Chapitre 20, partie 3

La bombe disparut avec Amour, et le temps redémarra, laissant Lina et Phila bouger en toute liberté. Cette dernière émit un soupir de soulagement, alors que Lina se tournait vers Mort, une dernière question lui trottant dans la tête.

« – Le cycle littéraire. Il est vraiment brisé ? »

La Mort soupira, et hocha la tête.

« – Oui. La divinité que vénère le nouveau roi, la Flamme, est une des primordiales. Elle a largement le pouvoir de modifier cette loi. Désormais, vous devrez faire attention. Si trop de princes ou de princesses meurent, les clichés risquent de prendre le pas sur le royaume, et Wattpadia sera corrompu pour de bon. Bonne chance. Je transmettrai vos respects à Style et Intrigue. »

Et, sur ces mots, la Mort disparut, ne laissant que Lina et Phila sur la place. Il n'y avait plus personne aux alentours. Et la Voix avait disparu de leurs cerveaux. Elles étaient rendues à elle-même.

Phila soupira.

« – Pas fâchée de retrouver ma mobilité... Frôler la mort comme ça, ça fait se poser un paquet de questions. J'espère que Corbeau et Erin s'en sont sortis...

– Chut ! Tu as entendu ? »

Lina plaqua précipitamment une main sur la bouche de son amie, lui faisant signe de se taire. Avant de tendre l'oreille. Oui, elle ne s'était pas trompée. C'était bien des clameurs, des cris, des pleurs. Comme le jour de l'assassinat d'Orthographe. Elle pesta.

« Ils ont probablement sorti un édit... »

Phila jura à son tour, avant de se diriger vers la rue d'où émanait ce bruit. Lina la suivit, et les deux femmes jouèrent des coudes pour traverser la marée humaine, évitant, autant qu'il était possible, d'effleurer un habitant. Avant de lever les yeux vers le papier tout juste collé au mur, que les wakéliens fixaient avec douleur et crainte, tout tremblants devant les mots écrits sur le jaune du parchemin. Lina plissa les yeux. Style se servait de papier. Le parchemin était une marque de retour à des temps moyenâgeux. Et ça, ça ne lui plaisait pas du tout.

Elle déchiffra le discours, écrit à la plume dans une encre rouge. Et ses poings se serrèrent.

Un villageois, juste à côté d'elle, se mit à lire à son tour, d'une voix teintée d'incompréhension :

« Par ordre du nouveau roi Optrik Sin, les Princes et Princesses du Royaume de Wattpadia sont accusés de trahison suite à la découverte de l'assassinat du Roi Style et de la Reine Intrigue par la main du prince Orthographe... Par ce même ordre, l'exécution du prince félon est programmée pour dans une semaine... En outre, nous proclamons dès aujourd'hui la dissolution de l'armée de Wattpadia, à cause de la trahison de ses généraux, découverts devant le corps du roi Style... Bon sang, c'est quoi cette histoire ? Orthographe n'était pas mort ? Et le Roi... Le Roi est mort ?!? »

Lina n'était plus que pure rage. Elle, être accusée de trahison. Alors qu'elle n'avait eu en tête que le bien du royaume. Que ce même Grand Inquisiteur qui paradait désormais au trône avait ordonné lui-même l'assassinat d'Orthographe. Et qu'elle avait sacrifié une de ses plus grandes fiertés rien que pour pouvoir revenir au combat. Ses poings se serrèrent, un grondement s'échappa de sa gorge, grondement qui n'avait rien d'humain. L'envie de meurtre qui avait dominé les premières années de sa vie revint en force, choisissant ce moment pour frapper. Elle aurait tout donné, en ce moment, pour baigner dans le sang des Inquisiteurs. Pour tenir dans ses mains la tête de ce maudit usurpateur.

Phila, à ses côtés, marmonna, l'air en proie à la même colère :

« – ..... Lâche toi, Lina. »

Les ongles de cette dernière s'enfoncèrent dans ses paumes. Le sang goutta. Néanmoins, c'est d'un ton calme que cette dernière murmura, juste assez fort pour que seule Phila puisse l'entendre :

« – J'aurai la peau de cet Optrik. »

Les habitants, autour d'elle, étaient incrédules. L'information ne semblait pas rentrer. Ils marmonnaient tous leur incompréhension, niaient les mots inscrits sur le parchemin. Jusqu'à ce qu'un garde ne se mette à hurler, en pleine rue, s'attirant l'attention de tous les habitants autour :

« – J'ai vu les cadavres! Style et Intrigue son morts ! Ils sont morts ! »

Il se passa un instant de blanc. Puis les pleurs éclatèrent, suivis des cris, alarmant Lina. Elle aurait aimé prendre le temps de partager leur douleur, douleur qu'elle ressentait au plus profond d'elle-même. Mais ce papier l'accusait de trahison. Et si la mort de Style et Intrigue s'avérait confirmée...

Elle vit les wakéliens se tourner lentement vers elle, avec des yeux emplis de rage, de haine, et de douleur. Certains levèrent des fourches, d'autres des livres ou des outils. Elle vit même briller l'acier d'un poignard sous le soleil qui descendait. À ses côtés, Phila lui tira la manche. Elle pensait la même chose qu'elle.

Ils avaleraient bien vite le reste des informations à son sujet.

