Chapitre 5 : Au fond du trou
Note : Bonne nouvelle, ça fait moins d'un an depuis le dernier chapitre, cette fois ! Hein, quoi, 7 mois c'est beaucoup ? Désolé, j'entends pas, y'a du bruit dans l'oreillette. Mes remerciements vont à @Myrloo (mention totalement gratuite, me remercie pas bébé, en plus j'avais oublié le nom de ton compte Wattpad) qui m'a quand même motivée à écrire ce chapitre ET le précédent, ainsi qu'à Molière, icône de notre société, parce que franchement les insultes de ses pièces de théâtres elles sont *chef's kiss* AH ET AUSSI. petite modification au chapitre précédent parce que Wilhem a besoin d'avoir un flashback d'un truc que Ariane a dit, sauf que j'avais oublié de le lui faire dire au dernier chapitre, f... foutriquet
"Mais... comment avez-vous obtenu un artefact magique ?" lança Wilhem.
Ariane haussa un sourcil. "C'est vraiment la première question que vous posez ?"
Wilhem haussa les épaules. "Je suis encore trop confus par la situation, désolé."
La jeune femme hocha la tête. "Compréhensible. Pour répondre à votre question, je suis à la tête du plus grand réseau de crime organisé du pays."
"Vous l'avez volé ?"
"Lors d'un voyage au Royaume d'Amarys. Celui-ci forme des espèces de... papillons dorés ? Très esthétique, mais un peu dangereux. Il suffirait d'en effleurer un pour subir une brûlure au troisième degré. Vous vous rendez compte que ce truc était utilisé pour faire des jolis effets pendant des réceptions et des représentations ? Imaginez si le domestique qui s'en servait en perdait le contrôle et blessait des invités. Franchement, je pense que j'ai rendu un service au noble que j'ai volé. D'autres questions ?"
"Est-ce que votre place en tant qu'alchimiste royale faisait partie de votre... rôle au sein de l'Empire ?" demanda Wilhem.
Ariane soupira. "Quoi, on a plus le droit d'avoir deux métiers ? Ce que je fais pendant mon temps libre n'est pas censé regarder la reine. Et puis qui suspecterait une jeune femme riche et bien placée à la Cour, mais apparemment stupide puisqu'elle vient au bal en portant des bottes ? Oui, j'ai l'ouïe plus fine que j'en ai l'air." Wilhem se mordit la lèvre. Ah, donc elle avait entendu ce qu'il avait dit à Séraphine à la réception. Oups. "Ce n'est vraiment pas difficile de faire croire tout ce que je veux à des gens qui ne s'inquiètent que des apparences."
Wilhem n'était pas vraiment d'accord. Lui avait un mal fou à ne pas perdre la face.
"Bon, si vous n'avez pas d'autres questions, je vous avoue être curieuse sur un point. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Non mais sincèrement, le traître qui a volé la Soliera qui croise le chemin de mon seul et unique élève, le petit prince Willy... J'ai du mal à croire à une pareille coïncidence."
"Hé !"
"Il m'a renversé avec sa voiture juste au moment où vos hommes de main m'attaquaient," répondit Lukas.
"Quoi, vraiment ? ...Et je suppose que Son Altesse n'a pas su résister à un peu d'action et s'est allègrement jetée dans la bataille ?"
"Je suis vraiment si prévisible ?"
"Oui," répondirent Ariane et Lukas d'une seule voix.
"Bon, fini de jouer. Posez votre épée au sol. Fourreau y compris."
Wilhem déglutit. Pendant un instant, il avait presque oublié l'artefact pressé contre la gorge de Lukas. L'objet semblait tellement banal que le jeune homme peinait à imaginer les papillons lumineux qu'Ariane avait évoqués se détacher de l'embout, et voleter pendant une fraction de seconde pour parcourir les quelques centimètres qui le séparaient du cou de Lukas, s'y presser, un cri silencieux s'échappant de ses lèvres alors qu'il s'effondrait sur le sol en se tenant le cou à deux mains sous le regard glacial d'une Ariane indifférente, Ariane qui plantait désormais ses yeux vides de tout émotion dans les siens et...
La respiration de Wilhem se coupa soudainement. Oh. Pas si difficile à imaginer, finalement. Cette image n'était pas près de quitter son esprit. Il en ferait probablement des cauchemars pendant les prochaines semaines.
"D'accord, d'accord !" Il répondit précipitamment. De ses doigts fébriles, il tenta de défaire la ceinture à laquelle était attachée son épée. Ses mains tremblaient et le cuir glissait contre le tissu de ses gants. "Ne le tuez pas, s'il vous plaît," il ajouta faiblement d'une voix tremblante.
