Chapitre 51

Avant de remonter à la surface, Jason a aidé mon frère a expulser le poison de son corps. L'enfermant avec lui dans son ventus, il lui a fait vomir le reste de poison contenu dans son organisme.

Je me suis approchée d'eux, soulagée mais pas tant que ça. Percy avait le visage toujours pâle, mais il semblait dans un meilleur état. Il discutait avec le fils de Jupiter.

– ... ou tu as promis une une figurine à Cym ?

– Une quoi ?, ai-je lâché, pas sûre d'avoir bien compris.

Venait-il vraiment de parler d'une figurine ? Une figurine promise à la déesse ?

– Il me l'a bel et bien promise, a dit Cymopolée avec un léger sourire. Et je compte bien qu'il tienne parole.

– Je le ferai, a répondu Jason en nous regardant mon frère et moi comme s'il essayait de nous faire passer un message.

Ç'aurait aussi bien pu être ''je vous expliquerai plus tard'' que ''je suis complètement barge''. L'un comme l'autre me semblait tout à fait approprié.

S'en est suivi une conversation sur les dieux, leurs promesses non tenues, le rôle de Jason qui avait décidé de rendre hommage à tous les dieux sans exception. La déesse a expliqué à Percy que les géants étaient persuadés que son sang éveillerait Gaia, que le camp de sirènes et tritons se battait pour protéger le Camp des Sang-Mêlés. Elle nous a également indiqué qu'un dieu primordial avait déjà été vaincu, Ouranos. Et puis elle est parti après avoir traité Jason de pontifex. Je ne savais pas ce que ça voulait dire, mais ça avait l'air d'être quelque chose d'important.

Alors qu'on s'apprêtait à remonter, Percy s'est assis sur un des bords du dôme éventré.

– Qu'est-ce que tu fais ?, ai-je demandé. Les autres doivent s'inquiéter. Maintenant qu'on a la certitude que l'Argo II est entier, nous devrions remonter.

– Ouais, je sais. Juste laisse-moi reprendre deux secondes, d'accord.

– Bien sûr.

Évidemment, il venait de survivre à une mort par poison, se faisant presque tuer par l'anti-poséidon. Il avait besoin d'une courte pause.

Percy s'est tourné vers Jason avec un pauvre sourire. La fatigue se voyait dans ses yeux.

– Merci, mec. Tu m'as sauvé la vie.

– Tu nous as sauvé la vie à tous les deux, ai-je déclaré.

C'était la vérité. S'il n'avait pas marchandé avec Cymopolée, s'il n'avait pas vaincu Polybotès avec l'aide de la déesse, ce dernier aurait tué Percy, avant de me tuer moi, et je n'aurais rien pu faire. Alétheia n'aurait pas pu trancher mes chaînes, pas assez rapidement en tout cas.

– Ben, ça se fait entre amis.

J'ai souri et alors que j'allais ajouter quelque chose, mon frère m'a coupé l'herbe sous le pied :

– Mais, euh, le fils de Jupiter qui sauve les enfants de Poséidon au fond de l'océan... Est-ce qu'on pourrait garder les détails pour nous ? Sinon j'ai pas fini d'en entendre parler.

C'était clair. Moi, à la rigueur, ce n'était pas aussi embêtant car tout le monde savait que j'étais bien moins puissante que Percy. C'était une fatalité, je vivais avec et ça ne me dérangeait pas. Je n'avais pas besoin d'être aussi puissante que lui, ça amenait trop de problèmes. Je me contentais de me battre uniquement si j'y étais obligée, pour sauver mes amis.

– Accordé, mon pote, a répondu Jason en souriant à son tour.

Même lui avait l'air fatigué. Je me suis alors rappelé que, quelques instants avant, il était allongé à l'infirmerie, grièvement blessé. J'allais en faire la remarque mais il a continué :

– Comment tu te sens ?

Percy a haussé les épaules avec un regard triste.

– Mieux. Mais je dois dire que pendant que j'étouffais sous ce poison, je n'arrêtais pas de penser à Achlys, la déesse de la misère, au Tartare.

J'ai retenu mon souffle. Je n'avais jamais eu les détails de leur aventure au Tartare, à Annabeth et à lui. Personne ne les avait jamais eus, ou alors pas à ma connaissance.

– J'avais failli la tuer avec du poison. J'y prenais plaisir, tout en sentant que c'était mal. Si Annabeth ne m'avait pas arrêté...

