- Pourquoi as-tu disparu comme cela Orion ? Pourquoi m'as-tu laissée seule, avec seulement des souvenirs en lambeaux de nous ? Je ne comprends pas...Explique moi je t'en supplie ! Pleurais-je en fixant ses pupilles vertes.

Marley était toujours derrière moi et regardait attentivement la scène attendant aussi la réponse. Lucie était partie s'occuper de client qui venaient de rentrer, nous laissant une légère intimité, ce court instant où j'attendais que mon mari me réponde me paraissais insoutenable. Seulement avant que Orion ne me répondant, il semblait totalement perdu, il avait peur de me dire la vérité.

- Pourquoi tu ne me dis rien Orion...Ais-je fais quelque chose de mal à tes yeux ? Bafouillais-je entre mes larmes.

- Non ma chérie, bien-sûr que non...Je ne voulais pas te faire subir tout cela...Mais je ne voyais pas comment revenir vers toi après cet incident...Répondait-il doucement comme il en avait autrefois l'habitude quand je pleurais.

- Alors pourquoi ? Orion, dit moi pourquoi ?

- J'aimerai que l'on en rediscute après mon service si cela ne te dérange pas...Reste avec Marley sur une table et je viendrai dès que possible je te le promets...Disait-il en constatant l'afflux de client qui venait d'entrer. Je t'aime Koneko...Je te promets de tout t'expliquer...Me promettait-il avant de m'enlacer de toute ses forces.

Pendant cette étreinte je reconnaissais le doux parfum de mon mari qui régnait autrefois dans notre appartement, maintenant calciné, c'était bel et bien lui que j'avais en face de moi et pourtant j'avais encore du mal à y croire...Madelaine avait raison, Hiro aussi...

Je me dirigeais doucement vers notre table avec Marley, ne quittant pas mon Orion des yeux avant de le voir disparaitre dans la cuisine pour répondre aux diverses commandes que Lucie lui demandait. Marley tentait de discuter avec moi pour faire passer le temps plus vite, ce qui avait fonctionné, en plus de m'aider à penser à autre chose, le temps avait filé à une allure inimaginable. Ma meilleure amie arborait son plus beau sourire en voyant que j'avais repris espoir et que tout allait s'arranger en fin de compte.

- Finalement, dès qu'un joueur aura terminer le jeu...Je n'aurais pas besoin de stipuler "À la mémoire d'un défunt compagnon, Orion". Il faudrait que je modifie cela alors... C'est bien de le retrouver mais ça me donne du travail en plus ! Riait-elle aux éclats.

- Dommage...Je vais devoir retourner au travail avec toi demain alors ! Répondais-je en la taquinant. D'ailleurs, comment se finit le jeu ? Tu ne me l'as encore jamais dit.

- Alors...Laisse-moi d'abord te réexpliquer le début, c'est important pour comprendre la fin. Elle se raclait la gorge un grand coup et prenais son air le plus sérieux avant de commencer son récit. Quand le joueur débutera le jeu, il aura le choix entre trois personnages avec des aptitudes différentes, un homme chasseur accompagné de sa hache et de sa force brute. Le second personnage est plus classique, c'est un jeune homme engagé pour son peuple avec une grande bravoure munit d'une épée et quelques sorts basiques. Et enfin tu as le spectre d'une femme qui a perdu son mari dans les flammes, elle est donc magicienne et elle est toujours accompagnée d'un pendentif qui renferme une photo d'elle avec son époux lorsqu'elle était heureuse.

Je l'écoutais attentivement relevant chaque détail de son histoire, après tout j'avais seulement travaillé sur l'aspect graphique du jeu et je n'avais jamais osée demander quelle était l'histoire que renfermait ce dernier.

- Toutes les histoires personnelles des personnages s'entrecroisent, il faut alors faire l'entièreté des passés des différents protagonistes pour finalement comprendre leurs quêtes, en plus de ça, l'histoire de la femme spectre est présente partout avec des petits détails et selon les choix des joueurs ça influencera les histoires des personnages encore non joués. Me racontait-elle fière de ce projet qui avait mis du temps à sortir de terre. Alors à la fin de l'histoire de la femme spectre si on a fait les bons choix, on peut retrouver son mari qui s'est transformé en esprit du feu qui s'appelle un Fuminime, à cause d'un incendie qui s'est déclenché par une malédiction du démon originel.

