Chapitre 27, partie 1
Kikoolol, à la vue de cet horrible spectacle, ne put s'empêcher de pousser un très profond soupir, les mains croisées derrière le dos et les traits tirés pas une indicible tristesse. Tristesse qui était le reflet des sentiments habitant Lina. Elle parvenait à peine à croire ce qu'elle voyait. Style n'était mort que depuis deux semaines. Son procès avait eu lieu il y a une semaine et demie. Comment avait-il pu ravager Wake'li aussi rapidement ? Et dans quel but ? Avec quel objectif ? Celui de tout détruire ?
Le feu avait fait plisser les lèvres à Corbeau, qui s'était éloigné instinctivement du groupe, et Baku se bouchait les oreilles à l'entente de l'effroyable chaos, mêlant feu et orgues, église et destruction. Phila et Akai étaient sans doute les seules à être réactives dans toute cette horreur. Alors que l'une tentait d'éteindre le feu à l'air de ses plus puissants courants d'air, l'autre allait droit dans les flammes pour tenter de repérer des survivants, se repérant au cri. Cependant, elles revenaient, à chaque fois, bredouilles.
« – Ils sont tous morts, soupira Akai en ressortant d'un énième bâtiment en ruine. Les flammes ne les ont pas épargnés. Et c'est tout juste si je n'ai pas senti mes écailles brûler. Ce feu n'est pas ordinaire...
– Ce n'est pas n'importe quel feu, grommela Corbeau, c'est le feu sacré de la Flamme, à n'en pas douter. Je le ressens jusque dans ma chair, et il est inutile de vous dire que je ne le porte pas vraiment dans mon cœur. Ni ces chants. »
Lina adressa une grimace désolée au cryomancien, qui s'était recroquevillé sur lui-même en s'entourant d'un vent chargé de cristaux. Kikoolol, lui, avait relevé la tête à la mention des chants. Suivi par Baku. Qui avait essayé de tendre l'oreille.
« – Je peux déchiffrer leurs paroles, mais c'est du wattpadien ancien et je le parle très peu... Ça risque d'être approximatif.
– Ce n'est rien, lança Kikoolol. Contente toi de nous transmettre les grandes lignes. »
Baku hocha la tête, avant de fermer les yeux et de se concentrer. Lina s'immobilisa pour éviter de parasiter les informations, et se contenta de regarder autour d'elle, soupirant en elle-même devant telle désillusion. Elle avait tout fait pour éviter cette situation, persuadée que l'ennemi était les clichés. Et maintenant, c'était un de ses propres alliés qui la menait à sa perte. Du moins, pouvait-on vraiment considérer Optrik comme un allié ? Même si la Flamme s'était battue avec eux, ce n'était sans doute qu'une part de son plan.
Un cri de surprise détourna son attention, et elle se tourna aussi vite qu'elle pouvait vers un Baku blême, une main devant la bouche. Kikoolol tentait de le secouer pour qu'il révèle l'information qui l'avait tant surpris, mais, rien à faire : Il fallut deux bonnes minutes avant que le soigneur ne reprenne ses esprits et ne se tourne vers le groupe, annonçant d'une voix blanche :
« – Ils parlaient d'un rituel... Je n'ai compris que quelques bribes au début, mais cette formule... Je l'ai déjà lue quelque part. C'est celle d'un rituel de possession divine, qui permet au dieu de prendre entièrement possession de l'Avatar, dans son entièreté et à sa pleine puissance, mais en gardant son corps pour éviter qu'un dieu ne s'en mêle... On... On doit se dépêcher, sinon...
– Sinon la Flamme s'incarnera et on sera les seuls à pouvoir la tuer. C'est ça ? »
Baku hocha doucement la tête à la question d'Akai. Cette dernière eut un fin sourire.
« – Dans ce cas inutile de traîner. Comment on peut aller au palais royal ?
– Un portail serait trop dangereux. On risque de tomber tour droit dans un piège d'Inquisiteurs. Suivez-moi. »
Sur ces mots, Corbeau prit la tête sans même attendre une réponse des autres. Réponse inutile cependant. Il ne fallait pas être savant pour comprendre que si ce rituel arrivait à terme, toutes leurs chances risqueraient d'être réduites en cendres...
Le chaos devenait de plus en plus imposant au fur et à mesure qu'ils approchaient du palais. Les hurlements des habitants encore en vie se mêlaient au chant des Inquisiteurs, et Lina voyait des dizaines et des dizaines de cadavres et de restes humains calcinés sur son chemin, tâchant de sang et de cendre ses bottes, et de colère son cœur. Quelques membres de l'Église, hauts gradés à en juger par leurs robes ornées de dorures, se tenaient au centre du carnage, chantant de toute la puissance de leur voix, faisant vibrer l'air de leur chœur macabre et étonnamment bien synchronisé. Aucun ne réagit lorsque Lina passa à côté d'eux, mais une barrière semblait empêcher qu'on les approche à moins de deux mètres. Kikoolol pinça les lèvres.
