Chapitre 24, partie 3

Visiblement, ils étaient tous d'accord là-dessus. Corbeau avança doucement sa tête, Phila se mit à fixer Kikoolol avec intérêt, Baku serra le poing autour de la main de Lina. Et elle se crispa entièrement. Elle voulait savoir. Elle ne voulait pas savoir. Elle voulait sa confirmation. Elle voulait garder ses espoirs. Elle ne voulait pas que Baku entende ça. Elle voulait savoir.

Kikol soupira.

« – Ah oui, la vengeance d'Amour... »

Il se remit à fixer Lina avec insistance, provoquant un petit frisson dans sa colonne vertébrale, aussitôt suivie par une pointe de dégoût. Et puis quoi encore. Il lui avait tranché la gorge. Elle avait manqué de mourir, s'était retrouvée dans les pattes d'Optrik et jamais cliché n'avait autant gagné de terrain.

« – Eh, attends une minute, lança Phila. Me dis pas que c'est qui je pense ! »

Lina soupira. Donc, elles pensaient bien pareil. Son corps se détendit sans qu'elle ne s'en rende compte. Une hypothèse partagée par la moitié du groupe, après tout, pouvait bien être vraie...

« – A qui tu penses, Phi ? » Demanda Akai.

Baku se crispa. Violemment. Refermant encore davantage son poing sur la main de Lina, les traits figés, les yeux brillant d'appréhension. Lina pouvait le sentir trembler contre elle, les doigts crispés sur sa paume, lui faisant presque mal. Mais elle, elle ne faisait qu'attendre.

Kikoolol baissa les yeux.

« – La voilà, la vengeance d'Amour. »

Phila eut une exclamation sidérée, attirant tous les regards sur elle.

« – Tu aimes Lina ?!? »

Un cri de douleur s'échappa des lèvres de cette dernière. Baku avait serré le poing trop fort, manquant de lui briser les os de la main. Mais la douleur n'était que secondaire. Parce que, au moment où Kikoolol avait hoché la tête, elle avait senti son esprit s'emplir d'une joie dénuée de toute raison. Du bonheur. La pensée qu'il l'aimait, elle.

Et elle avait compris.

La voilà, la vengeance d'Amour.

Rien n'avait été mieux trouvé comme phrase pour expliquer l'horreur dans laquelle elle se trouvait.

Kikoolol l'aimait. Elle aimait Kikoolol.

Cela ne pouvait être pire.

Ses yeux s'emplirent de larmes à la pensée que tous ses espoirs s'envolaient derrière elle, qu'elle aimait son ennemi, qu'elle l'aimait de la manière la plus cliché qui soit. On ne tombait pas amoureux de l'ennemi. Surtout quand on s'appelait Lina Blackheart, Cardinale de la Création. Surtout lorsqu'on avait à ses côtés un homme qu'on appréciait profondément, dont le plus logique aurait été de lui rendre ses sentiments. Pas Kikoolol. Elle ne voulait pas. Elle ne voulait pas. Pas comme ça. Hors de question. C'était un cauchemar.

La respiration de Baku s'était faite rauque, ses poings étaient serrés au possible, empêchant Lina de bouger, de s'éloigner de lui. Non pas qu'elle en avait l'intention. Mais alors qu'elle levait les yeux pour fixer son visage perdu dans le lointain et les larmes qui perlaient au coin de ses yeux, elle eut cette horrible impression de l'avoir trahi.

La souffrance, oui. Tel était le cadeau empoisonné de l'Amour.

Évidemment qu'après ça, on ne voudrait que la détruire. Anéantir cette maudite déesse et tous ses plans tordus menant à pareille conclusion.

Un profond soupir s'échappa des lèvres de Kikoolol, détournant l'attention de Lina de Baku. Elle eut juste le temps de remarquer l'aura de plus en plus forte derrière le trône avant que le visage de son ennemi ne capture à nouveau son regard, pour des raisons que cette fois elle connaissait. Un profond dégoût s'empara d'elle. Maudite Amour.

« – Je comprends mieux à présent. Si tu veux te défouler, Baku, je n'attends que ça. Je le mérite. Mais je dois te prévenir. Je connais tes dons. Et les morts ne rêvent pas. »

Un sifflement s'échappa des lèvres du concerné, mais il ne disait plus rien. Il se contentait de fixer Kikoolol avec un regard carmin empli d'une haine que Lina ne lui avait jamais vue.

« – On dirait que cette chère déesse s'ennuyait, » pouffa Akai.

Phila soupira.

« – Bordel de merde, Akai, c'est sérieux là. Regarde un peu la tronche de Baku et dis-toi qu'ils vont encore prendre très cher à cause de son ennui. »

Akai hocha la tête doucement, avant de se rapprocher de Baku et de poser, en douceur, sa main sur son poignet.