Mue par un instinct irrésistible, Lina tourna les talons et se mit à courir, attrapant la main de Phila pour ne pas la perdre dans cette foule. Les cris de rage des habitants résonnaient derrière elle alors que ses pas retentissaient sur les pavés, et qu'elle tentait tant bien que mal de se frayer un chemin dans la foule en colère. Phila finit par rattraper son rythme, et Lina put la lâcher avec soulagement, avant de porter sa montre devant ses yeux. Et de s'apercevoir avec horreur que la lueur du cadran s'était entièrement estompée. Sa montre spatio temporelle était vidée. Et sans portail, impossible d'espérer s'échapper.

Pourtant, elle tenta. Phila et elle donnaient des coups de coudes dans tous les sens, se frayant un chemin dans la foule toujours plus dense toujours plus enragée. Evitant un habitant, sautant au dessus d'un enfant. Mais il était impossible de courir dans la foule. Et la masse humaine finit par se refermer, leur coupant toute sortie, les laissant à la merci des Inquisiteurs qui arrivaient. Lina se mit à siffler de rage en en voyant un arriver avec des menottes d'ithridium. Mais même la menace de combustion d'appendices qu'elle avait sorti des profondeurs de sa colère ne suffit pas à empêcher l'homme de lui passer les menottes. Et alors qu'elle était privée de tout moyen de défense, les Inquisiteurs s'écartèrent, laissant passer un homme grand et musclé, à la peau mate, avec un bouc finement rasé qui ornait son visage dur. Il fixa les deux jeunes femmes avec un air sévère, avant de frapper dans ses mains, ce qui écarta encore davantage les Inquisiteurs.

« – Vous avez essayé de vous enfuir, mesdemoiselles ? Serait-ce un aveu ? »

Lina siffla.

« – L'instinct de survie, tu connais, connard ?

– En quoi s'enfuir est un aveu ? Marmonna Phila. Tu te cherches des excuses ? »

L'homme poussa un profond soupir, avant de faire signe aux Inquisiteurs de s'emparer des deux femmes. Lina, sentant leurs poings se refermer sur son bras, se mit à se débattre, se débattre, tant qu'elle pouvait, mais l'homme murmura une phrase dans une langue qu'elle ne connaissait pas, et elle se retrouva figée, dans une sensation qui ne lui était que trop familière. L'homme écarta les bras.

« – En voilà des manières de parler à votre nouveau roi ! »

Le cerveau de Lina fit immédiatement le lien. Le sort de Kikoolol, le titre, la déférence que semblaient lui vouer les Inquisiteurs. C'était lui, le fameux Optrik Sin, lassassin d'Orthographe. Le véritable traître à la Couronne, qui se tenait là, devant elle, alors qu'elle se trouvait sans défense, et accusée de ce que lui avait fait. Un constat qui l'emplissait de colère. Colère qu'elle hurla à la figure de son ennemi, dans un long discours accusateur, alors que celui-ci la fixait. Mais les piques, l'énoncé de ce qu'il avait fait, tout ça ne fit que le faire rire.

« – Ne racontez pas de bêtises ! Ce sort nous appartient, il fige votre feu intérieur ! Et n'essayez pas de nous attribuer vos crimes, ce n'est qu'une méthode de lâches ! Ce que vous êtes, au final, généraux de Wattpadia... On ne vous a pas beaucoup vu perdre les vôtres pour le salut ce ce royaume, miss Blackheart ! Avez vous seulement connu le deuil ? »

C'en était trop. Il avait prononcé la parole de trop, il avait osé réduire le décès de Sky, de sa mentor, de son amie, à quantité négligeable. Lina voyait rouge, sa colère bouillonnait, elle n'avait plus en tête que l'image d'Optrik déchiqueté par ses soins. Ses menaces franchirent l'espace entre le Grand Inquisiteur et elle, faisant douter les habitants qui se souvenaient de la mort de leur première générale, accompagnant les insultes de Phila qui avait laissé son légendaire calme de côté pour hurler ses hauts faits, ses propres accusations. Il n'y avait plus que rage chez les deux femmes, rage devant les paroles de leur ennemi. Ennemi qui secoua la têt, écartant toutes leurs accusations.

« – Nous avons fait bien plus que vous pour la protection de ce royaume, de ce roi ! Vous, vous ne valez rien, rien de plus que des vers de vase, vous avez été inutiles !

– Protégés ? Cracha Phila avec mépris. Joli résultat, le roi est mort !

– Ça je sais, petite sotte ! Je les ai vus ! »

Sa voix sembla se briser, et il serra les poings, alors que Lina continuait de hurler sans faire attention au public qui l'entourait. Il marmonna, trop bas pour être entendu du peuple, les dents serrées et les yeux plissés :

« – J'ai vu ma reine étendue sur le sol, je l'ai vu un poignard entre ses côtes, je l'ai vue... Je l'ai vue... Morte ! Votre bêtise a tué celle que j'aimais ! Et vous pouvez me crier dessus autant de fois que vous voulez, Lina Blackheart, cela n'atténue en rien votre crime ! Inquisiteurs ! Emmenez-les ! Ils seront jugés avec les enfants ! »

Les Inquisiteurs s'exécutèrent. Et Lina se sentit traînée vers le palais par des mains solides, aux côtés de Phila qui marmonnait des menaces, le cœur encore plein de rage et la bouche encore pleine d'insultes. Dans sa tête, une unique promesse.

Elle emmènerait elle-même Optrik sur son échafaud.

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Eh bien je pense qu'on peut dire que nous entrons aujourd'hui dans la phase finale de l'histoire ! Il reste environ une quinzaine de chapitres avant la fin de ce premier tome et je dois dire qu'ils sont loin d'être de tout repos....

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