Chapitre 64
Nous sommes restés longtemps, assis ensemble, silencieux, dans l'air frais de ce début de nuit d'été. Mes larmes s'étaient taries, mais la douleur dans mon cœur était toujours là. Au loin, j'entendais le crépitement des flammes du foyer d'Hestia, et si d'habitude ça suffisait à me calmer, aujourd'hui ça ne faisait qu'accentuer mon mal-être.
Lorsqu'enfin, nous nous sommes levés dans le but d'aller nous coucher chacun de notre côté, chacun dans son bungalow respectif, j'ai senti la faiblesse de mes muscles se faire plus forte. J'avais de nombreuses blessures, que ce soient des simples coupures ou de simples bleus, et j'étais épuisée. J'avais l'impression de ne pas avoir dormi depuis une semaine, alors que j'avais été inconsciente un jour et demi au total.
J'ai regagné le bungalow trois comme dans un rêve, à moitié consciente des pas que je faisais.
En entrant dans le-dit bungalow, j'ai été frappée de voir à quel point il paraissait vide et froid. Ma cabine de l'Argo II me manquait, tout me manquait dans ce magnifique navire. Le bungalow de Poséidon, avec ses lits superposés non occupés depuis des décennies, ses murs blancs dont les seules décorations étaient la corne de Minotaure de Percy et...
Mon cœur a failli lâcher. Juste en-dessous de la corne se trouvait une photo. J'avais presque oublié que je l'avais accrochée ici, tant ça faisait longtemps que je n'avais pas dormi à la Colonie. Je l'avais laissée là, contrairement aux autres photos que j'avais accrochées dans ma cabine.
J'ai décroché la photo du mur et j'ai contemplé, tremblante, Leo et moi qui sourions à l'objectif. J'ai serré la photo contre ma poitrine, comme si elle pouvait guérir mon cœur meurtri.
– Leo..., ai-je murmuré.
La porte d'entrée s'est ouverte derrière moi et j'ai sursauté. J'en ai lâché la photo, qui a glissé sous la commode. La dernière photo que je possédais de Leo et moi... Toutes les autres avaient flambé dans la destruction de l'Argo II, y compris la photo animée comme dans Harry Potter.
– Mila ?
Je me suis tournée vers la personne qui venait d'entrer. Bien sûr, ça ne pouvait qu'être Percy.
Il a balayé la pièce de son regard océan puis soupiré.
– Ça faisait tellement longtemps que je n'étais pas rentré ici.
J'ai froncé les sourcils. Si j'étais restée inconsciente une journée et demi, une nuit s'était forcément écoulée. Où avait-il dormi s'il n'était pas venu au bungalow trois ?
Comme s'il avait lu dans mes pensées, mon frère a expliqué :
– Hier soir, on arrivait pas à dormir, tous autant qu'on était. J'ai dormi allongé dans l'herbe avec Annabeth.
Je comprenais son besoin de dormir avec sa petite amie. Depuis qu'ils étaient tombés dans le Tartare, ils ne s'étaient plus séparés une seule fois, alors passer une nuit seul dans le bungalow trois ne devait pas être simple. Quant à Annabeth, elle avait ses frères et sœurs. Elle n'était pas seule.
– Où est passée la fontaine ?
J'ai haussé les épaules.
– Je l'ai détruire après avoir eu des visions dans l'eau. Je ne voulais plus apercevoir de telles choses...
J'ai frissonné au souvenir de la vision de Gaia et des nombreux cadavres étalés sur la colline des Sang-Mêlés.
– Je vois...
Il n'a rien dit de plus et, d'un pas tremblant, il s'est dirigé vers la salle de bain. Quant à moi, j'ai décidé que la douche pourrait attendre le lendemain.
Je me suis affalée sur mon lit, les larmes brouillant ma vue. Et j'ai senti quelque chose dans la poche du jean que je portais. Plongeant la main à l'arrière de mon pantalon, j'en ai ressorti une carte en papier froissé.
Malgré les torrents qui dévalaient mes joues et s'échouaient sur ledit papier, j'ai reconnu la carte d'Artémis. Celle qui me donnait le moyen de contacter la déesse pour m'engager dans la Chasse.
