Chapitre 75 : La demande d'un cœur silencieux

Assise sur son lit, Anna regardait par la fenêtre la lumière incandescente de la lune.

« Je ne t'ai pas quitté, tu vois. Nous avons juste pris un peu de distance. » Pensa-t-elle en s'adressant à son astre favori qui l'avait accompagné pendant des mois dans ses longues journées de solitude.

Maintenant, la situation était différente. Depuis que sa famille était arrivée à Montchâteau, personne ne quittait son chevet, on ne la laissait jamais seule. Ils avaient même pris l'habitude de déjeuner tranquillement autour d'une table ronde, côte à côte dans sa chambre pour rester auprès d'elle, mais aussi pour éviter la compagnie de Georges qui prenait ses repas dans le grand salon. Les discussions pépiaient comme des gazouillements d'oiseaux, et l'on demandait sans arrêt son avis sur divers sujets de société lorsque son père animait la fin de repas en lisant quelques articles du journal.

- Qu'en pensez-vous ? A-t-on le droit d'encombrer nos rues de fiacres sans laisser de place aux piétons sur les trottoirs ? lui avait-il demandé en tirant une bouffée sur sa pipe.

- Peut-on se passer de ma réponse ? Le taquina-t-elle.

Il lui sourit.

Pourtant, un jour, elle lui avait manqué de respect et leur lien naissant s'était effiloché dans la douleur. Sa colère avait éclaté parce qu'elle avait été effrayée à l'idée d'être séparée de Georges, parce qu'elle aimait sa liberté, et détestait ressentir le poids d'une autorité paternelle. Et parce qu'elle s'était sentie perdue au milieu de sa nouvelle famille.

Maintenant, elle se sentait réellement chez elle avec eux. Tout lui semblait familier : leurs sourires, leurs paroles, leurs comportements, tout ce qui les composait remplissaient son cœur de gaieté et de réconfort. Son père l'avait pardonnée même s'ils se taquinaient tous les jours.

Le soir encore, après le passage de sa mère dans sa chambre, il s'assura qu'elle soit allongée confortablement dans son lit pour passer une bonne nuit. Puis, il tenta de la punir en lui rappelant à quel point il avait pleuré à l'église et dans quel état de profond désespoir il avait été, la douleur qu'il avait endurée à supplier Dieu à genoux de la garder en vie pendant toute une nuit.

- Vous ne sortirez pas de votre lit pendant deux semaines, et vous prendrez vos médicaments pour guérir, je vous ai à l'œil.

- Je ne peux plus me lever pour l'instant, répondit d'une voix fatiguée Anna, la tête enfoncée dans son oreiller.

- Parfait. Vous avez un talent pour triompher des catastrophes, mais je ne vous autorise plus à en provoquer de nouvelles. Je commence à être vieux et je suis cardiaque.

- J'aurais besoin tout de même de marcher pour reprendre une vie normale.

- Toujours quelque chose à redire à ce que je dis ! Vous êtes la porte-parole de l'indépendance, mais je suis très têtue, jeune femme, l'avertit-il en agitant son doigt devant son regard qui s'était attendri sous ses faux airs de colère. On ne contredit pas un homme, encore plus lorsqu'il s'agit de votre père. Vous le savez ?

- J'ai pourtant été très docile pour me retrouver cloué dans ce lit.

- Non, vous avez été très stupide !

Il s'assit près de son corps allongé et souleva sa nuque pour remettre la position de son oreiller d'une manière plus confortable. Un sourire étira ses lèvres et souleva sa moustache lorsqu'il la dévisagea sans rien dire.

- Quoi ? demanda Anna, prête à pouffer de rire.

- Je suis heureux, voilà tout. Est-ce que je dois faire un long discours à ma fille ?

