Chapitre 56
Avec ma chance légendaire, je m'attendais à ce que ce soit Percy qui vienne nous réveiller, Leo et moi. Heureusement pour nous, le dieu ou la déesse grecque de la malchance avait décidé de nous épargner.
C'est donc la tête toujours posée contre le torse de Leo, un drap refermé autour de nous deux, que j'ai ouvert les yeux sur le visage inquiet mais souriant de Jason.
– Eh les gars !, s'est-il exclamé en nous secouant. On va pas tarder à arriver à Athènes.
J'ai bâillé à m'en décrocher la mâchoire et suis restée dans la même position. La fin du monde pouvait bien attendre quelques minutes, non ?
– En plus, Percy arrive.
Ça a eu le mérite de nous faire réagir, Leo comme moi. Nous nous sommes redressés vivement, et j'ai automatiquement sauté à bas du lit.
– Si j'avais su, j'aurais utilisé l'argument Percy avant !, a ri Jason en s'appuyant contre la porte.
– Très drôle, Jason, a marmonné Leo, non sans avoir jeté un coup d'oeil dans le couloir au cas où.
Il a secoué la tête, me signifiant que Percy n'était pas là ou en cours d'arrivage.
– C'est le moment où je dois piloter l'Argo II pour qu'on descende sur le plancher des vaches ?, a demandé le brun avec un sourire moqueur.
Le fils de Jupiter a hoché la tête.
– Donne-moi juste le temps de me laver les dents, a dit Leo en fermant la porte de la salle de bain derrière lui.
Je suis restée face à Jason sans rien dire. Nous nous sommes simplement jaugés du regard, pour voir lequel de nous deux serait le premier à rompre le silence.
Contrairement à Jason et Percy, il n'y avait aucune tension entre le blond et moi. Peut-être parce qu'il était évident que je n'avais pas les capacités de mon frère, et que dans un combat, Jason l'emporterait sans hésiter. Ce qui ne serait pas le cas avec mon frère. Jason a beau être puissant, Percy l'est beaucoup plus.
Les gens avaient toujours l'air de dire qu'une certaine rivalité s'installait entre un enfant de Poséidon et un enfant de Zeus, comme un parallèle avec la rivalité de leurs parents olympiens. Mais ce n'était pas le cas entre Jason et moi. Nous étions sûrement l'exception qui confirme la règle. Jason ne me percevait probablement pas comme une menace pour son autorité, et je n'étais pas assez folle pour aller me frotter à lui.
– Alors..., a-t-il finalement lancé, rompant le silence. Leo et toi, vous avez dormi ensemble ?
À son ton, j'ai deviné qu'il en savait plus que ce qu'il ne laissait voir. J'étais prête à parier qu'il savait, pour tout ce qui s'était passé entre Leo et moi. Après tout, les deux garçons étaient meilleurs amis, non ?
J'ai senti mes joues rougir et comme je savais que j'allais bégayer un semblant de réponse, j'ai préféré me taire. D'un autre côté, sa question n'appelait pas vraiment une réponse, car il nous avait trouvé endormis l'un contre l'autre.
– T'inquiète pas, je dirai rien à ton frère.
Il a souri d'un air complice tandis que je m'asseyais sur le lit. J'avais envie de m'enfuir en courant, mais il était dans l'encadrement de la porte, bloquant le passage.
Je suis restée silencieuse. Au final, quand on y repensait bien, je n'avais pas tant de liens que ça avec Jason. Ce n'était pas comme avec Frank, que j'avais eu du mal à apprécier à cause de ses altercations avec Leo et que je commençais à peine à découvrir. Je connaissais Jason depuis beaucoup plus longtemps, mais je n'arrivais pas à le cerner. Et surtout, je ne l'avais jamais vu comme un garçon avec qui j'avais une complicité élevée. Nous étions amis, sans plus. Pourtant, le voilà qui me faisait des clins d'oeil comme s'il était mon plus vieil ami. C'était assez étrange.
Le fils de Jupiter a semblé sur le point de dire quelque chose mais la porte de la salle de bain s'est ouverte sur Leo.
– Allons débarquer ce navire !, a-t-il scandé en poussant Jason dehors.
Il s'est tourné vers moi.
– Tu viens ?
J'ai souri et baissé les yeux sur les vêtements que je portais. C'étaient ceux de la veille, un simple short en jean et un t-shirt de la Colonie.
– Tu ne sais plus faire accoster un navire tout seul, Valdez ?, l'ai-je raillé comme au bon vieux temps.
– Très drôle, Brown, a-t-il répliqué sur le même ton. Dois-je comprendre que tu ne montes pas ?
– Je vais plutôt prendre une douche éclair, ai-je répondu en haussant les épaules. Tâche de ne pas couler notre bateau.
Leo a levé les yeux au ciel en souriant. Ça faisait du bien, de retrouver nos vieilles habitues, nos vieux surnoms et nos vieilles piques.
– Bien m'dame.
Il a suivi Jason, et j'ai écouté leurs pas s'éloigner. Puis, comme je l'avais énoncé, je suis retournée dans ma cabine pour prendre une douche rapide.
Lorsque j'ai rejoint les autres, ils étaient au mess en compagnie d'un homme-serpent. Il avait le buste et la tête d'un homme, mais en-dessous de la taille, il n'avait pas de jambes, simplement un corps de serpent qui ondulait derrière lui quand il avançait. D'après ce que j'avais vu, il avait amené avec lui deux autres hommes-serpents, que Buford surveillait sur le pont.