Le regard d'Ariane s'assombrit. "Cela n'arrivera pas, tant que vous ferez ce que je vous dis," répondit-elle calmement.
"Bon sang !" grogna Wilhem, qui n'arrivait toujours pas à retirer sa ceinture. Il se débarrassa de ses gants, puis finit par défaire la boucle de la ceinture, qui tomba à terre avec l'épée dans un claquement métallique.
"Lukas," fit Ariane d'un ton autoritaire. "La Soliera."
"Elle est dans la pochette attachée à ma jambe," répondit le jeune homme. "Je ne peux pas l'atteindre sans me baisser."
"Tu n'as qu'à lever la jambe," rétorqua la Prêtresse.
"Vous êtes sûre ?" Une pression du bâton contre sa gorge fut la seule réponse que Lukas obtint.
En se tenant sur une jambe, il monta son genou pour pouvoir atteindre l'ouverture de la poche, qu'il défit avec une seule main. Aussitôt qu'il l'eût fait, Wilhem aperçut une pierre orangée tomber sur le sol.
"Je vous l'avais bien dit," marmonna Lukas.
Profitant de cet instant d'inattention d'Ariane, il leva son autre jambe, se retrouvant ainsi suspendu de tout son poids au bras de la jeune femme. Déséquilibrée, elle tomba en avant, et Lukas lui arracha son artefact dans sa chute, l'envoyant au loin. Cependant, la surprise d'Ariane ne dura pas bien longtemps et elle resserra son emprise sur le cou de son otage tout en lui faisant une clé de bras, bien qu'ils soient encore tous les deux au sol.
Cependant, il était déjà trop tard ; Wilhem se tenait déjà devant eux, et il brandissait sa ceinture qu'il avait ramassée sur le sol par le bout le plus éloigné de l'épée qui y était toujours attachée. Il la balança violemment dans un mouvement circulaire, et l'arme vient frapper l'arrière du crâne d'Ariane. Sans perdre un instant, Lukas se dégagea et la poussa au loin. Un gémissement s'échappa des lèvres de la Prêtresse, qui semblait peiner à se relever.
"Qu'est-ce que tu fais à rester planté là ?!" s'écria Lukas en prenant le poignet de Wilhem qui était resté immobile à fixer la jeune femme. "Faut qu'on bouge, vite !"
"M-mais Ariane..."
"Elle s'en sortira, ce qui ne sera pas notre cas si on reste à portée de ce maudit artefact ou si ses sbires nous rattrapent !" rétorqua l'ancien bandit en commençant à courir, tirant Wilhem derrière lui. "Allez, dépêche-toi !"
Sortant de sa torpeur, le prince se décida finalement à le suivre, se dégageant le poignet d'un geste sec.
Ils coururent ainsi pendant plusieurs minutes, sans se retourner. À un certain point, Wilhem était passé devant Lukas, mais il sentait encore la présence de l'autre garçon juste derrière lui.
"O-où est-ce qu'on... est ?" demanda Wilhem, à bout de souffle.
"J'en sais rien !" répondit Lukas d'une voix qui suggérait qu'il était, lui aussi, épuisé.
Sans pour autant s'arrêter de courir, Wilhem regarda autour de lui. Il ne voyait pas de route ou de chemin, et encore moins une personne ou un véhicule. Tout ce qu'il voyait était des arbres, des arbres et encore des arbres couverts de feuilles rouges et roses.
Soudain, il sentit le sol se dérober sous ses pas. N'ayant pas prévu cet arrêt brusque, Lukas lui rentra dedans, et tous les deux tombèrent en avant. La terre s'effondra sous le poids de leur corps pendant plusieurs instants, puis tout s'arrêta.
"Dégage de là," râla Wilhem. Lukas était littéralement allongé sur lui.
"Désolé," répondit ce dernier en se déplaçant, toujours haletant. "Donne-moi deux secondes..."
Wilhem le fixa un instant. Il avait vraiment l'air exténué. Il valait mieux arrêter de courir, dans ce cas ; d'autant plus qu'ils n'avaient aucune idée de l'endroit où ils étaient.
Il ne fallut pas bien longtemps avant qu'il ne constant qu'ils ne pourraient pas aller où que ce soit pour le moment. Ils étaient entourés d'un mur de roche, comme s'ils étaient tombés dans un trou cylindrique au milieu de la forêt.
"Les cavités du Foraminis," grommela le prince. Comment avait-il pu oublier les "trous" du Foraminis de cette forêt, à cause desquels les voyageurs ne s'éloignaient jamais du chemin ? Ah, oui, poursuivis par une organisation criminelle. Mais bon, tout de même.
