

Lina sourit et se tourna vers Kikoolol.

« – Que le corps à qui j'ai permis de respirer brise le mensonge et accède à la vérité. Bien joué, petit con.

– Tu connais le wattpadien ancien ? »

Là, c'en était presque insultant. Lina plissa les yeux et se dirigea vers Phila, en se contentant de lancer à la cantonade :

« – Je suis cardinale, oui ou merde ? »

Kikoolol poussa un profond soupir, puis claqua des doigts. La magie aux alentours se tordit sous l'action de ses flux, et Lina eut à peine le temps de se tourner vers la source de la perturbation que Phila était réveillée, se redressant dans les bras d'Akai en clignant des yeux. Un soupir de soulagement s'échappa des lèvres de cette dernière. Lina de son côté, regarda partout autour d'elle. Les plus grosses brûlures d'Erin s'étaient refermées, Baku semblait d'un calme olympien, et Akai n'avait aucune blessure malgré les attaques du golem. Corbeau, de son côté, l'air en pleine forme, se tourna vers Kikoolol.

« – Tu ne pouvais pas faire ça plus tôt ?

– Non, je ne pouvais pas. J'ai besoin de calme pour ce genre de sort et ce n'est pas en lançant une sanctification de très haut niveau que je pourrai être en mesure d'être calme. Sans compter que je devais aussi atténuer l'effet des Grans Ortografeurs sur Lina. Sur ce, on a un Optrik à aller vaincre. »

Kikoolol prit une profonde inspiration, puis se tourna vers Erin, qui le fixait avec circonspection. Cette dernière plissa les yeux.

« – Et maintenant, Jean-Kévin, explications. »

Lina pouffa. C'était décidément impossible de s'habituer à ce nom. Elle devrait l'appeler comme ça plutôt que par son surnom. Le nom serait rattaché à moins de souvenirs. Oui, ça serait mieux.

Elle se morigéna intérieurement. Il ne fallait pas avoir de sympathie avec l'ennemi. Même si cet ennemi venait très probablement de leur sauver la vie.

Kikoolol, enfin, Jean-Kévin, haussa les épaules.

« – Je vais te faire la version courte. Mon seul et unique but a toujours été de détruire Amour. Pour anéantir les clichés. Donc, j'ai employé la solution qui me convenait le mieux. Gagner leur confiance. Et accéder à l'Âme des Âmes. »

Erin le fixait en silence. Sans rien dire. L'air plus calme que jamais. Lina en avait presque peur. Erin avait toujours été dotée d'un sang-froid extraordinaire, cependant les informations étaient très lourdes à digérer. Enfin, plus pour moi que pour elle, pensa t'elle amèrement. Au moins, ce n'était pas elle qui avait pour premier amour l'ex-ennemi.

« Je ne suis donc pas un ennemi, continuait Jean-Kévin. Lorsque cette histoire sera terminée... Je me laisserai capturer. Le peuple réclamera ma mort, et puis ce sera bon. »

Erin poussa un profond soupir, puis darda ses yeux verts sur Jean-Kévin, le regard empreint d'une incroyable dureté.

« – Bon, très bien. À en juger par ce que tu viens de faire, tu n'es pas l'ennemi à abattre pour l'instant. Mais je préfère te prévenir, Jean-Kévin. À la moindre minuscule trahison. Si tu fais le moindre mal à n'importe lequel de ces gens. Je te jure que je te hanterai jusqu'à la fin de ta vie et même au-delà, que ça te plaise ou non. »

Lina poussa un petit soupir de soulagement. L'affaire était réglée.

La priorité était désormais de trouver Optrik. Et de lui faire payer.

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