Sa voix s'est brisée et j'ai passé un bras autour de ses épaules. J'avais vu mon frère courageux, prêt à se sacrifier pour une cause qui lui semblait juste. Je l'avais vu se battre contre Cronos lui-même, demi-dieu contre titan. Je l'avais vu affronter bien des dangers, mais jamais je ne l'avais vu autant vulnérable.

– Mais elle l'a fait, a dit Jason d'un ton calme. Ça aussi, ça fait partie des choses que les amis doivent faire les uns pour les autres.

J'ai hoché la tête en pressant un peu plus le bras de Percy avec ma main, pour lui montrer mon soutien. Je ne serais jamais apte à comprendre ce qu'il avait vécu dans le Tartare, je ne voulais pas. Mais j'étais là pour lui, parce qu'il était ma famille.

– Ouais... Mais tu vois, tout à l'heure, pendant que j'étouffais, j'arrêtais pas de me dire : c'est ta punition pour Achlys. Les Parques me font subir la mort que j'ai voulu infliger à cette déesse.

Avec un sursaut, j'ai compris que c'était la raison pour laquelle il n'avait pas cherché à se battre, la raison pour laquelle son regard semblait tellement triste.

– Et pour être honnête, quelque part, je trouvais que je le méritais, a dit mon frère en confirmant mes soupçons. C'est pour ça que je n'ai pas essayé de contrôler le poison du géant ni de le repousser. Tu dois trouver ça délirant, non ?

– Non, avons-nous répondu à l'unisson Jason et moi.

Nous nous sommes regardés, surpris. Je crois que ni l'un ni l'autre n'avait prévu que nous comprendrions.

Percy a baissé les yeux quelques secondes. Quant il a relevé la tête, son regard avait changé.

– Qu'est-ce qu'elle a voulu dire, Cym, quand vous parliez de vaincre Gaia ? Tu as fait allusion à Ouranos.

– Le père des titans ?, ai-je questionné. Celui qu'ils ont tué avec la faux de Cronos ?

Jason a hoché la tête.

– Le dieu du ciel... Les titans l'ont vaincu en le faisant descendre sur terre. Ils l'ont éloigné de son territoire, ils lui ont tendu une embuscade, puis ils l'ont plaqué au sol et l'ont découpé en morceaux.

J'ai grimacé. Étions-nous censés plaquer Gaia au sol et la couper en morceaux à notre tour ? Comment pourrions-nous faire ?

– Comment veux-tu qu'on inflige la même chose à Gaia ?, s'est exclamé Percy, faisant écho à mes propres questions.

– Commençons par aller à Délos, a répondu le blond en haussant les épaules. Apollon et Artémis auront peut-être des conseils à nous donner.

– Mais les dieux ne sont pas censés s'être tus ? Et on doit trouver Apollon et Artémis...

– Les dieux ne respectent pas beaucoup les ordres, Mila, a expliqué calmement mon frère. Ni les serments, nous en sommes la preuve.

Puis il s'est tourné vers Jason.

– Pourquoi Cym t'a-t-elle traité de Pontiac ?

J'ai éclaté de rire, aussitôt suivie par Jason. Mon frère venait peut-être de mourir, il n'empêche qu'il restait un boulet. Un boulet super puissant qui pouvait vaincre des titans à lui tout seul, mais un boulet quand même.

Pontifex, pas pontiac, ai-je lancé entre deux éclats de rire.

Le fils de Jupiter a hoché la tête.

– Ça veut dire prêtre.

– Ah.

Percy a froncé les sourcils, et j'ai senti venir une autre remarque idiote dont il avait le secret. Sûrement ''donc tu vas faire la messe maintenant ?'' ou quelque chose dans le même style.

– Ça me fait toujours penser à une marque de voiture. Découvrez la nouvelle Pontifex XLS.

Ah ben non, finalement, il était encore capable de m'étonner.

– Tu devras porter un col blanc de prêtre et bénir les fidèles ?

Qu'est-ce que je disais ? Je le connais trop bien !

Jason et moi avons ri, et Percy s'est accordé un sourire narquois. J'étais presque sûre qu'il le faisait exprès. Il jouait l'idiot, mais au fond il était très intelligent et peu de détails lui échappaient. Enfin, en règle générale. Nos moments d'égarement à Leo et moi lui étaient toujours inconnus, je n'avais pas de doute là-dessus.