"J'arrive pas à croire qu'on ait pu oublier," souffla Lukas. Il toussa, sans doute à cause de leur course effrénée à travers la forêt. "J'ai pas été assez prudent."
"Quoi qu'il en soit, on doit sortir d'ici," commenta Wilhem. "Tu ne pourrais pas utiliser ton grappin pour ça ?"
Lukas hocha la tête. "Je vais essayer, recule un peu."
Le jeune homme envoya le grappin dans les airs, jusqu'au sommet du trou. Le crochet s'enfonça dans la terre... qui retomba sur les deux jeunes gens.
"Elle est trop molle," constata Lukas. "Je ne peux pas m'accrocher à ça. Kof, kof."
"Et la branche de cet arbre ? Si tu t'y accroches, tu devrais pouvoir te hisser hors d'ici."
"Ça va être trop court je pense, mais je vais tenter quand même, dans le doute."
Le grappin fusa vers ladite branche, mais s'arrêta avant de l'avoir atteinte, et retomba lourdement sur le sol.
Lukas toussa de nouveau. Wilhem lui lança un regard un peu surpris. Il n'avait pas eu l'air malade quelques instants plus tôt, pourtant. "Hé, ça va ?"
"Ouais, juste ma gorge qui me démange tout d'un coup. Bon, faut qu'on trouve un autre moyen de sortir de là. Kof, kof. Même si tu me portes, je pense pas pouvoir atteindre le sommet." Il s'arrêta pour tousser de nouveau.
"Je vais essayer d'escalader la roche," décida Wilhem. Il rattacha sa ceinture à sa taille (il ne l'avait toujours pas fait) et regarda autour de lui pour choisir l'endroit du mur dont la paroi semblait la plus appropriée.
Il n'eut pas trop de difficultés à grimper ; la roche était très irrégulière et il y avait de nombreuses cavités sur lesquelles il pouvait appuyer ses mains et ses pieds. Cependant, après avoir réussi à montrer environ deux mètres, la roche était remplacée par une épaisseur de terre. Tentant d'ignorer la toux de Lukas qui s'était transformée en une forte quinte, Wilhem tenta de s'appuyer contre la terre, qui s'effrita sous ses doigts. "C'est pas vrai," grogna-t-il. S'il levait le bras, le bout de ses doigts était à une vingtaine de centimètres du sommet.
"Kof !"
Sa prise sur la paroi se desserra alors que son corps se contractait brutalement.
"Gaaaarh !" cria-t-il alors qu'il dévalait la pente en glissant plus qu'il ne tombait. Son corps heurta le sol, et bien que ce fut douloureux, Wilhem ne ressentit rien qui pourrait s'apparenter à la douleur causée une fracture. Son soulagement fut cependant de courte durée, et il fut secoué de plusieurs spasmes à une succession rapide.
"Toi aussi ?" marmonna Lukas. Ses yeux étaient tournés vers Wilhem, mais il semblait regarder dans le vague, comme s'il était en train de s'endormir debout.
"Il doit y avoir un truc dans l'air, c'est pas possible..." grogna le prince.
Sa respiration se coupa.
Un truc dans l'air ? Quelque chose comme... un gaz ?
Il pouvait entendre la voix d'Ariane comme si elle était là, à côté de lui.
"J'étudie les roches de la forêt d'Incarnadin. Vous saviez que dans certaines conditions, elles émettent un gaz aux propriétés absolument fascinantes ? C'est absolument fantastique de constater que ce gaz semble être toxique pour l'être humain. Tout d'abord, l'exposition commence par causer une quinte de toux et de la somnolence, cependant, bien que tout cela semble réellement désagréable, les vrais problèmes se commencent que lorsque la toux s'arrête. Si vous ne vous ne ressentez plus d'envie de tousser et que votre nez commence à couler, il ne vous reste qu'entre 3 et 5 minutes avant de perdre connaissance."
Wilhem sursauta en entendant Lukas renifler.
"Nous suspectons que si personne ne vous aide à sortir hors de la zone d'influence du gaz, il vous reste environ une heure avant de périr sous les effets du gaz."
"Morguienne," jura-t-il. Il fut pris d'une quinte de toux. "Mais c'est pas possible ça !" cria-t-il en direction du ciel, sans doute à l'intention du dieu sadique qui appréciait probablement la tournure dramatique que sa vie avait prise en si peu de temps. En moins d'une heure, il avait été trahi par la seule personne en qui il avait confiance, s'était perdu dans une forêt, était tombé dans un trou dont il n'arrivait pas à sortir, et il était à présent à deux doigts de mourir empoisonné par un gaz mystérieux. Peut-être n'aurait-il jamais dû sortir du palais, si c'était pour finir assommé trois mètres sous terre, à attendre que la mort vienne.
