Chapitre 21, partie 2

Lina s'empressa de retirer sa main en criant, surprise. Mais l'image avait eu le temps de s'enregistrer, et elle secoua la tête, tentant d'oublier l'étrange vision. Un avertissement divin, avait dit l'homme. Mais que voulait-il dire ? Que Kikoolol était aussi soumis à une malédiction ? Un regard vers Corbeau lui appris qu'il était tout aussi perturbé qu'elle, son calme olympien brisé par une lueur d'incompréhension dans ses yeux pâles. Mais lorsqu'elle voulut se retourner pour interroger l'homme, il avait déjà disparu.

Phila grogna.

« – Disparu comme ça... Merde !

– Laisse, soupira Akai, un envoyé des dieux se barre quand sa tâche est accomplie.

– Comme d'habitude ! Grogna Lina. Les dieux n'ont rien de mieux à faire que de nous balancer des énigmes et se barrer, et les gens se demandent pourquoi je déteste les autres cultes ! »

Corbeau soupira, avant de s'asseoir sur le banc qui lui servait de couchage et de croiser les bras.

« – En attendant, qu'est-ce que l'on fait ? Ces Inquisiteurs ont pris bien soin de nous ôter nos montres, de même que nos armes, avant de nous laisser moisir ici. La seule solution qu'on a, c'est de préparer notre défense, et espérer qu'elle tienne le coup. »

Les trois femmes hochèrent la tête, et Lina se mit à réfléchir, cherchant des arguments bien sentis à balancer à Optrik le jour de son procès. Mais elle avait beau faire, elle ne trouvait rien. Il était difficile de penser à quoi que ce soit alors que l'homme n'écoutait rien de ce qu'elle avait voulu lui dire...

Des cris interrompirent sa réflexion, et elle grogna en voyant arriver les Inquisiteurs devant sa cellule, les cadavres et le plafond effondré toujours sur les lieux. Ils couraient vers la sortie, en criant tout ce qu'ils pouvaient, alors que Lina se frappait le front. Akai soupira.

« – Ces gens n'ont donc jamais vu de morts ?

– C'est des leurs, souffla Phila. Normal qu'ils paniquent.

– Au moins, ils ne risqueront pas de nous accuser, marmonna Corbeau. L'ithridium nous innocente immédiatement, à moins que l'un d'entre vous dispose de pouvoirs divins autres que créationnistes ? »

Les trois femmes secouèrent la tête, et Lina se rassit sur son banc, se prenant la tête entre les mains. Tout s'était précipité depuis sa blessure, et elle ne s'attendait pas à devoir prendre un moment pour elle avant un bon moment. Surtout qu'avec l'avenir qui se profilait devant elle, elle était fichue : Le compteur sur sa main passerait à zéro avant qu'elle n'ait eu le temps de voir un bon nécromancien, ou n'importe quel mage qui pourrait l'aider. Il était difficile de faire des recherches de ce type en prison. Et elle mourrait, cette fois sans retour possible.

Quelques nouveaux Inquisiteurs, avec une robe rouge brodée bien plus riche que l'uniforme des précédents, se dirigèrent vers le carnage laissé par leur visiteur. Le plus vieux d'entre eux, un homme pâle et chauve doté d'une longue barbe blonde, soupira, avant de marmonner un sort. Un jet de flammes jaillit du sol et désintégra toute trace des cadavres, tandis que le plafond se reconstituait, sans doute sous l'influence de la magie de la Création. Puis, le groupe s'éloigna, sans jeter un regard aux prisonniers. Seul, l'homme à la barbe resta. Il regarda à droite. Puis à gauche. Enfin, il sortit un morceau de papier de sa manche, et le tendit à Lina. Curieuse, celle-ci s'en saisit, et le déplia. Dessus, il était marqué « Vous n'êtes pas coupables. Attendez le procès. Des gens sont en route pour vous sortir de là. »

Un sourire se dessina sur les lèvres de Lina alors que l'Inquisiteur s'éloignait. Cela pouvait être n'importe quoi, bien sûr. Un moyen de les empêcher de s'évader de plus, un piège, ou même une marque de gentillesse qui ne se concrétiserait jamais. Mais le morceau de papier lui donnait un secret espoir. Et, alors qu'elle le montrait aux autres, les visages de ces derniers s'éclairèrent.

