Chapitre 12, partie 2

Un léger choc sur son épaule interrompit ses réflexions. Le vendeur était de retour devant elle, un carnet et du tissu à la main, avec son habituel sourire sur les lèvres. Le regard de la métamorphe se fit plus net, et elle leva les yeux vers l'homme, qui secoua le tissu qu'il avait dans les main, dévoilant une ébauche de costume.

« – J'ai fait les bases, ma Cardinale. Vous voulez bien aller essayer que je voie ce qu'il y a à ajuster? Il ne manque plus que vous. »

Opinant de la tête, la jeune femme attrapa les vêtements et se dirigea vers les cabines. Une fois les rideaux refermés derrière elle, elle retira son habillement dans un geste fluide, laissant aller les bracelets et les chaînes qu'elle portait dans tous les sens, ne gardant que ses deux pendentifs. Puis, elle enfila le costume.

Un sourire s'étira sur le visage alors qu'elle se tournait vers le miroir. Malgré la largeur des manches qui lui arrivaient au coude, ouvertes au point d'y passer sa tête, le vêtement qu'elle portait lui semblait confortable et pratique. Il se composait, en tout et pour tout, d'un haut à manche semi-longues dégradé du bleu ciel au noir, et d'un pantalon de satin marine orné de motifs presque indiscernables à l'œil nu, même pour elle. Elle réfléchit un moment. Malgré le manque de praticité des manches, le vêtement lui plaisait. Elle pourrait aisément porter la tenue avec des bottes, ce qui lui permettrait de se sentir à l'aise et de réagir vite, même en tenue d'apparat. Ce qui n'était pas négligeable.

Un signe de sa part fit venir le vendeur, qui écarta légèrement le rideau et hocha la tête avec un visage concentré, les yeux plissés par le fil de sa réflexion.

« Ce n'est pas trop mal tout ça... Un avis ma Cardinale?

– Il faudra diminuer le diamètre des manches, et les raccourcir un peu, peut-être. Autrement, je n'ai aucune objection. »

Le vendeur hocha la tête, et sortit de la zone avant de revenir avec des ciseaux, du tissu d'un blanc de neige et une paire de bottes grises, maintenues par une fermeture éclair brillant d'un éclat adamantin. Ravie, Lina s'empressa de les enfiler alors qu'il consultait ses mesures, soupirant d'aise en constatant que c'était sa taille. Alors qu'elle changeait d'appui pour habituer ses pieds, de manière la plus imperceptible possible, le vendeur s'empara de ses ciseaux, et découpa de fines bandes du tissu blanc avant d'immobiliser un des bras de sa cliente et de commencer à refermer les manches, faisant fi de ses mouvements de recul. Enfin, avant de se reculer pour laisser admirer sa tenue à Lina, il se concentra et mobilisa les flux autour de lui pour faire apparaître sur le dos de cette dernière un manteau aux manches coupées, d'un gris simple.

Le résultat sembla plaire à Lina vu que son sourire s'élargit. Il ne se disait plus mot derrière le rideau séparateur, et seules les conversations de Corbeau et d'Erin, plus badines qu'autre chose, parvenaient à la jeune femme du reste de la boutique. Malgré tout, les mots étaient inutiles pour exprimer la satisfaction de la cardinale. Il suffisait d'observer son port de reine, sa posture droite dans ses bottes qui lui remontaient aux genoux, et la manière dont le haut, désormais à manches courtes légèrement bouffantes, retombait sur son corps en dissimulant ses muscles très développés. Le pantalon, quant à lui, était moulé de manière à mettre en valeur ses jambes de combattante, et très peu de ses cicatrices étaient visibles avec le vêtement.

Le vendeur hocha la tête, et retira le manteau final avant d'y coudre quelques bandes de tissu ainsi qu'une plaque de cuir argent au but évident d'accueillir les étoiles prouvant son futur statut. En repassant ce dernier sur ses épaules, Lina redressa la tête et observa son reflet dans le miroir de nouveau. Parfait. On aurait dit qu'elle pouvait affronter l'armée entière des clichés sans perdre une once de sa superbe.

Elle remercia le vendeur et ressortit de son espace, pour tomber sur une Erin habillée de pied en cap, qui arborait un sourire éclatant. La veste qu'elle avait repérée tout à l'heure dissimulait ses formes, et elle portait avec une jupe plissée dans les tons beiges et un pantalon amidonné blanc sale. Lorsqu'elle leva la main pour repasser une mèche derrière son oreille, Lina put aviser les gants blancs et rembourrés qu'elle portait. Un assez bel ensemble, mais qui jurait un peu avec sa peau hâlée et ses yeux verts.

« Pas mal, Erin, lança la Cardinale. Mais pas très accordé avec ton physique.

