Chapitre 61

Le combat a repris comme si rien ne s'était passé. De temps en temps, des éclairs fusaient dans le ciel, l'illuminant plus qu'il ne l'était déjà. J'ai dû résister à la tentation de regarder en haut plusieurs fois. Il fallait que j'aie confiance en Leo, et que je me concentre sur la bataille.

J'ai pourfendu une énième drakaina en hurlant. Les Portes de la Mort étaient fermées, pourtant j'avais la nette impression qu'il y avait de plus en plus de monstres à combattre. Entre les telchines, les centaures, les drakaina et autres, Octave avait vraiment eu la mauvaise idée d'enrôler tous ces monstres. Comment pensait-il pouvoir les contrôler, enfin ? Même lui devait savoir que c'était impossible !

– Mais crève !, ai-je crié à la femme serpent, qui a à peine eu le temps d'ouvrir la bouche qu'elle était transpercée par ma lame.

Aussitôt, elle a viré au vert avant de se décomposer en poussière, recouvrant le museau de mon pégase. Moana a éternué.

Je taillais dans les monstres comme dans du beurre, armée de mon épée. Moana éternuait de plus en plus, couverte de poussière de monstre, aussi j'ai décidé de mettre pied à terre.

– Je peux me débrouiller, ai-je dit au pégase. Va-t-en !

La jument a secoué la tête.

Je te protège jusqu'au bout.

J'ai soupiré. Ce cheval était autant têtu que mon frère, et ce n'était pas une mince affaire.

Ouvrant les ailes pour prendre son envol, Moana a piétiné un telchine, le réduisant en poussière.

– Eh ! T'as les sabots en bronze céleste ou quoi ?, ai-je demandé, bouche bée.

La jument a henni avec fierté et est allée piétiner un autre ennemi. Quant à moi, j'ai repris mes moulinets de bras pour décapiter les monstres assez stupides pour s'approcher de moi.

La bataille prenait un bon tournant, je trouvais. Les ennemis étaient en surnombre mais nous nous défendions bien, grecs et romains réunis. Et puis tout a basculé.

J'étais au beau milieu d'un combat avec un telchine – encore un –, épée contre griffes, quand un des onagres romains a tiré un projectile enflammé. Étrangement, le projectile semblait émettre un cri rauque. J'étais pourtant sûre que l'or impérial, ce métal romain, ne criait pas, d'ordinaire.

J'ai levé les yeux pour observer le projectile hurlant. Il a continué sa course jusqu'à percuter Festus en plein ciel, et l'explosion a illuminé tout l'endroit comme si nous étions sur la surface du soleil. Puis ç'a été le silence total, les monstres et les demi-dieux regardant le ciel en se demandant ce qui venait d'arriver.

Mon cœur a loupé un battement, puis deux. Deux silhouettes ont chuté au beau milieu de l'atmosphère, et deux aigles romains les ont attrapées au vol. Seulement deux personnes, tellement serrées l'une contre l'autre qu'on aurait pu les croire sorties du même moule. Piper et Jason.

Avec un geste rageur, j'ai décapité le telchine face à moi, et j'ai senti mes membres se raidir. Aucune trace de Festus et de Leo. Le projectile tiré par l'onagre venait de les réduire à néant, et mon monde s'est écroulé instantanément.

J'ai poussé un hurlement avant de m'écrouler sur le sol. Mes cris me brûlaient la gorge, et les larmes dévalaient mes joues, toujours plus nombreuses. J'ai lâché mon épée, qui s'est retransformée en broche.

Une traction m'a tiraillé le ventre, mais je l'ai à peine sentie. Je ne me suis aperçue que j'utilisais mes pouvoirs qu'en entendant l'eau gronder à mes oreilles. De puissants geysers ont jailli depuis la terre, décapitant les monstres sur leur passage. Je tirais l'eau des sources souterraines, et visiblement ça marchait.

Pendant un instant, j'ai oublié comment on respirait. Et puis un poids lourd m'a percutée, suivi d'une voix qui criait mon prénom. Mes oreilles sifflaient tellement que je ne l'ai pas reconnue.

Enfin, j'ai pu prendre une grande inspiration, mais elle était douloureuse. Tellement douloureuse. J'avais l'impression que de l'acide se répandait dans mes poumons, se dirigeait lentement vers mon cœur.

J'ai poussé un cri, qui était abominable même à mes propres oreilles. Mais ce cri m'a permis de libérer la rage et la douleur qui se trouvaient en moi, et en même temps que je les expulsais, j'ai expulsé autre chose. De l'eau. Des quantités d'eau de mer ont jailli de mon corps, devant, derrière, sur les côtés, et les ennemis les plus proches en été emportés par ce ras de marée.

– LEO !, ai-je hurlé avec toute la force de mes poumons.