« – On a un allié ? Demanda Phila en lisant le papier.

– On dirait, Phi ! » Rit Akai, un large sourire étalé sur sa face. La concernée soupira.

« – Pas de surnoms, tu veux ? »

Lina pouffa, avant de s'installer aussi bien que possible sur son couchage. Son procès était dans trois jours, Autant profiter ce ces trois jours pour se préparer.

Un grand fracas la réveilla, quelques heures plus tard, alors qu'elle dormait comme un loir sur le bois dur de sa couchette. Par réflexe, elle leva les yeux vers sa montre, avant de se rappeler qu'elle ne l'avait plus, que les Inquisiteurs la lui avaient prise. À la place de son mécanisme spatio-temporel, il n'y avait plus que sur son poignet le compteur de la Mort. Le chiffre trente s'y était effacé pour faire place au vingt-neuf, signant l'écoulement des vingt-quatre premières heures de son sursis.

À ses côtés, les autres se frottaient les yeux, eux aussi. Corbeau, irritable comme jamais, se permit même un juron à l'encontre du bruit, qui se rapprochait de leur cellule, accompagné de plusieurs voix. Phila, de son côté, se dirigea vers les barreaux en soupirant.

« – C'est un nouveau prisonnier, je crois. Les Inquisiteurs n'ont pas l'air de beaucoup l'aimer. »

Lina plissa les yeux. Elle arrivait presque à reconnaître une des voix, mais au milieu du vacarme, impossible de discerner les sons. Elle décida de se lever pour constater ça par elle-même, mais au moment où elle allait discerner le nouveau prisonnier dans le noir, la serrure de leur porte cliqueta, et une tornade bleue et blanche se jeta sur elle dans un grand cri de joie, manquant de les précipiter tous les deux au sol.

Un rire s'échappa de sa gorge alors qu'une odeur bien connue emplissait ses narines et qu'elle sentait le nouveau venu l'étreindre avec toute la force qu'il pouvait. Elle prit appui sur ses pieds afin d'éviter de tomber au sol avant d'enfouir son visage dans le cou du visiteur et de lancer en riant :

« – Moi aussi, je suis contente de te voir, Baku. Tu pourrais me lâcher ? »

Le concerné s'exécuta, la laissant admirer les regards éberlués de Phila et Akai et le léger pincement des lèvres de Corbeau. Lina sourit encore plus, avant de lever les yeux vers son visage enfantin et de passer la main dans ses cheveux blancs. Elle se sentait bien. Ce n'était que maintenant que son meilleur ami et la personne qu'elle appréciait le plus se trouvait avec elle qu'elle ne se rendait compte à quel point il lui avait manqué. Les yeux bleus de son ami brillèrent, et il eut un large sourire à l'adresse de Lina avant de coller son front au sien, dans un geste qu'elle n'aurait permis à personne d'autre. Mais elle était trop heureuse de le voir pour se préoccuper de l'image que pouvait donner une relation si fusionnelle avec quelqu'un pour qui elle n'avait jamais ressenti que de l'amitié.

Elle ne se rappela de la présence des autres que lorsque Phila toussota derrière elle, et qu'Akai lança sur un ton moqueur :

« – Eh bien, tu ne nous présentes pas ? Qui est notre nouveau compagnon de galère ? »

Lina pouffa, avant de se tourner vers les autres et de poser une main sur l'épaule de son ami. Ce dernier, se rendant enfin compte de la présence des autres, se recroquevilla un peu sur lui-même, les joues se teintant d'une délicate teinte de tomate écrasée, ce qui fit encore plus rire Lina.

