Chapitre 1, partie 2

Le Chevalier se figea, les yeux s'agrandissant quelque peu de surprise, alors que le pan de son manteau blanc qu'il faisait tourner entre ses doigts retombait le long de son corps filiforme.

« – ..... Le pire, c'est que l'idée est bonne. Mais comment tu vas approcher le roi? Il doit être cloîtré dans son palais depuis l'assassinat. »

A ces mots, Lina sourit, dévoilant ses canines légèrement pointues.

« – Je suis cardinale et ex-membre d'une confrérie de grande importance, très écoutée par le roi. Les valets nous laisseront passer. Et je te rappelle que sa Majesté reçoit sans audience. »

Elle fixa avec son petit sourire satisfait le jeune homme qui semblait réfléchir. Avant que ce dernier ne hausse les épaules, toujours inexpressif, mais l'air déjà un peu plus satisfait.

« – Il ne me reste plus qu'à marcher avec toi. Après tout, ne dit-on pas que qui ne tente rien n'a rien? »

Lina était bien d'accord avec cette simple phrase. Alors d'un geste, elle indiqua au Chevalier l'immense bâtisse de marbre blanc. Le message était clair. Il était temps d'y aller.

Les deux compères se dirigèrent donc vers le palais royal, prêts à rencontrer Style et aider Wattpadia à se tirer de ce mauvais pas.

Alors qu'ils cheminaient dans les immenses boulevards bondés de la capitale, tentant d'ignorer les pleurs des habitants endeuillés, la brunette, d'humeur étonnamment bavarde comparé à son habitude, tenta d'engager la conversation avec son peut-être futur compagnon d'armes. Car après tout qui sait dans quoi ils allaient s'engager ? Ce genre de combat risquait de prendre du temps et elle le savait. Si bien qu'en apprendre plus sur son nouvellement rencontré camarade ne lui paraissait pas être une trop grosse corvée. Surtout qu'il avait pas mal de choses à lui dire.

« Alors comme ça tu es chef de confrérie? Mais t'as quel âge? »

Le jeune homme soupira devant l'exclamation stupéfaite de sa toute nouvellement rencontrée compagne, éberluée devant ce qu'il venait de lui apprendre, alors que quelques passants se retournaient devant son cri surpris avant de reprendre leurs activités quotidiennes.

« – Vingt-six. Oui je sais, ça t'en bouche un coin. Je l'ai reprise en main à seize ou dix-sept, je ne sais plus... On avait déjà pas mal d'éléments perturbateurs.

-Pas mal! »

En ce qui concernait Lina, elle n'était pas des plus impressionnables. Elle-même était quelqu'un de très investi dans ses objectifs, au point d'être devenue l'une des plus jeunes cardinales de l'Église de la Création à ses vingt ans. Mais rencontrer un de ses collègues, âgé de tout juste cinq ans de plus qu'elle, qui dirigeait une confrérie importante, du genre qui aidait le roi à gérer le pays, faisait partie des rares choses qui provoquaient en elle un certain respect de base.

Chemin faisant, elle aussi racontait sa petite vie à son camarade. Le palais restait loin tout de même, et elle eut le temps de lui raconter qu'elle même faisait autrefois partie d'un de ces regroupements de voyageurs qui avaient pour mission de veiller sur le continuum espace-temps, un peu plus grand que celui de Corbeau toutefois, et qu'elle était rentrée dans les ordres avant même d'avoir fini son adolescence pour s'y montrer très active, avant qu'une voix ne les interrompe dans leur conversation et progression.

« Eh! Vous allez où comme ça? »

Les deux compères se retournèrent pour voir une fille de grande taille aux cheveux bruns et coupés en carré, bien campée dans ses bottes à seulement quelques mètres d'eux. Une cicatrice marquait sa joue gauche et elle portait une tunique bleue typiquement elfique. Ses longues oreilles pointues, recouvertes d'une fine couche de duvet frémissant sous le vent froid de l'automne, permettaient d'ailleurs d'assurer son ascendance. Lina, après quelques secondes, l'identifia pour une habitante d'un monde elfique quelconque, en visite à Wattpadia pour une raison sans doute peu importante, mais manifestement pas pour y faire du tourisme, si on en croyait la rapière luisant sous le soleil, pendue à son côté droit.