– Nan, c'est pas ça, a souri le blond. Les romains avaient un pontifex maximus qui supervisait les sacrifices, qui veillait à ce que tout soit fait dans les règles, pour être sûr qu'aucun dieu ne se fâche. Ce que j'ai proposé de faire, je suppose qu'effectivement ça ressemble à du boulot de pontifex.

– Mais tu étais sérieux ?, a enchaîné mon frère. Tu vas vraiment essayé de construire des sanctuaires pour tous les dieux mineurs ?

– Oui. J'y avais jamais pensé, mais j'aime bien cette idée de faire le va-et-vient entre les deux camps. Enfin, à supposer, tu sais, qu'on survive à la semaine prochaine et que les deux camps existent toujours.

– Super réjouissant, ça, Jason, ai-je lâché.

Il a haussé les épaules.

– En tout cas Percy, ce que tu as fait l'année dernière à l'Olympe, lorsque tu as refusé l'immortalité et que tu as demandé, à la place, que les dieux se comportent bien, ça, mec, c'était noble.

J'ai souri. Je n'avais pas été invitée à l'Olympe ce jour-là, enfin pas à ce moment-là en tout cas, mais on m'avait raconté l'histoire. Percy qui renonçait à l'immortalité, c'était un coup dur pour les dieux. Mais tout le monde savait qu'il l'avait fait par amour pour Annabeth. Si ces deux-là n'étaient pas les parties d'un même tout, alors je ne croyais plus en rien.

– Crois-moi, a grogné mon frère, il y a des jours où je regrette.

Je comprenais. L'immortalité, c'était pas un cadeau qu'on se voyait offrir tous les jours. Mais surtout, avec tout ce qui lui était arrivé après, avec la guerre qui approchait, je comprenais son raisonnement.

– Tu as pris la décision qu'un héros devait prendre. Je t'admire pour ça.

Visiblement, ça lui en coûtait un peu de dire ça. Depuis qu'ils s'étaient battus au Kansas, il régnait une sorte de compétition entre les deux garçons. Impossible de ne pas se demander qui, des deux, était le plus puissant.

– Le moins que je puisse faire, si on survit, a continué le fils de Jupiter, ce sera de poursuivre ton travail, de veiller à ce que tous les dieux soient reconnus. Qui sait ? Peut-être que si les dieux s'entendent mieux, nous pourrons limiter le nombre de ces guerres.

C'était très idyllique, comme vision des choses, mais ça me plaisait.

– Je t'aiderai, ai-je dit calmement.

– Merci, Mila.

– Ça serait vraiment bien, a convenu Percy. Tu sais, tu as l'air différent... Différent en mieux. Est-ce que ta blessure te fait toujours mal ?

Un instant, Jason a paru perplexe. Il a remonté son t-shirt, découvrant un ventre plat, des abdos, mais surtout, aucune trace visible d'une quelconque blessure.

– Elle est partie, a-t-il constaté avec stupeur. Je me sens parfaitement normal. Qu'est-ce qui se passe ?

Je ne savais pas comment c'était possible. Une plaie de cette envergure ne pouvait pas se cicatriser aussi vite, encore moins disparaître. Mais nous vivions dans un monde où les choses n'étaient jamais ce qu'elles semblaient être.

– Tu as été plus fort qu'elle, mon pote !, a claironné Percy. Tu as trouvé ton propre remède.

Le blond a souri et montré du doigt la faible lueur qui émanait de la surface, à des centaines de mètres de là.

– Venez. Allons voir ce que devient notre vaisseau.

Je n'ai pas osé lui rappeler qu'étant donné que c'était Leo et moi qui l'avions construit, l'Argo II était notre vaisseau à nous, et qu'ils en étaient simplement l'équipage. Après tout ce que nous avions traversé ensemble, et avec tout ce qui se préparait, ils avaient autant le droit que le fils d'Héphaïstos et moi de revendiquer le bateau.

Comme Jason commençait à s'élever à laide de son ventus personnel, Percy et moi l'avons suivi, laissant derrière nous les ruines de l'ancien palais de notre père.

Un jour, je reviendrais ici. Si nous gagnions la guerre, je remettrais ce palais en état en hommage à Poséidon. Mais pour le moment, je devais me contenter de remonter à la surface et de continuer sur la voie que les Parques avaient tracé pour nous.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top