Chapitre 22, partie 2

Les Inquisiteurs se levèrent frénétiquement, avant de mettre dehors, un à un, tous les témoins du procès sous leurs cris de protestations et l'air interrogateur des accusés. Il y eut quelques résistances, notamment du côté des familles nobles qui ne comprenaient pas, mais bien vite, tout le monde finit dehors, plus ou moins brusqués par les sbires du Grand Inquisiteur. Phila marmonna une question, alors que Baku chuchotait à l'oreille de Lina qu'il aimerait bien savoir pourquoi faire sortir tout le monde. Lina haussa les épaules en guise d'incompréhension. Elle ne savait pas non plus. Un jugement ouvert au peuple avait pour but d'établir leur culpabilité de façon immédiate et sûre auprès de ce dernier, et c'était Optrik qui avait décidé, à la base, de suivre ce mode opératoire. Alors pourquoi changer maintenant ? Est-ce que ses arguments étaient devenus trop faibles ? Est-ce qu'il était obligé d'abandonner pour rendre le procès encore moins équitable ? Ça la faisait presque sourire, mais elle n'oubliait pas que le fait qu'il sacrifie de cette manière une bonne partie de la confiance du peuple indiquait qu'il tenait vraiment à les punie, où à les tenir écartés, elle et la famille royale dont il ne s'était pas préoccupé de tout le procès. Ce qui n'annonçait rien de bon.

Finalement, il ne resta plus dans la salle du trône que les accusés, les enfants royaux, une trentaine d'Inquisiteurs et Optrik. Ce dernier fixa le banc des accusés avec un soupir, avant de se relever et de se pencher sur son bureau, son sourire disparu de ses lèvres.

« Écoutez moi bien, généraux, caporale, et vous deux aussi, voyageur yürhamah et démone. Je vous propose un choix. Soit vous vous déclarez coupables, et j'épargne la famille royale. Soit vous persistez à vous dire innocents. Et je n'hésiterai pas à les brûler un à un. »

Lina se crispa. Le choix de son ennemi était simple. Il consistait à se sacrifier pour sauver le royaume, mais sans aucune garantie que les enfants survivent après être laissés sans défense. Ou survivre, mais les tuer à coup sûr. Et condamner ainsi les restes de Wattpadia. Une telle proposition lui donna la nausée. Quoi qu'il advienne, les choses tourneraient très, très mal pour Wattpadia. Elle pouvait déjà sentir les clichés arriver dans la capitale, corrompant toute la cité, réduisant à néant la Création et tout ce en quoi elle croyait. Et quel que soit son choix, les enfants qui se tenaient à côté d'eux, tous tremblants de peur, n'auraient pas leur voix au chapitre. Ils seraient les marionnettes d'Optrik dans toute cette joyeuse mascarade. Qu'il en soit réduit à ce genre de marchés prouvait qu'il n'avait plus rien à dire, mais aussi un désir profond de les achever, eux.

« – Espèce de... » Marmonna Phila, tandis que Corbeau jurait. Akai, de son côté, eut un petit rire.

« – Dites, vous savez j'espère que je me fiche complètement de cette famille, et de ce royaume ? Je suis une démone, moi, je n'ai plus rien à sacrifier... »

Lina marmonna, mais ne dit rien de plus. Phila de son côté, soupira. Le seul à réagir fut Corbeau, qui tourna ses yeux vers les airs paniqués des princes et des princesses, avant de grommeler une insulte à l'égard d'Optrik. Ce dernier ne réagit pas. Il se contenta de les fixer en souriant.

« – Alors votre choix ? Les deux options me conviennent vous savez. Je vous hais tous. Vous, parce que votre bêtise a provoqué la mort de ma reine. Et eux, parce qu'ils sont les fruits de son union avec une autre. »

Lina tiqua.

« – Notre bêtise ? Comment ça votre bêtise ? »

Un petit rire s'échappa de la gorge d'Optrik, alors que les Inquisiteurs le reprenaient bêtement. Lina grogna, mais les menottes l'empêchaient d'intervenir. Elle ne pouvait qu'écouter Optrik.

« – Laissez moi vous expliquer l'étendue de votre stupidité. »

Les accusés s'entre-regardèrent, et la famille royale se mit à murmurer, tandis qu'Originalité fixait avec de grands yeux furieux l'usurpateur sur le trône. Lina pouvait voir le mépris suinter de ses yeux violets, un mépris incongru sur le visage de la fillette. Du côté des adultes, Phila marmonna quelques mots à Akai, quelques mots que Lina ne comprit pas, mais qui firent pouffer Baku. Elle haussa les épaules. Elle lui demanderait après. Pour l'instant, Optrik parlait et sa curiosité la forçait à se concentrer sur ses mots.

