Chapitre 13, partie 2
Elle se recula vers son extrémité du champ de bataille, une Erin à moitié inconsciente sur l'épaule. Corbeau ne tarda pas à se poser à côté d'elles, l'air un peu inquiet, avant de charger l'elfe sur son épaule.
« – Il s'est passé quoi ?
– Ce qui arrive lorsqu'on affronte une horde de clichés à armes blanches, mon vieux. Elle a été blessée. Allez, aide moi à la porter, fais pas le con. »
Le cryomancien obtempéra, chargeant davantage Erin sur son épaule, avant qu'une Lina lassée ne décide d'utiliser ses pouvoirs et ne se transforme en lion de pierre afin de dégager le reste du passage. Devant la fourrure grise de l'animal, imbibée du sang que portait la forme voyageuse yürhamah de Lina sur elle, les soldats wattpadiens reculèrent le plus possible, ne laissant que des clichés sur le chemin de l'animal. Celui-ci rugit, laissant le temps à Corbeau de se placer derrière elle, et se précipita vers la forêt en chargeant à toute allure, renversant les clichés sur son chemin avec une ardeur telle qu'on aurait pu la comparer à la boule d'un certain jeu de quilles terrien.
Avant que les derniers corps de clichés ne retombent au sol, Lina était déjà à l'orée de la forêt, Corbeau la suivant de près. En se tournant vers lui, la générale put s'apercevoir qu'il ne restait plus de ses ailes que des appendices de glace fissurés de toute part. Lui aussi semblait avoir subi durant la bataille, bien que s'il portait une quelconque blessure, elle n'était pas visible par la jeune femme.
La douleur sourde qui accompagnait les transformations de Lina finit par envahir ses muscles au point de crisper son corps entier, et cette dernière reprit forme humaine, avant de se remettre sur ses pieds et de s'épousseter les vêtements. Un peu de sang séché se détacha des lambeaux de sa veste de cuir et tomba au sol, mais ses blessures avaient déjà commencé à se refermer.
« – Je m'en sortirai, grogna Lina à la vue du regard inquiet de son acolyte. C'est Erin qui m'inquiète. J'ai l'impression qu'elle s'est évanouie. »
Le concerné se pencha vers sa protégée. En effet, l'elfe pendait mollement sur l'épaule du cryomancien, les yeux dans le vague et une main sur sa blessure. Lina pouvait encore entendre son cœur battre d'ici, mais il lui était évident que son amie avait besoin de soins urgents. Corbeau soupira, avant de la charger sur son épaule, et de se diriger vers la forêt, où l'attendait les équipes médicales.
Laissée seule à l'arrière, Lina prit un peu de temps pour essuyer ses blessures, grimaçant à la vue du bandage tâché de sang de son mollet. Même avec ses capacités de récupération, il lui faudrait du temps pour s'en remettre. C'était limite si elle pouvait encore se battre, et elle ne tiendrait pas longtemps sans une solution miracle. Mais bon. Elle était toute seule, derrière les lignes alliées. Il faudrait une horrible coïncidence à la cliché pour qu'elle se retrouve à devoir combattre...
Le sifflement retentit derrière elle alors même qu'elle se rappelait qui elle affrontait, accompagné de la pestilence caractéristique de son vieil ennemi. Retenant un cri de dégoût, elle se retourna, pour plisser les yeux à la vue de Sretaz, qui dardait vers elle un regard teinté de la plus pure convoitise.
« – Cardinale Blackheart, quelle bonne surprise... Je vous cherchais, justement. »
Lina siffla. Ce qu'elle aurait adoré se jeter sur lui séance tenante, et trancher son immonde tête de lézard avant même qu'il n'ait eu le temps de réagir. Seulement, elle était épuisée, et blessée. Ce genre d'attaque dans son état divisait au moins par trois ses compétences offensives et l'exposait au danger d'une riposte de l'animal. Ce dont elle ne pouvait pas se permettre, au vu du liquide vert qui imprégnait son cimeterre. Du poison, sans aucun doute.
Non, elle devrait gagner du temps. Retrouver des forces, attendre Corbeau, peut-être. Quelle malchance d'être tombée sur la face de lézard maintenant, grogna-t'elle. Alors qu'elle aurait tout donné pour l'affronter, voilà qu'il tombait au pire moment.
Toute à sa fierté et son imprudence, le cliché sifflait, répandant sa pestilence dans l'air à un point tel que Lina se vit obligée de reculer d'un pas. Ce que, bien évidemment, il interpréta à sa manière.
« – Cela fait un moment que j'attends de vous revoir, ma jolie, depuis la fuite de votre amie en fait. Le patron ne m'a jamais pardonné de perdre cette précieuse monnaie d'échange... Et vous ne voulez vraiment pas voir le patron énervé ! »
Lina bougonna. Encore un discours à en vomir. Mais le lézard ne se doutait sûrement pas qu'il lui permettait de gagner du temps, de récupérer ses forces petit à petit. Une chance que ce type soit un cliché, se dit la générale à elle même avec un fin sourire. Contre n'importe lequel de ses soldats, de ses amis, contre Kikoolol même, elle aurait été morte dans la seconde qui suit. Mais Sretaz, lui, préférait parler qu'attaquer. L'imbécile.
« Vous savez, j'aime pas du tout, du tout mon patron. Alors quand je peux l'emmerder, je l'emmerde. Je me souviens du jour où...
