Chapitre 8 : Lumen
est-ce que c'est vraiment un vrai chapitre de ce livre s'il est pas posté avec au moins 6 mois d'écart par rapport au précédent finalement (je vais arrêter de m'excuser à ce stade et juste le faire quand j'en aurais fini avec cette version mdr)
-- Liera
Une nuit étonnamment claire et paisible fut suivie par une agréable matinée. Wilhem et Lukas n'auraient pas pu être plus chanceux. Le temps était clément, ils n'eurent aucun mal à retrouver leur chemin, ne rencontrèrent aucune nouvelle confrontation avec l'Empire, et la ville de Lumen apparut devant eux avant le milieu de la journée.
"Oui !" s'écria Lukas en sautant de joie. "On a réussi ! J'arrive pas à y croire qu'on aie fait un truc aussi dingue. Et on a à peine souffert."
Le sourire amusé de Wil s'effaça pour faire place à une mine dubitative.
"Je me suis fait éclater la tête contre un arbre..."
"Et tu ne sens déjà plus rien !"
"Tu as failli étouffer sous le poids de ce JC..."
"A peine..."
"Tu t'es également retrouvé avec un artefact sous la gorge à un certain point..."
"La situation était sous contrôle !"
"Et on a inspiré des gaz toxiques qui auraient pu nous tuer..."
"Ils n'ont eu aucun effet secondaire..."
"Ta définition des mots 'à peine' me fait questionner si nous avons bien vécu les mêmes choses," railla le prince. "Et puis je peux savoir pourquoi tu as gardé ma veste ?"
Lukas portait effectivement la veste que Wilhem lui avait prêtée pour lui tenir chaud la nuit, mais non content de ne pas l'avoir rendue à son propriétaire, il avait également décidé de la porter sur ses épaules comme si c'était une cape, c'est-à-dire complètement n'importe comment.
"Je trouve qu'elle me va plutôt bien, je ressemble un peu à un aventurier héroïque... Et toi, tu as l'air moins coincé sans, donc c'est gagnant-gagnant."
"Je ne suis pas coincé," grogna Wilhem. "Ce n'est pas de ma faute si je n'ai pas le droit de décider ce que je porte..."
"Eh bah justement, avec tes manches retroussées et ton col ouvert, tu maîtrises parfaitement le style de jeune noble décontracté et pas du tout coincé."
Wilhem leva les yeux aux ciel. "Ecoute, quand j'aurais besoin d'un nouveau conseiller en matière de mode, je n'oublierai pas de venir te demander ton avis. Allons-nous continuer à parler de mon accoutrement pendant encore longtemps ?"
"Hâte de découvrir les tenants et aboutissants du métier de styliste royal, Votre Altesse. D'ailleurs, ça fait quoi de vivre là-dedans ?" demanda Lukas en pointant le château au loin alors qu'ils reprenaient leur marche au milieu des champs, se rapprochant rapidement de l'entrée de la ville.
"Le château tout entier n'est pas ma maison, si c'est ce que tu imagines..."
"N'empêche, le château et le centre culturel et politique de la capitale sont sur une île, reliée au reste de la ville par un pont... Ce qui veut dire qu'on va devoir passer par là. C'est... un peu flippant, en fait."
Wilhem sursauta en voyant un insecte se poser sur sa botte. Il la secoua avec véhémence pour faire tomber la petite créature, puis se retourna vers Lukas, continuant la conversation comme si de rien n'était. "Donc selon toi être pris en otage c'est une situation sous contrôle, mais un pont que j'ai moi-même traversé de nombreuses fois sans encombre c'est 'flippant' ?"
"Hé, les peurs c'est irrationnel. Bon, on file à travers la ville et on va directement au Palais ?"
"Quoi, tout de suite ?" protesta Wilhem. Il n'avait pas envie de finir son aventure si vite et de retourner à sa vie de petit prince au masque angélique.
