Chapitre 23, partie 2

Les jours passèrent encore. Et, alors que le chiffre dix-sept s'était marqué sur le poignet de Lina, des bruits étouffés retentirent dans le couloir de la prison. Ils avaient sans doute réveillé Baku, puisque ce dernier était celui qui avait réveillé Lina, la secouant avec brutalité avant de se pencher sur les autres.

Elle avait baillé, et grogné à l'adresse de son ami, qui s'était mis à secouer les autres.

« – Baku, c'est quoi ce bordel... Si tu nous as réveillés pour écouter Optrik qui torture, alors ce n'était vraiment pas la peine... »

Le garçon se tourna vers elle avec une expression grave, avant d'envoyer une gifle à un Corbeau trop enfoncé dans ses rêves.

« – Lina, je sais que tu as une moins bonne ouïe que moi donc je te prie de me croire, mais les hurlements de terreur des gardes et un « Appelez les Inquisiteurs » sont tout sauf une démonstration de torture d'Optrik. »

Il n'en fallait pas plus pour réveiller Lina, qui fonça vers les barreaux de la cellule en plissant les yeux, tentant de discerner quelque chose dans le noir de la prison. L'odeur âcre du sang parvint à ses narines avant la vision des débris humains qui roulaient sur le sol. Des membres, des tripes, des morceaux de cerveau. Qui que soit le responsable, il avait forcé sur sa violence. Et la vision de l'anneau doré à l'annulaire d'un bras coupé qui traînait la fit grogner.

Phila se posta juste à côté d'elle, dans une vaine tentative de discerner quelque chose. Akai, de son côté, s'était mise à rire.

« – Est-ce qu'on peut voir ça comme une aide inespérée ?

– Je sais que depuis la mort de Style et Intrigue on nage dans le cliché, soupira Corbeau, mais quand même, on ne doit pas être les prisonniers les plus importants à délivrer, si ?

– Pas sûr. Nous sommes tous des utilisateurs de magie puissants, et nous avons une prêtresse très haut placée parmi nous. De ce que j'ai entendu des autres, ce sont soit des soldats soit de petits criminels, et un ou deux meurtriers. En plus d'être innocents, nous sommes les seuls à avoir de l'importance. »

Un bruit de liquide giclant sur le sol interrompit la réflexion de Baku, qui plissa les yeux et mit sa main devant le pavillon de son oreille. Corbeau hocha la tête, l'air un peu plus convaincu, alors qu'Akai se rapprochait de la porte. Les yeux de Lina se plissèrent encore plus. Elle voyait le sang, elle voyait les gardes courir dans tous les sens, elle entendait leurs cris de terreur et l'écœurant bruit des membres qu'on arrache. Mais l'identité du mystérieux sauveur, que nenni. Un des gardes hurla.

« – Mais merde, ce type est invincible ou quoi ? »

Lina en était frustrée. Elle avait le son mais pas l'image, et ne pas savoir l'identité de ce mystérieux déchiqueteur d'Inquisiteurs la mettait en rogne. Mais les pas se rapprochèrent, et bientôt surgit dans le champ de vision de la jeune femme une grande silhouette mince, enveloppée dans un manteau à capuche tout simple qui dissimulait son visage, mais dont les yeux bleu glacé n'étaient que trop reconnaissables.

Un hurlement de rage s'échappa de la gorge de Lina, Corbeau, et Phila, alors que la porte de leur cellule cliquetait, s'ouvrant en grand sur leur vieil ennemi.

Kikoolol soupira et remit les clés dans sa poche, une expression pressée si différente de son sourire habituel sur son visage mat. Lina ne put que remarquer les prunelles pâles qui s'agitaient dans tous les sens, guettant l'ennemi, sans doute. Mais elle n'avait pas la tête à se soucier du pratique. Pourquoi diable Kikoolol venait les tirer, eux, de leur cellule ?!?

« – Bon, je sais que vous ne devez pas m'aimer beaucoup. Mais si vous voulez que je vous tire de là, il va falloir me faire confiance. »

Choquée, Lina avait tellement écarquillé les yeux qu'on voyait ses vaisseaux sanguins courir sur ses globes oculaires. Elle eut même le réflexe de se tourner vers Baku, pour lancer d'un ton ébahi :

« – Je rêve, c'est ça ? Tu m'as plongée dans un rêve ?

– Alors si c'est le cas on rêve tous les deux, Lina, répliqua le soigneur, l'air aussi surpris qu'elle. Et je te rappelle l'ithridium ? »

Corbeau hocha la tête avant de se tourner vers Kikoolol avec mépris.

« – Tu nous dois des explications. Et maintenant. »

Lina hocha la tête, appuyée par le murmure de Baku, chargé d'insultes. Akai haussa un sourcil.

« – Vu vos têtes, ce gentil monsieur qui vient nous tirer de là est le fameux Kikoolol ?

– Gagné ! Soupira Phila. L'enculé en personne, le responsable du joli compteur sur la main de Lina. »

Un grognement s'échappa des lèvres de la concernée. Son compteur, oui. Les derniers jours qu'il lui restait à vivre avant que la Mort ne termine le travail qu'il avait commencé. Mais sa présence, et le fait qu'il ait tué les Inquisiteurs, le plaçait immédiatement en la position de leur chance de s'échapper, peut-être la seule et unique... De son côté, Baku gronda, l'air énervé. Et Kikoolol soupira.