– Viens en au fait, face de gecko, grogna Lina. Tes bavardages m'agacent. »
Elle n'avait pas pu se retenir. Au diable le temps gagné ! L'aura lui tapait sur les nerfs, et elle ne supportait pas les discours de clichés moisis. Mais le reptile fit sortir sa langue avec une imitation de sourire sur son faciès écailleux, avant de susurrer d'une étrange voix, plus grave, plus humaine :
« – Mais voyons, Lina, je ne vais tout de même pas gâcher ce grand moment de gloire juste pour tes beaux yeux... Ce serait trop me demander ! »
La jeune femme se figea. Cette voix, cette façon de parler, cette intonation... Ce n'étaient pas celles de Sretaz. Non. Elle les connaissait trop bien pour les attribuer à une énième facétie du reptile. Mais comment avait-il pu les imiter ? Passer maître dans l'art de l'imitation était une chose, imiter quelqu'un sans l'avoir jamais vu en était une autre. Et son horrible hypothèse prenait de plus en plus de poids, alors qu'un rire fou résonnait dans sa tête, lui arrachant un frisson.
Lina ferma les yeux, cherchant un maximum à éviter le contact visuel. Ce n'était pas possible, il devait l'avoir hypnotisée, ce n'était pas possible autrement. Il devait avoir réveillé un de ses souvenirs par son pouvoir, il paraissait que c'était possible. Tout sauf ça. Elle ne voulait pas signer l'arrêt de cette guerre sur leur défaite. Et puis, pourquoi ? Pourquoi ? Comment il aurait pu ? Trop de questions sans réponses et le lézard continuait de ricaner, son ton sifflant de retour entre ses mâchoires.
« – Oui, Lina Blackheart, je le connais bien mieux que tu ne le penses. Tout comme je te connais toi. Cette petite attaque sur ta confrérie ce jour là... Tu te souviens ? Ah, comme j'étais ravi de voir la tête du patron lorsque je lui ai dit qu'il n'aurait pas dû trop bavarder sur toi ! Bon, j'espérais te ramener à lui, ç'aurait été drôle. Mais le passé, c'est le passé, pas vrai, miss Blackheart ? »
Ses paroles éveillèrent un lointain écho chez Lina alors qu'elle se ramassait sur elle même, puisant dans ses dernières ressources et le reste d'énergie qu'elle avait acquis durant les bavardages de cet imbécile. Mais il serait toujours temps de s'en préoccuper après. Tout comme il serait temps de réfléchir à comment Sretaz avait pu imiter cette voix. À la suite des évènements. Et à plein d'autres choses encore. En ce moment, à cette seconde précise, il n'y avait plus qu'une seule chose qui comptait : Décoller la tête des épaules du reptile.
Ce dernier n'eut pas le temps de réagir, ni même de se mettre en défense correctement. Lina avait déjà bondi. Et la lame du katana heurta la garde du cimeterre, entamant un duel que la générale ne menait que par la force de son odorat.
Depuis le début, ses yeux étaient fermés. Elle avait bondi à l'aveugle, ne se fiant qu'à son ouïe et son sixième sens pour frapper l'hypnotiseur, l'empêchant de croiser le regard avec elle. De sa capture, elle avait retenu la leçon. Ne pas le fixer dans les yeux. Se fier au reste. Frapper sans hésiter, jouer sur sa vitesse, ne jamais baisser sa garde. Et c'est ce qu'elle fit.
Le son d'un jet de glace lui signala la présence de Corbeau. Il était là, lui aussi, à la soutenir de loin. Un sourire se dessina sur ses lèvres alors qu'elle levait son katana. Elle ne pouvait pas prévoir ses mouvements. Pas alors que ses yeux étaient clos. Mais lui pourrait. Et il frapperait dans les ouvertures qu'elle laisserait, achèverait Sretaz, et signerait leur victoire.
Le lézard, étrangement, résistait plutôt bien. Les attaques de Lina ne lui laissaient pas le temps de réagir et, de temps en temps, un pic de glace lui arrachait un cri de douleur. Mais il tenait bon, campé sur ses positions, croisant le fer avec Lina de près et le Chevalier à distance. Chaque coup lui enlevait un peu de sa belle résistance, et alors que Lina mettait toutes ses forces dans l'affrontement, ignorant sa jambe blessée et toutes les égratignures qui constellaient son corps, il perdait petit à petit le dessus. Mais aucun des deux généraux ne parvenait à lui porter le coup fatal.
Lui portant un énième coup qui fit exploser des écailles dans un bruit net, la jeune femme recula d'un bond avant de réattaquer, réfléchissant. Corbeau ne pourrait pas utiliser ses sorts si elle se tenait aussi près de Sretaz, et si elle tentait de reculer elle perdrait l'ascendant et risquait de ne plus pouvoir prévoir ses mouvements. Ce qui s'avérait automatiquement fatal face à un utilisateur de poison. Et si elle ouvrait les yeux, il l'hypnotiserait de nouveau. Non, elle devrait l'achever elle-même si elle voulait limiter ses blessures.
Impossible d'expliquer ses conclusions à Corbeau, mais un tireur à distance a toujours plus de vision sur un combat qu'un combattant au près. Elle espérait qu'il en avait déduit la même chose qu'elle et qu'il mettrait au point un plan, avant qu'elle ne cède à sa fatigue et ne se fasse toucher. Le cimeterre de Sretaz avait déjà réussi à lui effleurer le flanc, et elle avait senti le cuir de sa veste se déchirer sous l'action de la lame. Son katana pesait de plus en plus lourd dans ses mains. Il fallait faire vite.
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