"Pourquoi, tu as quelque chose à faire avant de rentrer ?"demanda Lukas en haussant un sourcil. Ils avaient enfin atteint le bord de la route, les portes de la capitale à quelques mètres à peine. Aux bruits de la ville habituels se mêlaient musique et cris joyeux, et Wilhem prit un moment pour les écouter, avant de répondre :
"C'est probablement la seule fois de ma vie où je serai complètement libre de faire ce que je veux," répondit-il. "Je sais que ce n'est certainement pas prudent alors que nous sommes poursuivis par l'Empire, mais... je pensais qu'on pourrait profiter un peu du festival sur le chemin du Palais ?"
Sa demande fut répondue par un regard étonné, et Wilhem se reprit immédiatement : "Ah, oublie ça ! C'est vraiment puéril comme demande, nous devrions nous concentrer sur la Soliera pour le moment. Je pourrai toujours demander à ma mère de me laisser sortir plus souvent une fois que je lui aurai montré que je sais me débrouiller tout seul."
"Moi ça me dérange pas."
"Hein ?"
"J'ai un peu pitié de toi, donc j'imagine que je peux te montrer les meilleurs endroits du festival..."
"Mais je ne te permets pas—"
"...et puis je doute que l'Empire osera nous attaquer devant plein de monde, donc on devrait être tranquilles..."
Wilhem continua de s'étouffer pendant quelques secondes sous le regard narquois de Lukas entre indignation et une vague reconnaissance.
"Si tu insistes," finit-il par répondre, "j'imagine qu'on peut passer un peu de temps au festival," murmura-t-il, provoquant l'hilarité de Lukas. Wilhem fit la moue.
"Bon, alors on est partis !" s'écria Lukas, se saisissant du poignet de son compagnon alors qu'ils passaient la porte de la ville. "Premier arrêt, les stands de nourriture !"
"Mais lâche-moooooiiiiii !"
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Si Wilhem pouvait être honnête, ni les choux à la crème ni les crêpes ne valaient celles du palais. Les choux étaient trop secs, la crème trop lourde, et les crêpes dégoulinaient de beurre fondu. Sans Lukas pour lui conseiller de retirer ses gants avant de manger, il les aurait probablement ruinés – mais en même temps, quel genre de sauvage mangeait avec les doigts ?!
Malgré toutes les plaintes qu'il aurait pu formuler, le prince s'était pour ainsi dire goinfré de ces sucreries bas de gamme – heureusement qu'il avait de quoi payer. Bien qu'il ne parvienne à l'expliquer lui-même, il avait rarement autant apprécié sa nourriture qu'en la mangeant sans aucune élégance et en débattant la bouche pleine de l'utilité d'avoir un panier pour chat s'il dort toute votre nuit dans votre lit.
Il se fit rapidement entraîner dans des stands de fléchettes et de brocanteurs qui vendaient des livres anciens, et même dans une danse sur l'une des places de la ville. Lukas s'amusa à pickpocketter les passants avant de leur rendre leurs affaires, ce qui finit par mener le garçon à expliquer aux habitants de la ville les mesures qu'ils pouvaient prendre pour se protéger contre le vol. Wilhem s'était contenté de le regarder avec un demi sourire et ne prêtait plus aucune attention au château se trouvant sur l'île.
La ville de Lumen avait initialement été créée sur cette île, mais au fil du temps, celle-ci s'était révélée trop petite, et l'île ne comprenait désormais plus que le palais royal et les infrastructures politiques, économiques et culturelles les plus importantes du royaume – ainsi que les quartiers de résidence des nobles. Ainsi, près du point d'arrivée du pont sur le continent principal d'Arcaen s'étaient installés nombre de marchants, artisans et même agriculteurs qui constituaient la population principale de la ville.
Petit à petit, les rues se vidaient et le ciel se teintait d'une couleur rougeâtre.
"Où sont partis les gens ?" demanda Wilhem. "Je pensais que le festival continuait toute la nuit, je suis déçu..."
"Ils s'éloignent de la ville pour voir le feu d'artifice," expliqua Lukas. "On y va aussi ?"
Wilhem se fendit d'un grand sourire. "Ou—"
Il s'interrompit. Après un moment de réflexion, son sourire devient apologétique et il finit par répondre : "Je pense que nous avons assez procrastiné, tu ne penses pas ? Je ne voudrais pas revenir trop tard après la nuit tombée... Il serait temps que nous nous mettions en route."