« – Écoutez, on a pas beaucoup de temps. La relève va arriver et Optrik a des armes pour me contrer. Qu'est-ce qu'il vous faut pour vous faire me suivre ? Une preuve de ma bonne foi ?

– Ah ça on aimerait bien oui ! Grogna Baku. J'espère juste que ta bonne foi n'est pas une manière d'achever le travail avec Lina ! »

Un petit rire s'échappa d'entre les dents de Kikoolol, et ce dernier se saisit du poignet de Lina pour le tirer vers lui. Furieuse, cette dernière tira, se débattit tant qu'elle pouvait, révulsée par la sensation de la peau de son ennemi sur sa main, mais il ne lâcha pas. Se contenta de psalmodier quelques mots en wattpadien ancien. Avant de laisser tomber sa main, entourée d'une lumière noire.

« – J'ai entendu parler de la malédiction de la Mort, merci Optrik qui a diffusé ta mort prochaine dans toute la contrée. Elle est levée. Et maintenant ?

– Aussi facilement ? Pouffa Lina. Tu m'excuseras mais on ne brise pas l'étau de la Mort comme... »

Sa voix mourut dans sa gorge. Elle avait levé les yeux vers son poignet alors qu'elle parlait. Le chiffre sur sa paume avait disparu. Il ne restait plus que sa peau, dénuée de traces, même alors qu'elle frottait pour tenter de discerner une quelconque supercherie. Et son brusque regain d'énergie ne trompait pas. Elle était délivrée de l'étau mortel.

Phila plissa les yeux.

« – C'est trop facile...

– Je suis un être unique et un des rares mortels à maîtriser des sorts et des rituels de niveau divin. Briser cette malédiction était largement à ma portée. Allez, suivez-moi, maintenant. Vite, par pitié. »

Les cinq prisonniers s'entre-regardèrent, sceptiques. Faire confiance à Kikoolol alors qu'il avait tenté de les anéantir durant tout ce temps ? Qu'il avait tué tant de gens, mis à mal la stabilité du royaume ? La malédiction de Lina ne suffisait pas à effacer tous ses crimes. Ce dernier, voyant l'hésitation du groupe, finit par soupirer.

« Si vous venez, je vous expliquerai pourquoi j'ai été obligé de faire tout ça. »

La phrase se marqua dans l'esprit de Lina. Être obligé de faire tout ça. Avait-il été forcé ? Par qui ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui l'avait motivé ? Pourquoi employer cette tournure de phrase ? À ses côtés, Baku la fixa, avant de marmonner qu'il ne lui ferait pas confiance comme ça. Mais Corbeau coupa court à la discussion en se levant et en se tournant vers Kikoolol, un air dur sur ses traits pâles.

« – Très bien, on vient. Mais ne t'attends pas à ce que je te pardonne. »

Il hocha la tête avant de tendre la main.

« – C'est normal. »

Akai fut la première à s'avancer pour l'attraper, presque aussitôt après son geste. Kikoolol sourit, avant de lui faire signe de faire la chaîne avec les autres, qui échangèrent un nouveau regard alors que la démone s'exécutait. Phila fixa un long moment la main tendue d'Akai. Avant de se lever.

« – Et puis merde. Il faut qu'on se sorte de là de toute façon. »

Sa main se referma sur celle d'Akai et elle attrapa le poignet gauche de Corbeau, qui frissonna alors qu'elle avait le doigt sur son étrange cicatrice magique. Lina soupira, et tendit à son tour la main pour attraper la main de son camarade. Enfin, elle la tendit à Baku. Qui ne bougea pas. Les yeux fixés sur Kikoolol.

Ce dernier soupira.

« – Baku ? »

Il fallut quelques secondes pour que le soigneur se décide, quelques longues secondes qu'il passa à fixer le visage de Kikoolol avec un soupir. Avant de, finalement, se lever et tendre la main vers Lina, en lançant à Kikoolol :

« – Très bien, je viens. Mais ne te fais pas d'illusions. Tu es un assassin. Je mettrai du temps avant de te pardonner. »

L'homme soupira alors que le soigneur refermait son poing sur le poignet de Lina, avant de marmonner :

« – Tu risques de me haïr bien plus que tu ne le fais aujourd'hui, Baku Claro. »

Il y eut un immense flash. Et Lina sentit son dos heurter un sol de pierre, faisant ressentir un choc jusque dans ses vertèbres, réveillant une de ses vieilles blessures. Un hurlement de douleur retentit dans l'air. Elle mit un peu de temps à s'apercevoir que c'était le sien.

Elle voulut se lever, regarder ses compagnons, vérifier que tout allait bien et qu'ils n'étaient pas tombés dans le pire des pièges. Mais un soudain tournis s'empara d'elle alors qu'elle relevait la tête, et la voix paniquée de Kikoolol fut la dernière chose qu'elle entendit avant de sombrer, le nez dans la chair d'un de ses compagnons. L'odeur de Phila atteignit ses narines, et elle n'eut que le temps de se dire que ça en faisait au moins une avec elle avant que ses perceptions ne se coupent et que l'inconscience s'empare d'elle pour de bon.

________________________________________________________________________________

Désolé pour la semaine de retard, mais j'ai eu un petit ennui qui se résume à, en gros, un gros craquage psychologique.

Je crois que c'est réglé là, mais du coup la publication a sauté une semaine, et je suis désolée pour vous parce que vous méritez vraiment pas ça !

Je vous dis à la semaine prochaine donc, en espérant que ça aille mieux et que je puisse emmener ce compte et cette histoire sur un nouveau départ !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top