Il passa son bras sous sa tête. Anna posa sa joue contre son torse et ferma les yeux. Elle se sentit apaisée, la respiration de son père soulevait doucement son visage tandis qu'elle repensait à sa dernière partie de jeu de cartes avec son frère et ses sœurs. Assise difficilement sur une chaise autour de la table ronde, Églantine retournait les cartes de son paquet pour la faire participer. Anna n'avait rien fait, mais elle s'était amusée.

« Le Valet qui Pisse est un jeu de rapidité, Maman, regarde bien comme je suis rapide ! »avait dit Louise en jetant un regard derrière elle pour s'assurer de son attention. Sauf qu'à cette seconde précise un valet tomba sur la table et avant même qu'elle eut le temps de faire le moindre geste, Thomas frappa la carte et remporta fièrement la manche.

Tout le monde avait éclaté de rire.

Anna sourit en y repensant.

- Georges souhaite se charger de vous faire marcher, il prendra le relais du docteur Ravez qui s'est occupé de vous cette semaine, soupira son père.

Elle perdit son sourire et sentit son cœur se serrer. La grande loi d'attraction de l'amour la poussait sans cesse à penser à lui, pourtant elle avait peur à l'idée qu'ils passent un moment seul à seul. Depuis le deuxième jour de son réveil et donc la venue de sa famille à Montchâteau, Georges évitait de rentrer dans sa chambre. Ils ne s'étaient plus reparlé depuis qu'il l'avait aidée à poser un pied hors de son lit et à faire quelques pas sur le sol ferme.

Sa famille ne l'appréciait pas et se gardait de le dire à voix haute, mais Louise était l'exception. Elle le critiquait en permanence ouvertement et si elle le croisait sur son chemin, elle ne s'empêchait pas de lui faire des remarques blessantes. La venue de Marie renforça son dégoût et sa colère lorsque celle-ci s'interposa pour prendre la défense de Georges qui se laissait malmener par ses paroles irrespectueuses. Les deux meilleures amies s'étaient fortement disputées et depuis ce jour, Montchâteau était divisé en deux : Georges et sa sœur d'un côté, Anna et sa famille de l'autre.

- Il cherche à passer un peu de temps avec vous, reprit monsieur Vermeil en caressant son bras. Il suffit de le regarder pour voir à quel point il est rongé par la culpabilité. Je pense qu'il espère se faire pardonner. Est-ce que vous êtes prête ?

- Je ne sais pas, murmura Anna en sentant une émotion lui étreindre le cœur.

- Moi, je veux que vous lui marchiez sur les pieds.

- Je ne suis pas assez lourde pour qu'il ait mal, grimaça-t-elle contre sa chemise en laine.

- Tout juste. Nous mettrons des crampons sous vos semelles.

- Vous êtes sadique, dit-elle en relevant son menton vers lui avec l'envie d'éclater de rire.

- Non, mais je le deviendrai lorsque je mangerai de la délicieuse tarte aux pommes que votre mère a faite sur votre lit, ici même. Les miettes tomberont sur vos joues, dit-il en les pinçant.

Un sourire passa sur les lèvres d'Anna.

Il se leva et reposa doucement sa tête sur l'oreiller.

- Votre souffrance m'appartient, dit-il en lui baisant le front. Lorsque vous pleurez, je suis triste. Lorsque vous souriez, j'ai mon monde qui s'illumine. Ne me faites plus jamais de mal en étant malheureuse. Pensez à votre vieux père et à votre mère.

- J'ai de la chance d'avoir une famille aussi gentille, réalisa-t-elle, le cœur gonflé par le sentiment de reconnaissance. Lorsque j'étais à l'orphelinat, on s'imaginait entre nous que nos parents étaient des sortes de héros qui avaient sacrifié leurs enfants pour sauver une noble cause ou alors qu'ils étaient tellement pauvres qu'ils avaient dû se séparer de nous. Que quelque part dans leur maison on leur manquait et ils pleuraient. Ce n'est malheureusement pas la réalité pour tous, mais j'ai toujours préféré garder cette image pour garder espoir. Je savais qu'un jour je vous retrouverais. Je savais qu'un jour, on reviendrait me chercher, peu importe l'âge que j'aurais. C'est pour cette raison que même si j'avais dépassé l'âge d'être adopté, je n'ai pas quitté l'orphelinat et j'ai préféré aider madame Carousselle.