Lukas haussa un sourcil. "T'es sûr ? T'as pas peur de pas pouvoir ressortir après tout ça ?"
Wilhem fit quelques pas en direction du palais. "Oui, je suis sûr qu'il y aura d'autres occasions. Et puis..." Il s'arrêta de marcher, mais il tournait le dos à Lukas. "Même si ma mère refuse de me laisser sortir, je trouverai bien un moyen tout seul. Je doute qu'elle soit capable de m'arrêter complètement de toute façon."
Il lâcha un petit rire et se tourna vers Lukas. "Si tu pensais être débarrassé de moi après aujourd'hui, je suis désolé de te décevoir."
Lukas resta bouche bée un instant, puis il rendit son sourire à son ami.
"D'accord."
"Quoi-- comment ça, d'accord ? Tu n'as donc rien à dire après que je-- après que j'ai—"
"Mais oui, mais oui. Dépêchez-vous, Votre Altesse, nous sommes pressés," railla Lukas en lui prenant le bras. "Allez, le pont est dans cette direction, on a pas le temps de traîner si tu veux arriver au château avant la nuit."
"Hé ! Attends-- lâche-moi !"
Le chemin vers le pont fut étonnamment court, et ledit pont étonnamment vide.
"Y'a vraiment personne, ils sont tous partis voir le feu d'artifice," constata Lukas. "Bon, alors comme ça le petit prince veut se faire pousser des ailes pour partir ?"
"Lukas, je sais que tu essayes de gagner du temps pour ne pas avoir à marcher sur le pont. Ça ne marchera pas sur moi."
Le jeune homme détourna le regard. Wilhem roula les yeux au ciel.
"Allez, viens, je vais te distraire pendant qu'on marche, on sera arrivés au bout avant que tu t'en rendes compte."
Lukas finit par mettre un pied sur le pont, puis l'autre. Alors qu'il avait le regard rivé vers le sol, Wilhem enchaîna : "Pour répondre à ta question, je pense que je vais simplement... prendre plus de libertés par moi-même. Sortir seul en ville, décliner les invitations à prendre le thé..." Il grimaça. "Dire clairement à ma mère que je n'ai pas l'intention de chercher un ou une fiancé.e..."
Wilhem sourit alors que cette dernière phrase arracha un rire à Lukas. "C'est vrai que dans la noblesse, c'est encore commun de se trouver un partenaire du même genre. D'après ta formulation, j'imagine que les deux te conviennent ?"
"Raté," répondit Wilhem. "En fait, c'est l'inverse. Ce genre de relation ne m'intéresse pas du tout. Et toi, alors ? Tu as un type en particulier ?"
"J'ai une préférence pour les femmes, personnellement..."
"Hétérosexuel, donc ?"
"Oui ! Enfin, on a pas toujours considéré que c'était le cas..."
Wilhem haussa un sourcil, confus. "Tu veux dire que tu n'as pas toujours été attiré par les femmes ?"
Lukas lâcha un petit rire. "Non, je veux dire que je n'ai pas toujours été..." Il bougea ses bras dans sa propre direction. Wilhem le fixa quelques instants, confus, puis il poussa un cri de surprise en comprenant ce à quoi le jeune homme faisait référence.
"Oh ! Oui, d'accord. Je n'aurais jamais deviné."
"Haha, je sais."
"Et toi alors, qu'est-ce que tu comptes faire quand tout ça sera fini ?"
"Je pensais partir loin dans un autre pays par exemple, mais j'imagine que je te manquerais, alors je vais rester dans le coin. Ah, et puisqu'on parle de ça..."
Il s'arrêta de marcher. Wilhem, qui ne l'avait pas remarqué, continua quelques pas seul avant de se retourner vers Lukas qui le regardait avec une expression inhabituelle : sérieuse, et peut-être apologétique, avec un soupçon de tristesse. Il tendait la main vers Wilhem, et dans sa paume brillaient deux objets scintillants qui reflétaient la lumière de la lune et des lampadaires.
