Chapitre 63
J'ai ouvert les yeux, lentement, pour m'apercevoir que j'étais allongée dans un des lits de l'infirmerie. J'avais l'impression désagréable que tous mes muscles étaient en fusion, et mes os rongés à l'acide. Ma bouche était sèche, et j'avais une douleur aigüe à l'arrière du crâne qui faisait siffler mes oreilles.
J'ai essayé de me redresser, mais tout a tourné autour de moi et, prise de nausées, je suis retombée comme une masse sur l'oreiller.
– Holà, a fait une voix près de moi. Évite de bouger, Mila.
Will Solace, conseiller en chef du bungalow d'Apollon, guérisseur de la Colonie, est entré dans mon champ de vision.
– Qu'est-ce que...
Je n'ai pas pu finir ma phrase. J'avais quelques souvenirs de la bataille, impliquant de la poussière de monstre en masse et un ras-de-marée violent. Je me rappelais même vaguement avoir déclenché un tremblement de terre. Un tremblement de terre, sérieux ?
Et puis, avec effroi, je me suis rappelé pourquoi j'avais déclenché le-dit tremblement de terre, et je me suis assise brusquement, ignorant la nausée et les vertiges.
– Leo ?, ai-je simplement demandé.
Will a évité mon regard et mon cœur s'est serré.
– Non, ai-je murmuré, avant de répéter, plus fort : NON !
J'ai basculé les jambes par-dessus les draps mais Will m'a attrapée par l'épaule.
– Écoute Mila, c'est pas une bonne idée. Personne ne sait comment tu t'y es prise, mais tu as déclenché un tremblement de terre monumental. Le seul problème, c'est que ça t'a vidée de tes forces. Tu n'es pas encore en état de te lever.
Je l'ai repoussé avec violence et, n'écoutant pas ses conseils, je me suis levée. Je n'avais pas fait trois pas que je me suis écroulée, et j'ai sombré dans l'inconscience.
Lorsque j'ai ouvert les yeux de nouveau, Will n'était plus là. La seule personne à mon chevet était Percy, assis sur une chaise, qui me regardait fixement.
– Mila, a-t-il simplement dit en me voyant bouger.
Il ne m'a pas serrée dans ses bras, il ne m'a pas engueulée. Il est resté là à me contempler en silence, silence qu'il a fini par rompre :
– Un tremblement de terre, hein ?
Je n'étais pas d'humeur à répondre. La seule chose que je savais, c'est que Leo était mort.
Aussitôt, j'ai commencé à pleurer et Percy s'est assis sur le bord du lit. Il semblait mal en point, lui-aussi.
– Je suis désolé, Mila. Je sais à quel point il comptait pour toi... pour nous tous.
Il a serré ma main dans la sienne et essuyé une larme qui coulait sur ma joue.
J'avais l'impression, maintenant que mes os et mes muscles semblaient revenus à la normale, que c'était au tour de mon cœur de se remplir d'acide. La douleur était insupportable.
– Écoute..., a dit mon frère. Je sais que c'est dur, d'accord ? J'ai déjà perdu beaucoup d'amis, au cours de la guerre contre Cronos, et maintenant celle-là... Mais on était tous prévenus, c'est la condition de demi-dieu.
Il s'est levé et a écrasé une larme qui perlait au coin de son œil.
– Les membres de l'Argo II nous attendent.
Il m'a tendu la main.
– Will a dit que tu pouvais te lever, si tu t'en sentais capable. T'es restée longtemps dans les vapes, une journée complète la première fois et une après-midi la deuxième. On a déjà... on a déjà brûlé les linceuls.
Ce n'était peut-être pas plus mal que je n'ai pas assisté aux rites funéraires. Je n'étais pas sûre que j'aurais pu y résister, dans mon état. Même si je me sentais mieux qu'à mon réveil précédent, je me sentais encore faible, je n'avais plus de forces.
Percy a dû le sentir car il m'a tendu un carré d'ambroisie.
– Tiens, mange.
Je me suis exécutée et aussitôt je me suis sentie mieux. J'ai réussi à descendre du lit, et même si mes jambes ont tremblé, je ne me suis pas écroulée.
Avec l'aide de mon frère, je suis sortie sur la terrasse de la Grande Maison. La nuit était tombée, et des flammes s'élevaient encore du feu de camp. Les lieux étaient déserts, ou presque.
Rassemblé sur le bord de la terrasse se trouvait notre petit groupe de héros, moins Leo. Nico était assis avec eux.
L'ambiance n'était pas à la joie. Je n'étais pas la seule affectée par la mort de Leo, de toute façon ç'aurait été égoïste de ma part de croire une chose pareille. Leo était notre ami à tous, même Frank, qui avait connu des débuts compliqués avec le fils d'Héphaïstos, semblait en proie à une peine immense.