Son père inspira profondément, il avait les larmes aux yeux.

Après un silence, Anna continua :

- J'ai grandi avec une médaille en or que j'ai gardée tout le temps autour de mon cou. Elle était dorée, assez petite, mais tellement précieuse. Je me fichais de savoir si c'était de l'or. Il y avait deux cygnes gravés qui se regardaient face à face comme des amoureux. J'avais pris l'habitude de les contempler le soir avant de dormir en pensant que mes parents me l'avaient offerte. Elle me faisait penser aussi à mon petit frère Thomas qui existait quelque part au même moment où je pensais à lui. J'espérais que la vie nous rassemble à nouveau. Je priai pour qu'il en soit ainsi.

Touché, sans un mot pour décrire l'émotion qui le traversait, Monsieur Vermeil caressa ses cheveux.

- Je me souviens parfaitement de cette médaille, admit-il. Nous te l'avons offerte pour tes deux ans de baptême. Bien avant la demeure des Pommiers, nous habitions dans une très grande propriété de famille qui s'appelait les deux cygnes.

- Plus grande que les Pommiers ?

Il acquiesça de la tête.

- La médaille est ici, précisa-t-elle en revenant sur le sujet. Je voulais m'en séparer quand j'ai cru que je ne retrouverai pas mon frère, mais Georges l'a conservée dans une petite boite à Montchâteau. Peut-être qu'elle est dans sa chambre...

Elle n'arriva pas à finir sa phrase. L'avait-il regardé en pensant à elle ou l'avait-il jetée ?

Sa voix tressauta :

- Je regrette de ne pas vous avoir écouté.

- À quel sujet ? chuchota-t-il car il vit son air fatigué et il ne voulait plus la déranger en parlant davantage.

- Je regrette de l'avoir épousé.

Alors qu'elle sentait ses épaules se relâcher et le poids de son corps s'enfoncer dans le matelas, un bruit discret, surement involontaire, qui provenait de l'entrée de la chambre, les fit sursauter. Anna regarda l'expression de son père étonné, et se redressa sur les coudes.

- Il était là ? demanda-t-elle avec un frisson de peur.

- Je n'en suis pas certain.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire. Ce que je voulais dire c'est que...

- Vous aurez tout le temps de le lui dire en face, l'apaisa-t-il en posant une main sur son front. Endormez-vous, maintenant.

- C'est elle qui a décidé de ne plus me parler ! éclata Louise en entrant en trombe dans la chambre d'Anna avec Thomas. Elle est beaucoup trop orgueilleuse comme son frère pour me faire des excuses. Regarde un peu ce qu'elle est devenue depuis qu'elle vie à Montchâteau ! Elle n'arrête pas de passer du temps avec Georges alors qu'elle m'a toujours dit qu'elle le détestait !

- Les relations changent lorsque l'on grandit, tempéra Thomas. Et il est grand temps pour toi aussi de te comporter avec plus de maturité ! Monsieur Nicolas de Monseuil est enfermé dans un hôpital et sa femme est décédée. Georges et Marie traversent eux aussi leurs épreuves et je pense que cela les rapproche.

Anna était assise sur une chaise près de la fenêtre. Elle avait quitté sa lecture lorsqu'elle les avait entendus. Elle avait déjà appris par son père ce qui était arrivé à Nicolas et Éléonore. Le simple fait d'entendre leurs noms la tourmentait et renouvelait des souvenirs écrits en lignes rouges sang dans son esprit. Un jour, elle pensait que ces êtres impitoyables étaient protégés par leur titre et leur renommée ; ils jouaient un rôle sans que personne ne s'aperçoive de rien et ne veule s'en apercevoir. Ils tombaient dans le chaos de leur propre existence, se relevaient pour sortir des souffles de la mort qui les aspiraient dans le fond et retombaient sans jamais être vus. Cependant, la pincée de poudre d'illusion n'avait pas atteint ses yeux de domestique. Alors, lorsqu'elle avait appris leur sort, elle s'était dit que l'histoire avait suivi sa propre descente.