- Tu as bien construit le scénario Marley, chaque détail comptent...Je suis très impressionnée ! Lui disais-je fière d'elle en lui offrant un large sourire.

- Oh, en vérité je n'ai pas fait tout le scénario moi-même, c'est une auteure inconnue qui m'a envoyée ça, à la suite d'une demande que j'ai faite sur un réseau très fermé. J'ai juste donnée les grandes lignes et elle m'a envoyé ça quelques semaines après, j'aimerai la rencontrer pour la remercier ! M'expliquait-elle avec des étoiles pleins les yeux.

Marley avait eu beaucoup de talent pour retranscrire toute cette histoire dans un jeu qui allait être dans quelques jours propulsé en première place sur les plateformes spécialisées dans les jeux-vidéos. Je ne doutais pas un instant que ce jeu allait être oublié, bien au contraire, nous avions tous veillé à ce que ce jeu soit parfait, ce qui rendait Marley encore plus heureuse.

- Il est clair que ton jeu Marley, va avoir un énorme succès, je pensais également en acheter un exemplaire pour me faire une idée de ce projet que tu as pu bâtir avec l'aide de ma courageuse femme. Déclarait une voix masculine derrière nous coupant court à la conversation que je tenais avec ma meilleure amie.

Je me retournais subitement et voyais Orion qui avait abandonné son tablier pour une tenue civile plus correcte. Il avait enfin terminé son service et Lucie allait fermer l'établissement, nous commencions alors à partir, Marley m'annonçait qu'elle allait en direction de chez elle, me laissant seule avec mon mari que j'avais enfin retrouvée. Il tendait sa main vers la mienne avant de la saisir fermement pour me faire avancer dans la même direction que lui, personne n'avait oser parler pendant de longues minutes sur le trajet, laissant les bruits urbains envahir notre intimité. Il m'emmenait jusqu'à un petit parc par lequel je passais pour aller travailler, faiblement éclairé par des lampadaires abimés.

- Je pense que nous allons être assez tranquille pour discuter ici. Je ne sais même pas comment m'excuser pour tout ce que tu as dû subir ces trois dernières années...Je suis terriblement désolé de t'avoir fait autant souffrir à cause de ma disparition ma chérie...Commençait-il la voix fébrile et tordu par les larmes. Sache que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que tu me pardonne même si ça prend des années, je veux que l'on recommence une nouvelle vie ensemble et que l'on rattrape le temps perdu...Si tu le veux bien...

- Écoute Orion, tout se bouscule dans ma tête, il y a encore une semaine j'essayais de me convaincre que tu étais bel et bien mort et te voilà face à moi, vivant. Je veux savoir ce qu'il s'est passé avant de prendre une décision...Ne m'en veux pas mais je veux ne plus être dans le flou...Demandais-je en baissant la tête et perturbée par ce qu'il venait de me dire.

- Je comprends Koneko ne t'en fais pas...Je vais tout t'expliquer je te le promets...

Je prenais place sur un banc non loin de là et attendais que Orion me raconte ce qu'il s'était passé. Il était au début hésitant, ne trouvant pas ses mots sans doute, puis il sortait doucement de ses pensées pour enfin tout m'expliquer. J'étais assise, attentive et avide de savoir le fin fond de cette histoire qui m'a volée trois ans de ma vie, de souvenir et de bonheur avec celui que j'aimais plus que tout au monde.

- Je t'écoute Orion...Débutais-je avec une petite voix.

- Il faut que tu te réveilles désormais Koneko. Coupait-il froidement avec un regard inexpressif, presque menaçant.

- Quoi ? Comment ça ?

- Je t'ai laissée rêver, maintenant je vais te faire vivre un dur retour à la réalité. Continuait Orion, changeant d'enveloppe corporelle et de voix.

Soudainement tout mon environnement se figeait, devenait grisé comme une couverture de vieux journal. Perdue et ne sachant pas quoi faire, je tentais de m'enfuir en direction de chez moi, mais une force monumentale m'empêchais de faire un pas pour m'en sortir. Par peur je m'accroupissais, cachant mes yeux qui pleuraient des torrents d'eaux salés et hurlant à l'aide.

- Marley ! Elsha ! Que quelqu'un me sorte de ce cauchemar, je vous en supplie ! Hurlais-désespérée.

- Ne t'en fais pas Koneko, tu vas bientôt pouvoir arrêter de pleurer. Disait une voix de jeune fille que je ne connaissais pas, surprise je relevais la tête pour connaitre son identité, elle ne m'était pas familière du tout.