« Lorsque je me suis réincarné ici, cette guerre n'avait pas commencé. Il a fallu attendre très longtemps pour que Kikoolol arrive et ne se décide, très longtemps. Un laps de temps bien suffisant pour que je tombe amoureux d'Intrigue et qu'elle en choisisse un autre... »

Son visage se crispa sous le coup de la haine alors que Lina le fixait avec répulsion. Et il continua, la voix empreinte de colère.

« – C'est moi qui aurais dû devenir le prochain roi Style, moi ! Mais non, elle a préféré ce petit nobliau des provinces. Alors quand cette guerre à commencé et que sa vie s'est retrouvé dans la balance, j'ai décidé de tout faire pour sa survie à elle ! »

Lina marmonna, prise d'un soudain mépris à son égard. Baku, de son côté, se pencha, pour chuchoter à son oreille, juste assez fort pour n'être entendu que d'elle :

« – C'est marrant comme ce foutu Inquisiteur me rappelle quelqu'un. »

Lina grogna. Elle ne voulait pas faire la comparaison entre Optrik et Mairù, elle savait qu'elle trouverait trop de points communs. Mais elle hocha doucement la tête, et laissa Baku se concentrer sur le récit d'Optrik. Optrik qui ne s'arrêtait plus.

« – Je suis allé voir Kikoolol, et il m'a expliqué sa vérité. La vérité. Il ne me restait plus qu'à négocier avec lui. Faire en sorte que la guerre dure peu, et se termine avec le minimum de victimes. Mais vous avez formé cette maudite armée, et il a été poussé aux extrémités ! C'est votre faute si elle est morte, vous êtes responsables !

– Laisse moi rire, lança Lina. Kikoolol, ne pas faire de victimes ? Attends, je vais demander à mon épée dans la gorge, au corps putréfié de Sky, au sang qui a coulé dans les lieux où nous nous sommes battus ! Intrigue elle-même nous a donné son accord pour former cette « maudite armée » ! »

Corbeau eut un léger signe d'approbation, tandis que Phila marmonnait une insulte à l'adresse d'Optrik. Ce dernier se pencha encore plus sur sa chaise.

« – Alors, notre accord ? À moins que vous ne préféreriez que je commence maintenant ? »

Il ne fallut qu'un signe de sa part pour qu'un Inquisiteur ne sorte une dague ornementée et ne se rapproche de Vocabulaire, qui se mit à hurler de terreur. Le hurlement se communiqua à toute la famille royale, causant un joli vacarme sur le banc des accusés qui força Baku à se boucher les oreilles. Seule, Originalité ne hurlait pas. Elle se contentait de vriller sur Optrik un regard de pure haine.

Phila jura, tandis que Baku se collait à Lina. Akai, de son côté, fixa les Inquisiteurs avec détachement et mépris, avant de lancer :

« – Décidément, les humains sont d'un égoïsme confondant ! Vous ne pensez qu'à votre petite personne, vous ne voyez que votre malheur ! Je n'ai peut-être pas été concernée par cette guerre, mais voir votre idiotie assise sur un trône, portant la couronne royale, me donne envie de vomir. »

Phila approuva, contenant sa rage avec de grandes difficultés. De son côté, Lina se mit à gronder. Elle était à deux doigts de tout lâcher de nouveau, de se jeter à la gorge d'Optrik et de l'achever elle-même, quitte à y mettre ses dents. Mais Corbeau se redressa sur sa position, avant de lancer d'un ton calme :

« – Assez, vous trois. Nous jouons le salut du royaume dans ce procès. Je ne peux pas me permettre de vous laisser perdre votre sang-froid. Surtout toi, Lina. »

Les trois femmes jetèrent un regard glaçant à Optrik, mais n'ajoutèrent pas un son de plus. De son côté, Corbeau se leva, et croisa les bras autant que lui permettaient ses menottes.

« Vos petites préoccupations égoïstes vous font occulter le fait qu'il y ait une guerre à l'extérieur. Nous tuer nous, ou la famille royale, ne fera qu'aider à la destruction du royaume. Et votre saloperie de premier ordre doit bien vous laisser voir, quelque part, que c'est la pire idée du multivers ? »

Le silence se fit dans la salle. Puis, un rire retentit, de plus en plus fort, créant un écho étrange sur les murs, un rire fou et incrédule. Lina plissa les yeux. Après pareille tirade, ce rire ne pouvait pas venir d'Optrik, c'était impossible. Pourtant, c'était bien lui qui riait, un énorme sourire aux lèvres, les larmes aux yeux. Avant de finalement se calmer pour lancer, entre deux rires, sa réponse amusée :

« – Mes pauvres, vous n'avez aucune idée des plans de Kikoolol ! Je suis le seul espoir de ce foutu royaume, le seul à savoir ce qu'il va vraiment se passer ! Et ça n'empêche pas que notre accord tient toujours... »

Un rire sarcastique d'Akai fit écho au sien, prenant des tonalités presque folles, tant dis que celle-ci lâchait :

« – Vous n'avez jamais entendu parler des plans qui changent vous ? Franchement, j'aimerais bien voir ça ! »

Phila lui chuchota à l'oreille de se calmer, l'air de plus en plus inquiète, mais Optrik continuait de rire.