Les larmes ont redoublé tandis que je serrais plus fortement le petit papier entre mes doigts. Peut-être que je pouvais m'engager, maintenant que Leo était mort ? Mon cœur était brisé, et le soupçonnais de ne jamais être réparé après ça. Je ne pourrais jamais aimer de nouveau. Et puis, de toute façon, comment pouvais-je un jour pardonner à Leo de m'avoir abandonnée comme ça ? De s'être sacrifié sans m'avoir prévenue, alors qu'il m'avait embrassée une dernière fois quelques secondes avant ? Comment mon cœur pouvait-il un jour trouver la paix ?
Peut-être valait-il mieux que je me joigne à la Chasse. Après tout, c'était sans doute la meilleure chose à faire. Mon cœur se pourrait plus jamais vibrer comme il l'avait fait, et peut-être que participer aux activités des Chasseresses me permettrait de penser à autre chose. Cependant, mon instinct me dictait d'attendre, d'attendre encore un peu avant de prendre une décision finale.
La porte du bungalow s'est ouverte sur Percy, qui est machinalement venu s'assoir à côté de moi.
– Mila...
Il a passé son bras autour de mes épaules et je me suis blottie contre lui. Il n'était pas au courant de tout ce que nous avions partagé, Leo et moi, il n'était pas au courant de notre véritable relation. Cependant, j'avais besoin de lui, et je le remerciais intérieurement d'être là.
Il n'a rien dit, respectant mon silence. Il était le mieux placé pour savoir que dans ces moments-là, il n'y a rien à dire, et qu'une épaule pour pleurer est plus efficace que des mots.
J'ai alors senti des picotements sur le haut de mon crâne, autant de picotements que s'échouaient les larmes de mon frère dans mes cheveux.
Après tout ce qu'il avait traversé, lui-aussi, il craquait. Je m'en voulais de pleurer autant alors que je n'avais traversé qu'une seule bataille, perdu des amis qu'une fois, alors qu'il avait fait les frais du double. Mais rien ne m'avait préparée à la mort de Leo.
Si seulement il m'en avait parlé, avait émis ne serait-ce qu'une hypothèse en ma présence, j'aurais pu m'y préparer mentalement. Je n'aurais pas lâché l'affaire, c'est vrai, je ne l'aurais pas laissé se sacrifier sans me sacrifier avec lui. Mais au moins ne serais-je pas là, les larmes coulant à flots et les milliers de morceaux de mon cœur lacérant ma chair et mon âme.
Ma main s'est crispée sur le mot d'Artémis et Percy a étouffé un cri.
– Mila, tu n'y penses pas sérieusement ?
Il a arraché la carte de mes mains et l'a contemplée sans un mot.
– Je... Si, ai-je répondu. Artémis est vraiment une déesse remarquable, et ses adeptes le sont tout autant. Et après le nombre de pertes dans leurs rangs à cause d'Orion...
Mon frère a soupiré et m'a rendu le papier. Puis il a embrassé le sommet de mon crâne et essuyé les larmes de mon visage.
– Écoute... Si c'est vraiment ce que tu veux, alors fais-le. La vie des Chasseresses est très dangereuse, mais celle de demi-dieu l'est tout autant. Seulement, sois certaine de ta décision. Prends du temps pour réfléchir, accorde-toi au moins jusqu'à la fin de l'été pour faire le bon choix.
– Merci, ai-je murmuré.
Je lui étais vraiment reconnaissante de ne pas m'engueuler, de ne pas m'interdire d'intégrer la Chasse si j'en avais envie. Pour une fois, il n'était plus le frère surprotecteur, qui se fâchait lorsque Leo s'approchait trop près de moi. Leo...
Je me suis remise à pleurer, et Percy m'a serrée dans ses bras. Je me sentais minable, et si faible. Je me sentais comme lorsqu'il m'avait délivrée de ma prison, comme à mes débuts à la Colonie. J'avais l'impression qu'un simple coup de vent pouvait me briser et m'emporter loin, si loin que je ne pourrais jamais revenir.
Tout le chemin que j'avais parcouru jusque là, tous les bons changements, toute la confiance en moi que j'avais gagnée venaient de s'envoler. Tous les barrages que j'avais lentement érigé autour de moi pour me protéger et devenir plus forte avaient lâché, et je n'étais plus qu'une pauvre gamine enfermée dans une coquille vide.
J'ai continué de pleurer dans les bras de mon frère, entourée de sa présence rassurante, et j'ai dû finir par m'endormir dans cette position car lorsque je me suis réveillée, il faisait jour et j'étais dans mon lit, sans savoir comment j'y avais atterri.
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