"Euh, un problème ?"
Le ton inquiet de Lukas le tira de ses pensées, et Wilhem se redressa pour pouvoir mieux le dévisager.
"Hum... j'ai quelque chose sur le visage ?"
Il ne toussait plus. Il ne toussait plus. "Entre trois et cinq minutes," avait dit Ariane.
"Tu te sens -kof- somnolent ?"
"Je vois un peu flou, oui, mais ça va passer," répondit Lukas.
"Non," répondit Wilhem. "Ariane m'a parlé d'un gaz émis par les roches de la forêt. Les symptômes correspondent. La toux, la somnolence, puis le nez qui -kof- qui coule, jusqu'à une perte de conscience et enfin..."
Il marqua une pause.
"Il faut qu'on sorte d'ici, et vite."
"Mais mon grappin n'est pas assez long pour atteindre la branche, et je vois pas trop comment on pourrait sortir d'ici autrement."
Wilhem prit quelques grandes inspirations, sans tousser, tâchant d'oublier le gaz qui pénétrait son système alors qu'il agissait de la sorte et la morve qui commençait à couler le long de son visage. Paniquer viendrait après. Il devait réfléchir alors qu'il avait encore le temps.
"Tu penses que tu aurais besoin d'être à combien de centimètres plus proche de cette branche pour pouvoir l'atteindre ?"
Lukas sembla réfléchir un instant.
"Environ un mètre, je dirais. Peut-être un peu plus."
"Tu penses pouvoir y arriver si tu grimpes sur mes épaules ?"
Pas de réponse. Lukas était en train de piquer du nez.
"Hé !" cria Wilhem en le prenant par les épaules et en le secouant brutalement. "Réveille-toi ! Je refuse de finir ici, tu m'entends ?!"
"D-désolé," répondit Lukas d'une voix faible. Wilhem poussa un soupir de soulagement. "En grimpant sur tes épaules, ça devrait le faire, mais il va falloir se dépêcher. Je sais pas combien de temps je peux encore tenir."
Wilhem lui-même commençait à ressentir un étourdissement qui s'emparait de lui. Ne pas paniquer, ne pas paniquer. Respirer lentement, agir rapidement.
Il s'accroupit en face de la paroi de roche qu'il avait tenté d'escalader. "Vite."
Lukas le rejoint d'un pas chancelant et prit position sur les épaules de son compagnon. Il croisa ses jambes dans le dos de l'autre et posa ses mains sur le mur.
"Serre bien fort, ça risque de secouer, je suis pas vraiment stable non plus," avertit Wilhem. Il se releva lentement et avec toute la force qui lui restait, en s'appuyant le plus possible sur la roche. En temps normal, il n'aurait rencontré aucune difficulté à porter Lukas, dont les qualités relevaient plus de la vitesse et de l'agilité que de la corpulence ou de la force physique, mais il pouvait sentir ses forces le quitter sous les effets du gaz.
Une fois que Wilhem fut debout, Lukas saisit son grappin à deux mains. Il réussit à ne pas trop trembler et tira sur la branche. Le jeune homme activa quelques mécanismes sur l'objet en métal et en un instant, il fut tracté dans les airs. À travers sa vision brouillée, il aperçut Lukas se balancer sous les feuilles de l'arbre, puis il tomba et disparut de son champ de vision.
Était-il parti ? Cela n'aurait pas étonné Wilhem. S'il avait été à sa place, il aurait pris la fuite, loin de ce maudit gaz qui était en train de le tuer à petit feu. Après tout, Lukas n'avait pas vraiment besoin de lui pour ramener la Soliera au palais.
Wilhem sentit ses jambes céder sous lui. Ironique, pour quelqu'un qui ne rêvait que d'aventure, de partir paisiblement dans son sommeil.
"Wil ! Donne-moi ta main !" cria une voix -- Wilhem avait l'impression de l'entendre comme s'il avait la tête plongée sous l'eau. Il tendit instinctivement son bras en direction de la silhouette qu'il pouvait distinguer comme étant accroupie non loin du bord de la cavité. Bien qu'il fût trop loin pour que qui que ce soit puisse l'atteindre, il sentit quelque chose lui enserrer le bras. La dernière chose qu'il discerna avant de perdre connaissance fut une vive douleur, comme si l'on tentait de lui arracher l'épaule.
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