Pendant que Wilhem, stupéfait, tentait de rassembler ses pensées, une lumière éclata dans le ciel en direction du palais. Un feu d'artifice, puis un second, puis toute une succession d'explosions se produirent non loin.
"C'est... enfin, tu..."
Wilhem approcha sa main de celle de Lukas, mais il n'osât toucher ni la Soliera, ni la chevalière, comme s'ils risquaient de voler en éclat s'il ne faisait que les effleurer.
"Pourquoi ?" finit-il par murmurer. Il crût que Lukas ne l'avait pas entendu avec le bruit des feux d'artifice, mais la réponse ne se fit pas trop attendre.
"Ecoute, euh... Je... je voulais m'excuser de t'avoir volé ce qui t'appartient. C'est juste... la seule chose que je sais faire-- je veux dire, c'est le seul moyen que je connais de régler mes problèmes, mais je sais que je peux pas continuer à vivre comme ça dans tous les cas. J'aurais jamais dû te faire ça et je sais que je mérite... probablement d'aller en prison pour ça... et pour tout ce que j'ai pu faire avant de t'avoir rencontré... ugh."
"Lukas, je—"
"C'est pour ça que je voulais te proposer d'aller rendre la Soliera par toi-même. Tu l'as plus que mérité, et je... même en supposant que je puisse être pardonné, je ne sais même pas si—"
"Lukas."
Wilhem récupéra la bague et la fit glisser sur son doigt, au dessus de son gant noir. Ses lèvres tremblaient, sans que lui-même ne puisse déterminer pourquoi.
"...Je ne sais pas vraiment comment dire ça, mais... enfin, c'est plutôt que c'est assez embarrassant pour moi de l'avouer, mais... j'ai jamais vraiment eu d'amis. En dehors de ma famille, la seule personne qui savait qui j'étais réellement était Ariane, et j'imagine qu'elle ne faisait que semblant de me supporter pour ses propres objectifs. Je– nous– enfin, tu– tu es la première personne que je, euh... tu es... mon seul ami."
Wilhem grinça des dents.
"Ce que je veux dire, c'est... Merci. Pour tout. Et... garde la Soliera. Inutile de changer un plan qui a l'air de bien fonctionner, non ?"
Il y eut un instant de silence, qui sembla être une éternité dans l'esprit de Wilhem. En effet, celui-ci était en plein débat intérieur : devait-il sauter par dessus le pont, ou pouvait-il encore prétendre qu'il n'avait rien dit de tout cela ?
Alors que la balance penchait plutôt vers la première option, Lukas éclata de rire. Cette réaction inattendue – quoi que Wilhem ne s'était pas attendu à une quelconque réaction – surprit le jeune prince qui cligna des yeux pendant un moment, l'esprit vide de toute pensée.
"Bahahahah !" Lukas semblait vraiment trouver la situation hilarante. "Franchement, j'en peux plus de nous. Tu nous trouves pas super dramatiques, là, à se faire des confessions sous les feux d'artifices ? On est trop bêtes, hahahaha !"
Il était désormais presque plié en deux, et essuya une larme. "Non, sérieux, t'es un handicapé émotionnel, toi, ou quoi ?"
Wilhem eut la vague sensation qu'une telle réaction aurait dû le vexer, et il l'était probablement un peu, mais ce sentiment était dominé par une envie grandissante de se joindre au fou rire contagieux de Lukas.
"Tu t'es vu ?" protesta-t-il. "'Je ne suis pas sûr de pouvoir être pardonné...'" minauda le garçon dans une bien piètre imitation de son compagnon.
"On s'est bien trouvés, alors," rétorqua Lukas. Son fou rire semblait s'être calmé, mais il gardait un sourire joyeux aux lèvres. "J'imagine que ça doit être pour ça qu'on est devenus amis, alors."
"Probablement. Tu crois que—"
Wilhem ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase. Il tacla son ami de toutes ses forces, et le sifflement d'un javelot qui fendait l'air se fit entendre juste à côté de son oreille alors que quelques gouttes de sang éclaboussèrent son visage, éraflant l'épaule de Lukas à l'endroit où se trouvait sa poitrine quelques secondes plus tôt.
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