Chapitre 25, partie 1

« – Il y a autre chose que je devrais vous dire. »

Kikoolol avait laissé un moment pour le groupe, pour se calmer un peu, après l'horreur de la nouvelle. Ça avait fonctionné, en quelque sorte. L'aura bleue avait disparu, Baku était désormais collé à Lina, plus apathique que jamais, et Corbeau s'était recomposé une face vide d'émotion. Tout le monde était calme, et tout le monde écoutait de nouveau Kikoolol.

« J'ignore si vous le savez, mais Style était un excellent nécromancien. »

Lina haussa un sourcil. Voilà qui ressemblait peu au Style qu'elle connaissait. Elle savait qu'il n'avait eu qu'une faible portion du don de la Création, mais Intrigue lui avait toujours dit qu'il avait renoncé à son don héréditaire...

« – Le roi, un nécromancien ? Fit Phila en haussant les épaules. Et comment ? »

Kikoolol haussa les épaules avant de se remettre à tourner dans la pièce, les mains croisées derrière le dos.

« – Je me suis renseigné pendant la guerre. Style vient du domaine des Lerni, la ville de Lavos'ene. Là-bas, les autochtones ont plutôt une affinité avec les dragons, mais Style lui est né avec une affinité avec la Mort. »

Lerni... Le nom disait quelque chose à Lina. Et puis Baku lui chuchota doucement à l'oreille :

« – On a pas eu des Lerni à la confrérie ? Enfin, s'ils ne sont pas tous morts. Je ne pensais pas que Sa Majesté en faisait partie... »

Lina plissa les yeux. C'était sans doute ça. Mais la proximité de Baku commençait à lui troubler ses capacités de réflexion, et ses yeux ne semblaient vouloir se fixer que sur Kikoolol. Kikoolol qui s'était crispé en voyant la scène, trop intime au premier abord sans doute. Mais il ne fit aucun commentaire, et se contenta de continuer.

« – Renseignements pris, le roi s'appelait Timaeus Lerni. Il avait un don de dresseur de dragons, mais a préféré s'investir dans de la magie de Mort et a cherché des moyens de s'en servir sans ses dons.

– Sans ses dons ? Fit une Akai ébahie. Attends, est-ce que Style ne posséderait pas par hasard l'Artefact de Résurrection Parfaite ?!? »

Kikoolol hocha doucement la tête.

« – Oui, c'est ça. Il l'a acquis au cours de ses recherches. La Mort est quelque chose de très compliqué à maîtriser, et, en règle générale, un mort est rarement réanimé plus d'une fois sans conséquences graves. L'Artefact lui-même a un nombre limité d'utilisations. »

Un sifflement s'échappa de la gorge d'Akai, alors que Phila haussait les épaules, un petit sourire aux lèvres. Lina plissa les yeux. L'histoire de l'Artefact avait probablement un rapport avec l'histoire qu'Akai lui avait racontée, et qu'elle recherche cet objet était une preuve qu'elle était loin d'avoir tourné la page. Elle espérait ne pas assister à une nouvelle déception. Surtout si l'Artefact se révélait être vide.

Kikoolol continua de parler, sans faire attention à Akai qui avait le visage illuminé. Il se contentait de finir ses explications.

« J'ignore à quoi ressemble cet Artefact, mais il est probable qu'Optrik lui ait mis la main dessus. Ressusciter les morts est un pouvoir que trop convoité, surtout par cette enflure. Ce qui nous ramène à notre souci. »

Lina hocha la tête. Oui. Optrik. L'homme à abattre, désormais.

Kikoolol sortit de sa poche un papier en très bon état, avec dessus les mots que Lina avait vu sur celui montré par l'Inquisiteur. Le soi-disant testament royal.

« Ceci est une copie du testament de Style qu'Optrik a fait distribuer dans tout le royaume. J'ignore s'il est véridique mais une chose est sûre, tout le peuple y a cru. La seule manière de renverser Optrik à présent est de faire un énorme coup d'État. On ne sera pas légitimes même si on parvient à prouver que le testament est faux.

– Je vois mal mon roi placer son principal rival dans sa succession, grogna Lina. Surtout un religieux de la Flamme. »

Un léger sourire déforma les lèvres de Kikoolol.

« – Ça, Lina, je suis bien d'accord. Le problème est l'avis du peuple. Avec ces procès, même s'il a très mal joué, il a mis les princes et les princesses sur le piédestal du coupable. Ajoutez à ça le papier officiel, et vous pouvez être certains que les preuves ne suffiront plus. »

Un léger rire retentit dans la salle. Baku avait un immense sourire aux lèvres, et lançait un regard de connivence à Lina, le premier depuis le petit discours de Kikoolol. Ce dernier prit un air étonné, ce à quoi Baku répondit par un sourire en coin. Un sourire empli de sarcasme.

« – Eh bah on va là-bas et on lui défonce sa sale gueule, qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Autant que tu serves à quelque chose dans toute cette monumentale connerie. Je suis même prêt à supporter mon frère. »

Lina pouffa, et Corbeau eut un léger sourire. Kikoolol quant à lui, haussa les épaules.