Un cercle de cinquante mètres de diamètre s'était formé autour de moi, parfaitement nettoyé de tous les monstres. Il ne restait plus que de la poussière jaune caractéristique, bientôt emportée par l'eau qui ruisselait toujours de moi-même.

Comment était-ce possible ? Le lac et l'océan étaient trop loin pour que j'aie une influence dessus, mais surtout, l'eau semblait couler de mon propre corps, comme si c'était moi qui la créais.

Et puis la tristesse a laissé place à la rage, au plus profond de moi. J'étais consciente que l'explosion avait tué Leo, même avec sa résistance au feu, il n'aurait pas pu survivre, mais la haine pour mes ennemis étaient encore plus grande maintenant. Ma haine contre les dieux, aussi. C'était à cause d'eux, à cause d'eux tous, dieux comme monstres, géants et titans, que j'avais perdu l'être qui comptait le plus pour moi. Je ne pouvais pas laisser passer ça.

Il ne restait presque plus rien de l'armée de monstres réunie par ce traître d'Octave, cependant cela représentait tout de même une centaine d'ennemis.

Le champ était boueux, parsemé de poussière de monstre et de cadavres de demi-dieux. Mon cœur s'est serré. Je n'avais pas perdu que Leo à cause de Gaia et des monstres. J'avais perdu des frères, des sœurs, des amis. Je ne connaissais peut-être pas tout le monde, et encore moins les pensionnaires du Camp Jupiter, mais ces pertes me touchaient toutes autant.

Je sentais mon corps chauffer, comme si mon sang bouillonnait dans mes veines. J'avais même l'impression désagréable que la gravité ne m'atteignait plus, alors que j'avais toujours les pieds solidement plantés dans le sol.

J'ai poussé un autre hurlement, qui ressemblait moins à une plainte qu'à un cri sauvage. Puis, mue par une intuition étrange, je me suis levée, bien campée sur mes jambes. J'ai pris une inspiration et, comme si c'était la chose la plus naturelle au monde pour moi, j'ai tapé du poing contre le sol.

À ma propre stupéfaction, la terre a répondu. Des vibrations sont montées des profondeurs, juste sous mes pieds. Des fissures ont parcouru le sol, avec pour point de départ mon poing toujours fermement planté dans l'herbe sèche.

La terre a tremblé de plus en plus fort, sous les cris mélangés des demi-dieux et des monstres. Ils se noyaient derrière les battements de mon cœur résonnant à mes oreilles avec force.

Les fissures se sont agrandies en véritables crevasses tandis que la terre tremblait de plus en plus fort. La colline bougeait comme du plastique fondu, épargnant les demi-dieux mais poussant les monstres à sombrer dans les gouffres créés.

En quelques secondes à peine, tous les ennemis présents avaient été engloutis. Les crevasses sont redevenues des fissures, qui se sont refermées avec un bruit de tonnerre. Je n'ai compris qu'une tension menaçait de faire lâcher les muscles de mon bras que lorsque je l'ai sentie disparaître. Alors j'ai souri, mais d'un sourire sans joie.

Poséidon était mon père, et c'était le dieu des tremblements de terre. Je n'aurais jamais pensé être capable d'un tel exploit, surtout alors que Percy en était incapable, pourtant je venais bel et bien d'expulser le reste des monstres aux Enfers d'un simple mouvement de bras.

Comme si c'était trop d'énergie dépensée pour mon pauvre corps, j'ai senti mes jambes flancher et je me suis écroulée sur le sol. Maintenant que les montres étaient morts, la tristesse reprenait le dessus et menaçait de m'engloutir.

J'ai entendu des cris, ceux de Percy qui m'appelait désespérément, ceux d'autres personnes. Je sentais ma tête tourner, j'avais la nausée et tout était teinté de rouge autour de moi.

– Mila !, a fait une voix, plus proche de moi.

Des mains m'ont rattrapée et déposée doucement par terre, allongée dans l'herbe. Je ne sentais plus mes jambes, ni mes bras, et ma vision s'est troublée. J'ai vu un visage inquiet et pâle qui se penchait au-dessus de moi, deux yeux sombres dont l'un sous lequel s'étalait une balafre. Des cheveux noirs et fins retombaient sur le front du garçon, et pendant un instant, j'ai cru que c'était Leo. Mais non, Leo avait les cheveux bouclés et la peau plus mate.

– Mila, ce que tu as fait..., a murmuré la personne penchée sur moi. C'était juste phénoménal ! Mais tu as dépensé beaucoup d'énergie.

Le visage angélique s'est tourné vers une personne hors de mon champ de vision.

– Will ! Il faut l'amener à l'infirmerie !

Un deuxième visage est apparu au-dessus de moi, encadré par des cheveux blonds celui-là. C'est la dernière chose que j'aie vue avant de m'évanouir.

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