- Qui es-tu ? Que me veux-tu ?

- Je ne suis que le néant qui entoure l'espoir, une âme destructrice qui poursuit le chemin de son père, je suis la fille du démon originel !

- Quoi...Mais c'est le monstre final présent dans le jeu de Marley...Celui qui a jeté une malédiction sur le foyer de la femme spectre...

- Tu veux dire sur ton foyer. Mon père a bien fait cela avant qu'il me lègue la totalité de son pouvoir, alors pour m'amuser et connaitre la véritable puissance de son héritage j'ai voulu essayer quelque chose sur ses œuvres passées...Commentait-elle fière d'elle avec un ton dédaigneux.

- Ce qui veut dire que tout ceci n'est pas réel... ? Je suis la fameuse femme spectre qui erre à la recherche de son mari qui s'est transformé en fuminime ? Constatais-je stupéfaite par une telle cruauté. Tu as créé tout ce monde pour t'amuser... ? Manipulant chacun de mes choix pour ton simple divertissement... ?

- Effectivement, tu as vite compris...Bien, maintenant je vais te libérer de ton orbe onirique et te laisser te réveiller.

Cette jeune fille semblait jeune cependant elle dégageait une aura dévastatrice qui ferait peur à n'importe qui, seulement je ne voulais pas retrouver cette vie d'errance et de malheur, dans les deux cas je ne serais jamais heureuse et je ne retrouverai jamais l'amour de ma vie qui me permettais de sourire. Puis au loin un craquement de verre retentissait indiquant que cela allait être ma fin.

- Laisse-moi être heureuse ! Tu as dû connaitre ce qu'est le bonheur, laisse-moi y gouter à nouveau ! L'implorais-je devant son regard indifférent.

- Je ne pense pas que cela va être possible, même si je l'avais voulu je n'aurai pas pu, je ne suis pas la créatrice de ta malédiction. Je suis simplement une succession, je suis navrée.

- Pourquoi t'excuses-tu ? Demandais-je surprise de sa soudaine compassion.

Elle me laissait sans réponse jusqu'à entendre un nouveau craquement, plus fort que le premier. Je ne pouvais finalement pas lutter, même contre une simple enfant qui jouait avec mon malheur que son père avait créé. Puis contre toutes mes attentes la jeune fille me regardait et faisait apparaitre à ses côtés mon mari, d'un claquement de doigt.

- Je te fais une faveur, tu as quinze minutes avant que ton orbe onirique ne se brise, je t'offre le droit d'avoir ton cher mari pendant ce temps, mais à ton réveil tu redeviendras ce que tu étais, une âme errante. M'expliquait-elle d'une voix plus douce avant de disparaitre.

Je me jetais alors dans les bras de l'amour de ma vie, pleurant une fois de plus de tout mon corps tout en échangeant des mots exprimant tout l'amour que j'avais pour lui. Seulement des craquements retentissait toujours derrière ce paysage grisé et arrêté depuis maintenant un long moment.

- Je continuerai à te chercher mon amour, tu me manques, je promets de te retrouver un jour.

- Je sais...Je vais faire de même, je t'aime Koneko. Chuchotait-il avant de m'embrasser fougueusement.

- Dit moi où tu te trouves pour que je puisse venir te chercher Orion !

- Au début j'étais en liberté, non loin de notre foyer...Seulement une équipe de mage a réussi à me capturer, je suis alors dans une sorte de capsule et je ne peux rien faire...Je suis désolé ma chérie, j'ai été très heureux de te revoir ne serait-ce qu'un instant dans ce monde inexistant. Murmurait-il avec une tristesse pesante dans sa voix. Le feu de notre amour brulera pour toujours.

À la suite de ces mots, un troisième craquement s'élevait de ce décor lugubre, je regardais intensément Orion qui pleurait lui aussi désormais. Ma vue se brouillait de plus en plus, peut-être à cause des larmes, mon corps devenait léger puis tout devenait noir pour s'illuminer quelques secondes après.

J'ouvrais mes yeux et battais rapidement des paupières pour mieux voir mon environnement. J'avais retrouvé ma véritable apparence, mes souvenirs et mon malheur...J'étais redevenue la femme spectre à la recherche de son mari maudit qui a comme seule souvenir un pendentif, comme un chaton à la recherche de sa mère et qui a comme seul indice, la couleur de son pelage.