Chapitre 3

Cinq jours plus tard – À Londres

« Prisoner » de Raphaël Lake, Aaron Levy et Daniel Ryan résonne dans le restaurant bondé. Ciara espérait pouvoir se changer les idées à la fête d'Émy, mais rien n'y fait. Depuis cette fameuse nuit où elle est persuadée d'avoir croisé l'esprit du Fear Geamhraidh, les cauchemars se succèdent. Chaque soir, alors qu'elle tente désespérément de trouver le sommeil, les iris rouges s'invitent dans sa tête tandis qu'un vent glacé l'étreint. C'est à peine si elle arrive à dormir. Le pire ? Certains de ses rêves sombres sont indécents. Rien que de penser à la main du spectre qui caresse son cou avant d'y poser ses lèvres, puis à celle qui remonte sa hanche, Ciara ressent des frémissements de plaisir infiltrer les pores de sa peau. Désireuse de ne pas gâcher sa soirée, elle secoue la tête pour chasser ses songes obsédants. Émy et Jamie annoncent leurs fiançailles, elle ne peut pas flancher maintenant, même si la fatigue la ronge. Tout à coup, elle se sent entourée d'une brise trop fraîche.

— Vous semblez perdue.

En entendant la voix grave, Ciara relève le regard vers la personne qui vient la troubler. Lorsque ses yeux croisent ceux de son interlocuteur, son cœur rate un battement. Niall. Sans demander la permission, il écarte la chaise en face de la jeune femme et s'assoit, un sourire malin sur le visage. Pétrifiée, elle a l'impression d'être confrontée à un cobra venimeux. Elle ne peut s'empêcher de s'émerveiller devant l'homme, mais la peur se mélange au désir.

— Je dois dire que je ne m'attendais pas à vous revoir ici ! Jamie et moi nous connaissons depuis la faculté. Et vous ?

En dépit du ton enjoué de l'étranger mystérieux, Ciara ne parvient pas à faire taire cette petite voix qui lui dit d'être prudente.

— Je suis la meilleure amie de la future mariée, répond-elle le regard rivé sur celui de Niall.

L'homme en face d'elle continue de lui sourire comme un idiot, puis, de façon furtive, un éclat rouge rugit dans ses iris. Surprise, Ciara se lève d'un bond, la respiration saccadée, ses veines manquant de céder sous l'adrénaline. Niall, quant à lui ne bouge pas, mais porte son verre de vin blanc à ses lèvres en murmurant :

— Tu n'as pas à avoir peur.

— Qu'est-ce vous me voulez ? demande-t-elle, l'angoisse lui nouant l'estomac.

L'homme s'esclaffe d'un rire doux et charmeur avant de se lever à son tour.

— Tu le sauras bien assez tôt.

Ciara s'apprête alors à répliquer, mais au même moment, Émy surgit de nulle part pour trainer la jeune femme jusqu'au groupe un peu plus loin.

— C'est l'heure de la photo ! s'écrit-elle.

À la seconde où Ciara comprend ce que le Fear Geamhraidh a en tête, son regard se porte sur le fantôme qui sourit de façon amusée.

— Non...

Mais il est trop tard, tous sont en place, le temps semble ralentir. Les cheveux blonds de Niall se teintent de noir, sa peau vire au bleu froid, et ses iris se colorent de sang. En une demi-seconde, il est devant elle. Ciara veut crier, parler, mais elle en est incapable. L'esprit contrôle l'espace de la dimension dans laquelle il les a plongés. D'un geste doux, il caresse du bout des doigts sa joue jusqu'à son menton puis approche ses lèvres des siennes.

— Ferme tes yeux, le petit oiseau va sortir, beauté.

Les larmes coulant avec lenteur sur sa peau, elle clôt les paupières dans un dernier espoir de survie, priant la clémence de l'esprit. Que va-t-il lui arriver maintenant ?

Tout se passe très vite. Un rire, un flash, un vent glacial. Lorsque la jeune fille rouvre les yeux, elle est devant la porte du restaurant, dans une robe de cocktail bien trop fine pour cette nuit d'hiver. Elle scrute autour d'elle, chamboulée en découvrant qu'elle est seule, abandonnée à la créature qui la pourchasse. Puis, son regard tombe sur un cliché à ses pieds. En étudiant de plus près la photo, elle blanchit à vue d'œil, la terreur s'emparant de son être. Tous les visages des personnes présentes ont disparu, remplacés par un crâne sans peau, les orbites vides. Étonnée de voir qu'elle est la seule à ne pas être affectée par ce cliché cauchemardesque, Ciara discerne alors cette main à la couleur légèrement bleutée qui recouvre ses yeux.

Comprenant qu'elle est l'unique à avoir été épargnée, elle se laisse choir au sol en hurlant son désespoir. Puis, un mouvement attire son attention. Sur le trottoir d'en face, Niall la regarde en souriant. L'homme contemple son œuvre et, dans un dernier rictus moqueur, lui offre un clin d'œil avant de disparaître dans les ombres.

N'ignorez pas les légendes que vous racontent vos grands-parents.

Vous pourriez le regretter. 

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