La jeune fille fixait le petit groupe avec des yeux bruns teintés de détermination et avait une posture démontrant son statut de combattante. De même qu'une voix plutôt cassante et un franc-parler certain. Surtout lorsqu'elle s'exclama d'un ton rude :

« Je vous ai entendus aussi vous savez. Et j'ai pas franchement l'intention de rester les bras croisés alors que ces choses pourraient envahir mon pays natal. Je viens avec vous. »

Le Chevalier parut prêt à protester mais la fille le coupa avec sécheresse, avant même qu'il ne puisse ouvrir la bouche, une autorité très nette dans sa voix grave.

« Je ne vous laisse pas le choix. Surtout qu'on est jamais trop de trois dans une entreprise pour convaincre le roi, paraît-il. »

Lina se remit une mèche en place, l'air plus convaincue que son compère par cette fille, avant de soupirer. Elle avait effectivement raison, et une aide n'est jamais de trop, surtout en temps de guerre.

« – Et sinon qui tu es? Parce que affronter mille éventuels dangers avec une personne dont je ne connais même pas le nom, ça me tente que moyennement.

– Erin, enchantée. Et vous? »

Lina se présenta, suivie du Chevalier. La dénommée Erin leur fit un signe de tête.

« Bon, maintenant qu'on est plus des inconnus les uns pour les autres, on peut y aller? Les clichés ne vont pas s'exterminer tous seuls. »

Les deux autres se regardèrent, haussèrent les épaules et cette phrase marqua ainsi la reprise de leur marche vers le palais. Sauf que cette fois ils étaient accompagnés d'Erin, elfe de son état, qui ne tarda pas à meubler la conversation entre le petit groupe assez facilement, semblant être la plus bavarde des trois. Ce qui n'était pas difficile, à en voir l'air fermé du Chevalier et la distraction polie de Lina, qui ne répondait que lorsqu'un détail de la conversation attirait son attention.

Finalement, ils arrivèrent devant le palais de marbre blanc. Devant eux, une immense porte d'ébène ouvragé, enfoncée dans une alcôve gravée avec une finesse incroyable, ornée de scènes anciennes de l'histoire de Wattpadia et de quelques gravures religieuses. Autour de cette dernière étaient pendus des drapeaux orange en berne, dont l'accrochage sur leur bâton de soutien empêchait d'en discerner le motif. Cependant, il était évident qu'ils portaient le symbole de Wattpadia, un W stylisé orange cerclé de blanc.

Devant cette même porte, des gardes à la mine patibulaire et aux armures lourdes luisant sous le soleil de midi attendaient en tournant en rond, l'air très tendus, probablement par la mort du prince. Leurs armes cliquetaient à chacun de leurs mouvements, ajoutant à la nervosité de l'atmosphère du perron. Lina grogna. Passer n'allait pas être des plus faciles, surtout maintenant.

Le petit groupe s'avança avec circonspection, des expressions assez inquiètes sur leurs visages. Certes, ils n'étaient pas des clichés, mais il n'était pas sûr qu'on laisse rentrer maintenant, dans une telle période de terreur, deux voyageurs plus ou moins connus et une elfe qui pouvait très bien être une clichée déguisée. La paranoïa n'avait pas de limites après pareil attentat.

La plus sûre d'elle du groupe, Lina, s'avança vers les gardes, avant de se retrouver stoppée par deux lances aiguisées et fines pointées vers son torse. Les gardes n'avaient pas perdu de temps pour l'entourer et l'immobiliser, le piquant de leurs armes semblant être une menace suffisante pour empêcher la cardinale de bouger. Le premier d'entre eux fronça ses sourcils broussailleux, mettant en évidence une cicatrice sur le côté droit de son front, tandis que le deuxième, plus jeune, mais aussi l'air plus avenant avec ses traits fins et ses yeux globuleux, fixait l'intruse avec une expression d'une étrange neutralité. La jeune femme soupira, et annonça d'une voix forte:

« On est pas là pour tuer du prince, on vient demander au roi Style de nous recevoir.

– Et qu'est-ce qui pourrait me convaincre que vous n'êtes pas des clichés? »

Sans se démonter devant le ton agressif des soldats, la brunette sortit du col de son manteau un pendentif d'argent et d'or rose, représentant deux mains ouvertes tendant un crayon, irradiant d'une fine lumière bleue. L'aura de l'objet se refléta avec douceur sur les visages de tous ceux aux alentours, et alors que sa propriétaire laissait ses traits se détendre un instant, savourant la pureté de l'irradiation, les deux soldats fixèrent le symbole avec étonnement et une légère touche de bonheur.