– ... signe astrologique ?, disait Percy lorsque je suis entrée m'assoir avec eux. Moi je suis Lion.
– Mais non, a lancé Leo, les sourcils froncés mais l'air pas sérieux du tout. Tu dois être Poissons, toi. Lion, c'est pour Leo.
J'ai ri sous cape alors qu'Hazel réprimandait les garçons.
– C'est le nom de son peuple, expliqua-t-elle. Les gemini, au pluriel. Lui c'est un geminus, au singulier.
J'ai pris un bout du gâteau qui traînait sur la table. Il était carrément succulent, je n'avais jamais goûté quelque chose d'aussi bon. Il semblait qu'il y avait de l'orange, mais aussi du miel. Vraiment délicieux. Il fallait que je pense à remercier le membre de l'équipage à avoir cuisiné aujourd'hui, car la fin du monde ne me paraissait plus si atroce après un tel délice.
Je suis revenue au moment présent en entendant l'homme-serpent dire qu'il voulait nous prévenir. Ce n'était pas bon signe.
– Si vous essayez de gagner l'Acropole en passant par la surface, vous serez tués.
– Vous voulez dire... par vous ?, a demandé Jason en posant sa propre part de gâteau.
– Par les armées de Porphyrion, a répondu le serpent.
Il a lors énoncé les différentes armes et les différents monstres qui nous tomberaient dessus, allant des onagres aux griffons et esprits de la tempête. Il a expliqué que le seul moyen pour nous de passer était de le suivre, trois demi-dieux maximum, dans les chemins souterrains d'Athènes, pour attaquer par surprise les géants.
Bien sûr, le sujet a fait débat. Jason n'avait pas l'air convaincu que nous devions nous séparer, de même que Percy. Piper et Annabeth semblaient avoir un échange silencieux, les yeux de l'une plongés dans ceux de l'autre. Frank et Hazel, silencieux tous les deux, hochaient la tête aux arguments des garçons. Quant à Leo, il attendait sans rien dire.
Et puis Piper s'est tournée vers le serpent et s'est mise à chanter.
Il y a les gens qui chantent, ceux qui chantent bien, et il y a Piper. Sa voix a empli la pièce, l'air semblait vibrer avec force aux notes sans fautes de la fille d'Aphrodite. Lorsqu'elle s'est arrêtée, Leo et Jason l'ont félicitée, mais la Cherokee n'avait d'yeux que pour l'hybride debout en face d'elle.
– Quelles sont tes véritables intentions ?, lui a-t-elle demandé.
– Vous tromper, a répondu le serpent, l'air hébété.
Il se balançait d'avant en arrière, avec la même précision qu'un pendule. J'ai compris que, grâce à sa musique, Piper l'avait envoûté.
– Nous espérons vous entraîner dans les tunnels et vous tuer ?
– Pourquoi ?
– La Terre-Mère nous a promis de grandes récompenses. Si nous versons votre sang sous le Parthénon, ça suffira à achever son réveil.
J'ai frissonné. Ça n'annonçait rien de bon.
– Mais tu sers Athéna, a dit Piper avec étonnement. Tu as fondé sa ville.
– Et en remerciement, la déesse m'a abandonné, a craché l'homme-serpent. Elle m'a remplacé par un roi humain...
J'en ai déduit que notre hôte était un roi.
– ... à deux jambes. Elle a frappé mes filles de folie et elles se sont jetées du haut des falaises de l'Acropole. Nous les premiers Athéniens, nous avons été refoulés sous terre et oubliés. Athéna, la déesse de la sagesse, nous a tourné le dos, mais la sagesse vient également de la terre. Nous sommes, avant tout, les enfants de Gaia. La Terre-Mère nous a promis une place au soleil dans le monde d'en haut.
– Gaia ment, a lâché durement la brune. Elle compte détruire le monde d'en haut, et non le donner à qui que ce soit.
Ce qui, en soi, semblait logique pour tout le monde sauf le roi serpent.
– Ça ne sera pas pire pour nous que sous les dieux traîtres !
Ce qui s'est passé alors est allé si vite que mes yeux et mon cerveau, même habitués à la vie de demi-dieu et au TDAH, n'ont pas tout intégré directement.
Le serpent a brandi son bâton et s'est jeté sur nous. Piper a recommencé à chanter, et le serpent a repris son action de métronome.
Grâce au réflexe de Piper, nous étions saufs. Mais surtout, elle essayait d'extorquer la promesse de ne pas nous faire de mal au serpent grâce à sa voix, et ça, c'était juste phénoménal.
S'en est suivie une conversation sur les meilleurs moyens de pénétrer dans les voies souterraines, jusqu'à l'Acropole. Piper a été désignée d'office pour partir, elle qui gardait l'homme-serpent sous son emprise. Annabeth et Percy ont été les deux autres volontaires, parce que la ville portant la marque d'Athéna et de Poséidon, ils avaient plus de chance de passer inaperçus.
Annabeth nous a exposé son plan, puis Percy a serré la main de Jason comme s'ils étaient deux hommes politiques.
– Rendez-vous à l'Acropole, mon pote. Je serai le mec en train de tuer des géants.
Puis il s'est tourné vers moi et a ouvert ses bras. Je me suis blottie contre lui, les larmes me montant aux yeux.
– Courage, Mila. Dans quelques heures, tout ça sera terminé.
J'ai ravalé mes sanglots avec violence. Ce n'était plus le moment d'avoir peur. La fin du monde venait juste de commencer.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top