« – Si toi tu es d'accord pour balancer Optrik par la fenêtre, je suppose que je n'avais pas à trop m'inquiéter sur l'accord des autres. Mais il est hors de question d'emmener Mairù. Il est trop dangereux. »

Lina hocha la tête, entièrement d'accord. Elle savait très bien les dangers à se farcir le maître de la magie le plus instable des sept sur le dos, surtout alors que ce dernier était entouré de personnes qu'il haïssait. Baku souffla.

« – Tant mieux, ça m'arrange. Ce gars est un tueur, bien pire que moi.

– Je n'aime pas trop l'idée de m'associer à toi, moi, lança Phila, dubitative. Autant j'ai envie de détrôner Optrik, autant je me rappelle de qui a manqué de tuer Lina. Et je n'ai pas franchement envie de me retrouver associée à ta tronche ensuite. »

Lina plissa les yeux. Elle n'avait pas pensé à ça, en effet : Les généraux qui s'associent à l'ennemi du royaume ? S'ils échouaient, une chose était sûre, elle serait définitivement placée en tête de liste des ennemis du royaume et le peuple perdrait toute confiance en elle. Mais ils n'avaient pas trop le choix. Optrik bénéficiait du soutien d'un dieu, et jamais le Créateur n'avait été partial au point d'en faire de même avec les siens. Il fallait s'entourer de toute l'aide possible. Même si l'aide s'appelait Kikoolol, ennemi public numéro un. Ennemi public qui soupira.

« – On a juste un petit souci. Optrik est le Grand Inquisiteur de la Flamme, et l'homme le plus béni par celle-ci de tous les temps. Je sais qu'avant qu'il ne meure et ne se réincarne ici, il avait pour but de devenir sa chose et ainsi régner sur le monde.

– La Flamme régnait sur un autre monde ? »

Devant la question de Lina, Kikoolol se retourna.

« – Tu n'es pas sans savoir que certains mondes se rencontrent et se télescopent avec le nôtre. Tu as peut-être entendu parler du royaume d'Azilis, qui partage de très nombreux points communs avec Wattpadia. Eh bien, le monde d'où venait Optrik, c'est pareil. La Flamme en faisait partie, et avait atteint une certaine puissance lorsque Optrik est mort. C'est peut-être dans cette optique qu'elle l'a ressuscité ici et l'a mené jusqu'au trône. Qui sait. »

Lina réfléchit. Certes, elle connaissait Azilis. Elle n'avait jamais pu y accéder cependant, n'en possédant que d'anciens témoignages de voyageurs yürhamah purs. Mais elle ne pensait pas qu'il existait d'autres mondes dans la même optique, avec le même fonctionnement, la même histoire, les mêmes dieux. Et le fait qu'Optrik vienne d'un de ces mondes lui donnait des frissons.

« Enfin bref, là n'est pas le plus important. Si Optrik est vraiment soutenu par la Flamme, nous ne pourrons rien faire sans un dieu de notre côté. Et il se trouve qu'il existe une déesse qui éprouve une affection particulière pour les Blackheart...

– La Mort ? Lança Phila. Je ne vois qu'elle. Même si je ne comprends pas ce que Lina a de spécial. »

Kikoolol se mit à pouffer.

« – Elle n'a rien de spécial en elle-même. Son paternel est juste l'un des derniers voyageurs yürhamah purs de l'histoire, un homme tellement insaisissable que beaucoup de gens commencent à se demander s'il existe.

– Tu parles de Kage Blackheart ? »

Lina se tourna vers Corbeau avec des yeux écarquillés. Comment un homme qui ne connaissait rien de son histoire pouvait en savoir plus qu'elle sur son propre père ? Kikoolol de son côté, hocha la tête.

« – Je parle de Kage Blackheart. Les autres sont encore bien vivants et ne cachent pas leur nature. Et Mort semble beaucoup l'apprécier, si j'en crois ses propos sur lui.

– Oh pitié, grogna Baku, ces histoires me rendent fou. On pourrait parler d'autre chose ? Genre le moyen de nous débarrasser d'Optrik ? »

Phila hocha la tête, alors qu'Akai semblait se désintéresser de la conversation. Corbeau soupira et croisa les bras, les yeux fixés sur Kikoolol, le visage impénétrable. Ce dernier lui rendit son regard avec la même expression.

« – Le moyen de nous débarrasser d'Optrik, oui. Il se trouve que quelqu'un peut nous aider à ouvrir un portail vers le monde divin pour aller directement chercher Mort. Ce sera plus simple et rapide que de prier. Lina, est-ce que tu connais l'École des Fous ? »

La concernée réfléchit un long moment. L'École des fous... Ce nom lui disait quelque chose, oui. Ce n'est que lorsque Kikoolol prononça le nom du Professeur Kathlina que la lumière se fit dans son cerveau.

« – L'École des Fous, oui ! J'en ai vaguement entendu parler. Lors de mes voyages, j'ai croisé une personne qui en était professeur.

– Le Professeur Kathlina, donc. Va là-bas. Et demande-lui de nous ramener le Directeur. »

Lina hocha la tête et ouvrit un portail en silence, triturant les aiguilles de sa montre avec un air absent. Avant de disparaître dans le vortex blanc, sous les regards de Baku et Kikoolol.

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