« – Désolée. Les gars, je vous présente Baku Claro, un des meilleurs soigneurs de Wattpadia, et membre de ma confrérie. Baku, voici Phila, une collègue et amie, Akai, qui si j'ai bien compris est une démone de feu, et mon compagnon et collègue général Corbeau...

– On se connaît, souffla rudement ce dernier. On s'est déjà vus, à l'occasion de, comment dire, certaines tueries de masse. »

Le sourire sur les lèvres de Baku disparut instantanément, et il détourna le regard, blessé. Lina, de son côté, souffla.

« – Je t'ai déjà expliqué le bordel, tu vas pas commencer, mon coco ! »

Corbeau leva les yeux au ciel, mais ne fit pas un seul commentaire. Phila, de son côté, haussa les épaules et retourna s'asseoir, baillant à qui mieux mieux. Akai la suivit, laissant tout le loisir à Lina de se tourner vers son ami, son sourire de retour sur ses lèvres.

« Bon, les formalités faites, tu m'expliques comment tu t'es retrouvé là ? Tu as refait une crise ? »

Baku secoua la tête, avant de se mettre à raconter ce qui l'avait emmené là, son visage se crispant au fur et à mesure qu'il parlait, alors que Lina le fixait.

« – Non, je n'ai pas fait de crise, pas de crise majeure en tout cas. Mais l'édit annonçant la mort des souverains et ta trahison a été placardé jusqu'à chez nous. Quand je l'ai vu, bah... J'arrivais pas à y croire... Ça me semblait tellement éloigné de ce que tu pouvais faire que j'ai voulu aller me renseigner en ville moi-même. Et ces saloperies d'Inquisiteurs m'ont passé des menottes d'ithridium avant de me traîner ici, en m'insultant de tous les noms... J'ai même pas eu le temps de m'approcher des places. »

Lina soupira. Elle commençait à en avoir marre des manies des Inquisiteurs à enfermer tout ce qu'ils pouvaient. Surtout alors que Baku, pour une fois, n'avait rien fait.

« – Je vois. Au moins un qui n'a pas cru à cette magnifique mise en scène, ça me rassure.

– Je crois que personne n'y a cru chez nous, fit Baku en haussant les épaules. Lina Blackheart accusée de trahison, c'est beaucoup trop gros pour ceux qui te connaissent. Mais maintenant que je me suis fait avoir, personne ne va bouger. »

Elle grogna. C'est bien ce qu'elle craignait. Elle ne pouvait pas compter sur une quelconque aide extérieure venant des siens, surtout maintenant qu'un des mages les plus craints du royaume était réduit à l'impuissance dans sa cellule. Elle marmonna des insultes à l'adresse d'Optrik en observant Baku faire le tour de la cellule, plisser les yeux à la vue des pots de chambre, puis compter les lits et se mettre à pâlir. Remarquant son manège, Lina fit de même, avant de lever les yeux au ciel. Quatre lits. Et ils étaient désormais cinq. Bien sûr. À croire que les clichés revenaient en force jusque dans les lieux sacrés du palais.

« – Si c'est le nombre de lits qui te préoccupe, Baku, je dormirai par terre, j'ai l'habitude...

– Il y a de ça, mais euh, Lina... Il n'y a que quatre pots de chambre. »

Il se remit à rougir en énonçant son constat, avant de se prendre la tête dans une main. Lina se frappa de nouveau le front. Elle n'avait pas pensé à ça. Et bien évidemment, comme si ça ne suffisait pas, elle venait de se rappeler que le cadeau de la Nature se rapprochait dangereusement et qu'elle n'avait rien pour parer à la perte de sang...

Elle gronda et s'assit sur le banc, épuisée et agacée, se préparant à devoir se retenir pendant plusieurs jours pour éviter de déranger les autres, et maudissant la prison d'ithridium qui empêcherait Baku d'utiliser ses dons de soin pour calmer une éventuelle contraction d'un des organes qu'elle haïssait le plus.

Elle en avait déjà marre de ce scénario.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top