« – Ceci. »

L'un des gardes continua de pointer sa lance entre les côtes de Lina, allant même jusqu'à lui piquer la peau à travers son vêtement, toujours méfiant malgré le pouvoir du pendentif, preuve de la pureté de son église. Mais l'autre fixa le symbole un court instant, avant de se détendre pour de bon, en passant une main sous son casque d'acier, la pointe de son arme dirigée vers le sol pavé de granite.

« – C'est bon, Thorn. C'est un pendentif de l'Église de la Création. Il est sanctifié et les clichés ne peuvent pas le porter. »

Le dénommé Thorn resserra sa prise sur son arme, faisant grogner son interlocutrice alors qu'elle remettait le pendentif à l'abri dans son col. Qu'est ce qu'il lui fallait encore? Une bénédiction? Une sanctification?

« – Et les autres? Ils n'ont pas de pendentif que je sache...

– Je me porte garante de la sincérité de mes deux acolytes, soupira Lina. Et franchement, tu vois une cardinale de notre sainte église se balader avec ses ennemis héréditaires? »

Derrière, le Chevalier soupira discrètement. Lina ne se retourna cependant pas pour voir la réaction d'Erin, tout occupée qu'elle était à dévisager avec circonspection et une pointe d'agacement son adversaire, qui marmonnait dans sa barbe mal coupée, les poings serrés sur le manche de sa lance. Ce fut tout juste si son acolyte l'empêcha d'appuyer davantage sur les côtes de la jeune femme. Comme si il était capable de la blesser pour de bon, de toute façon.

Au final, Thorn, l'air vaincu, sans avoir trouvé le moindre contre-argument, finit par baisser sa lance. Un grondement s'échappa de ses lèvres, auquel Lina répliqua par un léger sourire suffisant. Derrière, Erin s'avança, se postant à côté de la jeune cardinale en croisant les bras.

« – C'est pas trop mon genre d'insulter ceux qui sont censés nous ouvrir le passage, surtout après le dernier attentat, mais on est un peu pressés, imbécile. Plus vite on aura vu le roi, mieux ça vaudra. Alors laisse nous passer? S'il te plaît? »

De derrière elles, Corbeau émit un grognement approbateur, et Lina sourit, méprisante. Devant leurs réactions agacées, le deuxième garde soupira et attrapa ses clés, accrochées à sa ceinture, l'air encore quelque peu réticent.

« – On ne fait que notre boulot, vous savez. Même les prêtres sont pas fiables.

– Même ceux de l'église prédatrice des clichés? Sans déconner, messieurs, j'aurais été une clichée, ce pendentif m'aurait consumée, sans même laisser de cendres. De même pour mes compagnons si ils s'étaient approchés de trop près. Et vous avez pu constater que ce n'est pas une contrefaçon. »

Le garde sourit, déjà un peu plus aimable. De son côté, son acolyte desserra la prise sur sa lance, le visage toujours méfiant mais peu tendu. Les deux semblaient rendre les armes, ce qui soulagea Lina. Il était inutile de perdre trop de temps à l'entrée.

« – Bien vu. Vous avez réponse à tout, vous. Bon, on vous laisse passer. De toute façon si vous êtes des clichés, on a posé une petite surprise pour vous derrière la porte. Un sanctificateur version Sa Majesté Intrigue. »

Ce disant, il jeta ses clés vers son acolyte, qui les attrapa au vol dans un bruit de métal, avant de reprendre son arme et se remettre à guetter derrière les trois protagonistes. Thorn grogna puis se dirigea vers la porte, qu'il entrouvrit, révélant un couloir éclairé par la lumière vacillante de torches, et fit signe aux trois visiteurs de passer, les surveillant de très, très près d'un œil noir. Lina grogna devant tant de zèle, mais n'ajouta rien de plus, et le groupe les salua d'un signe de tête respectueux avant de rentrer dans le palais d'un pas rapide.

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Chapitre un bouclé!

Bon, première note : Certains des personnages ne sont pas tous mes créations, je suppose que vos vous en doutez puisque c'est quand même un livre écrit à plusieurs mains. Donc si vous reconnaissez des OC appartenant à d'autres auteurs que moi ( Lina_love_leopardus), c'est normal, et j'ai leur autorisation pour les utiliser.

Voilà voilà!

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