« – Ma chère, Kikoolol a peut-être manipulé tout le royaume, à l'exception de moi, de votre espion et peut-être de Mairù Claro, il est trop stupide et borné pour changer ses plans. Il continuera et moi je l'arrêterai. Notre accord ?

– Et un procès équitable, c'est trop demander pour vous, bordel de chiasse ? » Marmonna Lina, furieuse.

Optrik cessa de rire, son sourire toujours sur son visage. Avant de faire signe à un Inquisiteur. Celui qui tenait Vocabulaire en respect.

« – Bien, bien, alors négocions. Je peux vous accorder une période de prison donnée, disons quelques années, pour avoir manqué à votre devoir. Au jugé de vos paroles, le peuple n'acceptera que ça comme motif. Il n'y aura qu'un mort, la générale Blackheart, si je ne m'abuse. Et vous serez libres de faire ce que vous voulez ensuite avec la famille royale. Ça vous va ?

– Hors de question. »

Le ton de Baku était glacial. Et Lina s'aperçut, en se tournant vers lui, que des nuances écarlates commençaient à se mêler au bleu de son iris. Elle se crispa. C'était la marque de ses crises de rage, et, même si il ne pouvait rien faire sans magie, il lui serait très facile de bondir sur un Inquisiteur et de l'étrangler, ou de lui arracher son couteau avec la réactivité de l'homme fou de rage, avant de donner à Optrik un motif pour le tuer. Et elle ne voulait pas ça. Pas comme ça.

« – Ils sont innocents et vous le savez aussi bien que moi. Et puis, vous oubliez sans doute que Kikoolol pourrait attaquer et que vous cherchez à emprisonner certains des meilleurs mages du palais ? »

Un long soupir retentit dans la salle, alors qu'Optrik croisait les bras.

« – Vous ne comprenez pas. Et il faut un exemple pour asseoir le pouvoir, jeune homme. Alors c'est ça ou je vous fais tous cramer. Ou je tue la famille royale immédiatement. »

Baku se mit à pouffer, avec un sarcasme marqué sur son visage par un sourire en coin. Lina soupira. Tout le monde n'avait pas sa puissance de régénération, dont Optrik n'avait visiblement pas entendu parler si il choisissait le feu comme moyen de tuer. Et elle ne voulait pas voir les autres finir sur un bûcher. Le marché d'Optrik était tordu, mais c'était sans doute la meilleure option qu'elle avait.

– Un exemple ? Cracha Phila. Il est hors de question que Lina serve d'exemple à votre pouvoir tordu !

– Donc vous refusez ?

– Evidemm...

– Taisez-vous. »

De nouveau, Corbeau était intervenu. Le visage fermé. Montrant du doigt Vocabulaire.

À peine Phila avait commencé sa dernière phrase, Optrik avait fait un signe à son Inquisiteur. Celui qui se trouvait derrière le prince. Et à présent, l'adolescent s'était écrasé au sol, une dague plantée dans le dos, en train de gémir de douleur alors que le sang s'écoulait sur le sol. Sous les cris horrifiés de tous les autres enfants, dont certains s'étaient mis à pleurer. Et sous le regard empreint de terreur de Lina.

Elle n'avait plus le choix.

« – Très bien, j'accepte. Soignez Vocabulaire immédiatement et laissez les autres tranquilles. C'est moi que vous voulez, je me trompe ? »

Optrik hocha la tête.

« – Plutôt bien deviné. Vous êtes la plus gradée. Et vous êtes Cardinale de cette maudite église. Vous êtes la personne idéale à sacrifier pour lancer mon régime. Maintenant, dois-je vous faire préparer un bûcher... ?

– Non. »

Corbeau avait poussé un profond soupir, et s'exprimait d'un ton calme, habitué. Ses bras toujours croisés sur sa poitrine, il défiait une dernière fois Optrik.

« – Pourquoi vous fatiguer alors qu'elle va mourir dans un mois... ?

– Belle tentative d'essayer de me convaincre. Mais bon, c'est vrai. Autant qu'elle meure dans sa cellule. Ça me fera du temps gagné et elle n'est pas digne de mes bûchers. »

Il eut un dernier signe de la main, avant de frapper au marteau sur son bureau. Et les Inquisiteurs, après avoir emmené Vocabulaire dehors, les firent se lever et les traînèrent à l'extérieur, sous les jurons de Phila, les remarques sarcastiques d'Akai et le regard mauvais de Baku, l'air fou de rage. Mettant fin au procès et scellant l'accord d'Optrik

Lina soupira. C'était sans doute le mieux qu'elle pouvait obtenir. Mais ça ne l'empêchait pas de rager sur son sort et sur celui des siens. Elle était de retour en prison, et cette fois pour de bon.

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