– On aurait dû rester avec Leo jusqu'au bout, a gémi Jason. On aurait pu l'aider.
Il n'avait pas tort. Peut-être que si Piper et lui étaient restés aux côtés de Leo, ils auraient pu lui administrer le remède du médecin. Mais c'était injuste de leur en vouloir, surtout qu'ils seraient probablement morts tous les deux à cette heure.
– C'est injuste, a pleuré Piper. Tout le mal qu'on s'est donné pour obtenir le remède du médecin... tout ça pour rien.
Elle a sangloté dans les bras de Jason tandis qu'Hazel poussait une plainte horrible.
– Piper, où est le remède ?, a-t-elle demandé à travers ses larmes. Sors-le.
Je ne comprenais pas en quoi c'était utile de le sortir maintenant que la guerre était finie, maintenant que Leo était mort.
Mes sanglots ont redoublé et j'ai senti une main serrer mon épaule. Je m'attendais à ce qu'il s'agisse de Percy, pourtant il était en face de moi, Annabeth blottie dans ses bras. Du coin de l'oeil, je me suis aperçue que la personne qui me soutenait n'était autre que Nico Di Angelo.
Piper a sorti le paquet contenant la fiole magique, mais quand elle l'a ouvert, il était vide. Nous avons retenu notre souffle et Annabeth s'est inquiétée :
– Comment ça se fait ?
Frank a gigoté, l'air mal à l'aise, et il a pris Hazel par les épaules.
– À Délos, a-t-il expliqué, Leo nous a pris à part, tous les deux, et nous a supplié de l'aider.
Une idée se formait dans mon esprit, une idée si horrible que j'ai senti mon cœur se serrer plus qu'il ne l'était déjà.
– Qu... quoi ?, ai-je demandé.
– Je..., a commencé Hazel en pleurant de plus belle. Il avait un plan. Je... Grâce à la Brume, j'ai remplacé le remède du médecin par une illusion, qu'on a donnée à Piper. Parce que Leo... Leo... il...
– Il avait un plan, ai-je murmuré.
Les deux romains ont hoché la tête.
– Oui, a répondu Frank. Il pensait qu'il fallait détruire Gaia loin de son territoire, après l'avoir assez affaiblie pour qu'une énorme explosion de feu la mette hors d'état de nuire. Il avait demandé conseil à Niké, et à Apollon aussi. Et il savait qu'une telle explosion tuerait tous les mortels dans un rayon de cinq cents mètres. C'est pour ça que... c'est pour ça qu'il voulait s'éloigner de tout le monde.
Le fils de Mars a repris son souffle.
– Il voulait agir seul. Il pensait qu'en tant que fils d'Héphaïstos, il avait une petite chance de survivre au feu, par contre s'il y avait quelqu'un avec lui...
Il n'a pas fini sa phrase mais nous avons tous compris.
– Il a dit qu'Hazel et moi, étant romains, on pouvait comprendre son sacrifice. Mais il savait que vous, par contre, vous ne le laisseriez jamais faire.
– Et vous l'avez laissé faire ?, ai-je gémi à travers mes larmes. Vous l'avez laissé se sacrifier alors qu'on aurait pu trouver une autre solution ?
Frank s'est trouvé à court de mots, et des larmes lui sont montées aux yeux. Je ne l'avais jamais vu pleurer, mais ça ne le rendait que plus humain. Cependant, il avait laissé Leo mourir, et ça, je ne lui pardonnerais jamais.
– Mila..., a doucement dit Nico, à côté de moi. Tu sais qu'on ne peut pas empêcher les prophéties de se réaliser. La Prophétie des Sept, celle de la Huitième... Tout menait ici. Je suis désolé, si je pouvais faire quelque chose, je le ferais. Mais on ne peut rien y faire.
Le pire, c'est que je savais qu'il avait raison. Je le savais, mais je refusais d'y croire. Je n'avais pas envie que Leo soit mort, je ne voulais pas y croire.
– S'il était là, maintenant, a crié Piper, rompant le silence, je l'étriperais ! Comment comptait-il s'administrer le remède, au juste ? Il était seul !
– Il avait peut-être trouvé un moyen, a lancé Percy. N'oubliez pas qu'on parle de Leo, les gars. Il pourrait revenir à tout moment. Et on pourra se relayer pour l'étrangler.
À ce moment-là, j'ai eu un minuscule espoir. J'ai prié tous les dieuxq ue je connaissais, et même ceux que je ne connaissais pas, pour que mon frère ait raison.
Et puis j'ai intercepté le regard lourd de sous-entendus qu'échangeaient Hazel et Nico, et mes espoirs sont partis en fumée. Ils étaient des enfants des Enfers, ils pouvaient sentir la mort. Leo ne reviendrait pas.
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