« – Lâche lui la main. Tu vas lui briser le poignet si tu serres aussi fort. »

Le jeune homme émit un léger sanglot, mais s'exécuta. Avant de se diriger vers Corbeau, dans un coin, qui n'avait rien dit. Lina pouvait tout juste voir la crispation de sa mâchoire, et son attitude fermée. Seulement ça. Mais elle l'avait côtoyé pendant trop longtemps pour savoir ce que cette infime démonstration d'émotions exprimait. Elle pouvait deviner un énorme tourment intérieur, mais elle ne savait pas pour quoi. Contre qui il était dirigé. Il l'aimait aussi ? Non, ça serait vraiment trop. Entre Baku, Mairù, et Kikoolol, cela faisait vraiment trop de garçons qui l'aimaient dans cette histoire. Le cliché ne pouvait pas avoir atteint autant d'ampleur.

Phila tourna son regard vers Lina avec un air calme qui détonait, au centre de tant de tristesse, de tant de rage. Elle avait compris. Et un hochement de tête de Lina lui confirma ce qu'elle pensait. Un sourire compatissant se forma sur ses lèvres, et elle lança, à voix haute, réduisant ainsi à néant les dernières barrières de Lina et celles de Baku :

« – Amour est décidément bien connasse pour avoir décidé de créer la relation entre ennemis la plus impossible qui soit. »

Lina serra les poings avant de se mordre la lèvre très, très fort. Et un grand bruit laissa penser que Baku venait de se laisser tomber au sol, anéanti par la dernière nouvelle. Lina se tourna vers eux avec un regard empli d'excuses pour voir que Corbeau s'était assis à côté de lui et lui parlait à voix basse, une main sur l'épaule, sans se préoccuper de la matière noire qui perlait sur la peau du jeune homme. Lina ne put que se tendre. Baku était un mage noir, corrompu jusque dans son ADN. Mais la magie ne sortait comme ça de son corps que lorsqu'il était profondément perturbé. Et elle s'était juré de ne plus être responsable de ça. Elle avait trop d'affection pour lui pour rester neutre devant un tel spectacle.

Une soudaine pression magique lui fit tourner les yeux vers le trône, et elle vit de nouveau l'aura bleue vibrer, de plus en plus puissante. Et même si la magie de Kikoolol dominait l'espace, elle avait suffisamment de jugeote pour deviner qui était responsable. Elle grinça des dents. Il ne manquait plus que ça. Mais sans doute, le fait qu'il n'avait pas encore attaqué Kikoolol dès sa révélation prouvait qu'il ne s'interposerait pas. Pas cette fois. Elle ferma les yeux un court instant, et revit le corps déchiqueté, et le sang sur le sol. Non. S'il voulait intervenir, il l'aurait fait.

Kikoolol soupira.

« – Je suppose que je rassurerai tout le monde en disant qu'une fois Optrik vaincu, je laisserai le peuple chercher son coupable. »

Lina baissa les yeux. L'ancienne elle serait sans doute rassurée. Mais celle qui aimait l'homme en face d'elle ne ressentait qu'un profond désaccord. Alors c'était ça l'amour ? Quelle horreur. Comment en s'en guérissait ? Est-ce que se comporter comme une personne amoureuse à l'égard de qui on voulait aimer suffisait ? Mais est-ce que ce ne serait pas horriblement mesquin si jamais elle échouait ?

« – Ce coupable, c'est toi, je suppose, » dit Phila, de nouveau détachée. Kikoolol soupira.

« – Qui d'autre ? »

Oh, comme Lina se sentait partagée. Elle voulait chercher un autre coupable autant qu'elle voulait le laisser mourir, agir sur ces foutus sentiments avant qu'ils ne la bouffent. Elle voulait vivre avec lui autant que suivre sa nature et rester seule, avec autour d'elle seulement ses amis. Et elle détestait ça. Refaire le portrait à Amour semblait la seule chose sur laquelle ses deux parts se fixaient.

« – Si seulement on pouvait tuer les dieux, soupira-t-elle. S'épargner du travail comme de la souffrance. Ne laisser plus que la générosité du Créateur.

– .......... Je n'ai jamais été aussi d'accord. »

Baku avait ouvert la bouche pour la première fois depuis l'horrible prise de conscience, la tête penchée, le visage dissimulé par ses mèches blanches. Mais ça n'empêchait pas Lina de voir les traces de ses larmes sur ses joues. À ses côtés, Corbeau, qui lui avait mis une main maladroite, mais compatissante, sur l'épaule. Le visage toujours aussi vide. Dénué d'émotion. À l'opposé de ce que sa camarade ressentait. Il resta silencieux. Mais Lina savait. Quoi qu'il se passe, quelle que soit la cible de ses sentiments, il en avait, lui aussi.

Amour avait décidément chamboulé beaucoup trop de cœurs.

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Mais c'est que c'est le bordel à Wattpadia!

J'espère que ce chapitre vous aura plu parce que c'est un de ceux que j'ai préféré écrire. 0w0

Que dites-vous de cette graaaaaande révélation?

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