« – Ils cherchent à offrir leurs âmes à la Flamme. Habituellement ce genre de rituel n'inclut pas la protection des sacrifices, mais Optrik a pensé à tout... On ne pourra pas interrompre aussi facilement. »
Un grognement s'échappa des lèvres de Lina. Phila souffla, et se recentra sur le chemin, guettant une présence ennemie. Ce qui n'était visiblement pas nécessaire. Tous les Inquisiteurs qu'ils croisaient étaient soit en transe, soit figés par la panique, recroquevillés dans un coin. Pas un ne bougeait pour les arrêter.
Lina leva les yeux vers le ciel pour se détourner de la marée mortelle. Nous étions en plein après-midi, à en juger par la position du soleil. Mais le bleu habituel de la voûte céleste s'était teinté des mille nuances du crépuscule, et le rouge flamboyant recouvrait les lieux dans leur entièreté, atteignant presque la lueur de l'astre. Et Kikoolol semblait de plus en plus inquiet.
« – On dirait le passé de pas mal de mondes, soupira Akai. Et croyez-moi j'en ai vu. »
Baku hocha doucement la tête, mais n'ajouta rien de plus. La silhouette du palais, immense et dominant l'espace, se dressait devant eux. Seul lui avait été épargné par les flammes. Ses protections enchantées cédaient devant les assauts de l'élément, le marbre se fissurait, érodé par l'action de la puissante magie à l'œuvre. Lina grommela. Si cela continuait comme ça, le bâtiment finirait, lui aussi, effondré comme le reste de la ville. Et si la Création pouvait facilement s'occuper de la reconstruction, rebâtir le palais, qui se dressait depuis le tout premier des Styles, perturberait profondément le peuple.
Un détail surgit dans son esprit alors qu'elle voyait que Kikoolol les menait à la porte du palais royal la plus proche. Elle pila net, avant de s'exclamer :
« – Et les pièges ? Si on n'emprunte pas de portail, on va tomber droit dans les pièges d'Intrigue !
– Il a retiré les pièges peu après son ascension au trône, soupira Kikoolol. Je n'ai eu aucun mal à vous tirer de là, c'est une preuve, non ? Et lui-même est tellement proche du cliché que la sanctification d'Intrigue ne lui disait probablement rien de bon. »
Lina marmonna, alors que Baku soupirait de soulagement. Phila, de son côté, plissa les yeux.
« – Ça peut aussi vouloir dire qu'il nous attend... »
La métamorphe n'eut pas le temps de méditer sur cette dernière affirmation. Une voix avait retenti derrière elle, une voix qu'elle connaissait bien. Et Corbeau, à ses côtés, avait un sourire aux lèvres. De concert, les deux voyageurs yürhamah se tournèrent vers la direction d'où provenait la voix. Et Lina fit un signe ravi à Erin, qui se trouvait à quelques mètres d'eux.
La troisième générale de l'armée de Wattpadia était en piètre état. Sa tunique était brûlée de partout, et un manteau de provenance inconnue recouvrait ses épaules. Ses cicatrices s'étaient rouvertes, et Lina pouvait voir une énorme marque de brûlure sur son bras gauche, qui suintait encore le pus. Mais elle se tenait ferme sur ses deux jambes, le regard vif, et les yeux braqués sur Kikoolol. Ce dernier soupira.
« – Bonjour, Erin.... »
La salutation ne parut pas convaincre cette dernière. Elle plissa les yeux et pointa du doigt leur imprévu allié, sous les yeux des deux autres qui se demandaient comment expliquer tout ça.
« – Les gars ? Vous foutez quoi là ? Et que fout cet enculé avec vous ?
– Pitié, Erin, c'est vraiment pas le moment.... » Souffla un Kikoolol l'air au martyre. Ses yeux allaient de la porte du palais, à quelques dizaines de mètres de là, à Lina et Erin. Lina haussa les épaules. Elle ne l'aiderait pas sur ce coup-là.
« – Au contraire, c'est tout à fait le moment, Jean-Kévin, siffla l'elfe. Jusqu'à preuve du contraire, la dernière fois que je t'ai vu, tu avais tranché la gorge de Lina ici présente, et tout le monde s'est fait choper par Optrik. »
La situation était peut-être incongrue, mais Lina ne put s'empêcher de pouffer. Corbeau, de son côté, leva un sourcil, alors que Baku se pliait en deux, en proie à une hilarité soudaine bien qu'incongrue. Kikoolol se figea, avant de marmonner :
« – Pas ce nom, Erin, par tous les foutus dieux ! »
Lina se mit à rire à son tour, tandis que Corbeau laissait échapper un sourire, en lançant :
« – Je crois que je viens d'apprendre ton véritable nom !
– Pourquoi crois-tu que j'en ai changé, idiot ? » grommela Kikoolol, les doigts serrés sur sa veste.
Lina haussa les épaules. Il serait temps de s'en moquer plus tard, la porte du palais était proche. Optrik n'attendrait pas pour son rituel.
« – On n'a pas le temps pour ça, soupira Akai qui semblait du même avis. Il faut dénicher Optrik. »
Kikoolol acquiesça, et Erin sortit son épée de son fourreau avant de la braquer devant elle.
« – Optrik hein ? Très bien, je poserai mes questions plus tard. »
Lina la remercia d'un signe de tête, avant de se remettre à courir vers les portes du palais. Phila la suivit, puis Baku, Akai, et Corbeau. Erin lança un long regard inquisiteur à Kikoolol avant de se précipiter à leur suite, lui arrachant un soupir.
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