– Oui bon ça va hein! J'ai pas l'habitude de la mode, moi! »

Un petit rire s'échappa d'entre les lèvres de la jeune femme alors que l'elfe adoptait une moue un peu boudeuse, avant de détourner la conversation sur un sujet anodin, tel le soleil qui se couchait ou la dernière visite de Seiji. Conversation qui fut interrompue par l'ouverture du rideau abritant le Chevalier Corbeau, qui portait fièrement un manteau de cuir pâle au col ornementé, fermé uniquement sur l'extrémité haute et bordé de noir. Une ceinture croisée retenait un pantalon de soie plissée et il portait des bottes de cuir noir, ainsi que des mitaines doublées de métal. Un sourire aux lèvres, il lissa sa chemise, l'air très à l'aise dans son vêtement.

Erin et Lina le regardèrent un instant, en silence. Puis la première siffla, alors que la deuxième pouffait, en proie à une hilarité contenue. Leur acolyte poussa un très long soupir et posa une main sur son front.

« – Vous ne pourrez pas m'en vouloir d'avoir souhaité que vous vous présentiez avec des tenues dignes de ce nom devant nos souverains.

– Bien sûr que non, mec, rit Lina. c'est juste que ça te change de te voir parader.

– Je ne parade pas. »

Les deux filles rirent encore plus.

« – A d'autres, Chevalier, lança Erin. Je te parie que tu vas bomber le torse une fois tes étoiles accrochées !

– Ne sois pas stupide. Je suis fier de mon avancée, mais parader est une perte de temps. Allez venez, le soleil est presque couché et on doit être dans la salle du trône avant la nuit. »

Lina soupira, mais laissa tomber le sujet, hochant doucement la tête à l'adresse de son camarade. Erin haussa les épaules, et les trois se tournèrent vers le vendeur qui leur sourit.

« – Je vous souhaite bonne chance, mes généraux. Allez nous sauver des clichés. »

Corbeau s'inclina et sortit, suivi par Erin qui réajustait sa tenue. Laissée seule derrière, Lina fixa un instant le vendeur, avant de lancer :

« – La prochaine fois que vous irez dans une taverne ou un bar, dites bien aux ivrognes que non, je ne sais pas me changer en dragon. Bonne soirée à vous et que la bénédiction du Créateur vous ouvre vos chemins. »

Le vendeur pouffa et acquiesça, et Lina sortit, non sans avoir rapidement signé le vendeur en guise de remerciement. La monnaie était certes inutile à Wattpadia, mais il était ancré dans ses préceptes de remercier celui qui vous accorde son temps et ses pouvoirs.

Lorsqu'elle sortit de la boutique, la cardinale s'aperçut que les deux autres avaient pris de l'avance, au point qu'ils n'étaient nulle part en vue, perdus dans la foule du crépuscule. Elle souffla violemment, agacée, et pressa le pas pour les rejoindre le plus vite possible, serrant les bretelles d'un sac contenant ses vêtements d'origine. Cependant, au milieu de la foule, impossible de les repérer avec précision, c'était tout juste si elle ne se perdait pas... Elle grogna, agacée. Ce n'était vraiment pas le moment.

Elle réfléchissait à se diriger directement vers la cour du palais, pensant les y rejoindre, lorsqu'une voix attira son attention dans une ruelle proche. Elle reconnaissait cette voix. C'était celle de la princesse, Originalité.

Étonnée d'entendre la plus jeune des princesses dans un endroit si éloigné du palais alors que Style devenait paranoïaque, Lina se rapprocha de l'endroit où elle avait entendu la voix avant de se coller au mur et de regarder dans la ruelle.

Il s'agissait bien d'Originalité. Ses longs cheveux roux flamme et ondulés étaient très reconnaissables dans le noir de la ruelle, et si le doute était encore présent sa tenue était indubitablement princière. Elle parlait d'un ton pressant, trop bas pour être entendue par Lina, mais cette dernière put voir nettement, au fond de la ruelle, son interlocuteur. Un immense homme à la peau pâle et aux longs cheveux noirs et gras, revêtu d'un uniforme qui n'était pas sans lui rappeler ceux des soldats allemands des guerres mondiales terriennes. Il faisait doucement tourner sa casquette entre ses doigts avec calme, fixant de ses yeux entièrement noirs la jeune princesse qui se tordait les mains.

Originalité tournait le dos à Lina, se mettant dans l'impossibilité de clairement détecter sa présence derrière le mur, en train d'écouter leur conversation. Mais l'homme, lui, ne tarda pas à baisser le ton et à braquer son regard sur la cardinale dissimulée, se taisant aussitôt. Ce qui fit se retourner la princesse.

Lina jura. Ou elle était mauvaise pour écouter, où l'homme était doté d'une sensibilité particulière. En tout cas quoi que ce soit, ils l'avaient repérée, et se faire passer un savon par la princesse ne serait sûrement pas un bon présage pour son adoubement. Maudissant sa curiosité, elle sortit des ombres et s'inclina devant la petite fille, qui soupira. Un soupir aux intonations bien trop soucieuses, bien trop adultes, pour son jeune âge.

« – Cardinale Blackheart, ça faisait longtemps... Venez venez, on ne se raconte pas vraiment des secrets pour vous. »

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