Elle pensait à Paulette qui avait disparu. Elle pensait à Georges qui avait perdu son rêve de voir son frère retrouver un équilibre, la douleur et le vide de sa perte. Le coffre de son cœur malade de renfermer encore un peu plus de culpabilité. Elle pensait à Éléonore, inutile dans sa demeure en Italie, éteinte et tourmentée par l'état de santé de son mari, qui avait choisi la mort comme dernier recours pour lui montrer qu'elle existait.

- Qu'est-ce que ça peut bien me faire qu'ils souffrent ? s'énerva Louise. Leur frère a tenté de tuer Anna en l'étranglant ! Ce sont tous des monstres dans cette famille et je ne compte pas m'apitoyer sur leur sort !

Thomas perdit son sang froid et tira brusquement sur son poignet pour la faire taire.

- Louise ! Tu es de plus en plus malpolie, irréfléchie et vilaine !

- Moi, vilaine ?

- Tu ne sais pas te mettre à la place des autres, tu es sans arrêt en train de juger sans connaitre les personnes !

- J'en connais suffisamment pour me faire mon propre avis !

- Justement, on ne demande pas ton propre avis ! explosa Thomas. Cette histoire concerne uniquement Anna et son mari, et si tu te préoccupais un peu plus de son bonheur, tu ne chercherais pas à semer la discorde tous les jours !

- Je sème la discorde ? balbutia-t-elle en lançant un regard éploré envers Anna.

Elle courut s'assoir à côté d'elle.

- Toi aussi, tu ne l'aimes pas, n'est-ce pas ? s'inquiéta-t-elle.

Anna souffla tout l'air de ses poumons.

- La réponse est évidente Louise, claqua la voix de Thomas.

- Elle a juste soufflé comme un taureau, ce n'est pas une réponse.

Il leva les yeux au ciel.

- Ils sont mariés, et Monsieur de Monseuil l'aime. Il demande tous les jours des nouvelles d'Anna, mais il n'ose pas venir la voir parce qu'il a honte et qu'il cherche à nous laisser le plus de place possible pour son bien.

Louise se boucha les oreilles, puis elle saisit les mains de sa sœur.

- Tu ne peux pas aimer un homme comme Georges, insista-t-elle en cherchant une réponse dans son regard, il deviendra fou comme son frère et...

- Non ! l'interrompit Anna avec fermeté. Il ne deviendra pas comme son frère ! Je t'interdis de penser ce genre de chose !

- Mais...

Ses lèvres tremblèrent et elle quitta la pièce, les larmes aux bords des yeux.

- Louise ! la rappela, Anna.

Elle appuya sa main sur le rebord de la table et se leva fébrilement de sa chaise, mais Thomas vint immédiatement la soutenir.

- Ne t'en fais pas pour elle. Je crois qu'elle a besoin de pleurer.

Ces paroles adoucirent l'atmosphère et Anna passa son bras autour du sien pour faire quelques pas dans la pièce.

- Je ne devrais pas prendre la place de ton mari, sourit-il. C'est lui qui viendra tout à l'heure te faire marcher.

- Justement, ça me fait peur !

- Peur ? Pourquoi ?

- Parce que nous allons être proches.

Thomas éclata de rire et déposa un baiser sur son front.

- Moi je crois qu'il aura plus peur que toi.

Plus tard, dans l'après-midi, Anna vit la porte de sa chambre s'ouvrir et Georges apparaitre à l'entrée. Son cœur bondit dans sa poitrine et ses battements accélérés bourdonnèrent dans ses oreilles.

« Monsieur de Monseuil l'aime », avait dit son frère plus tôt. Ses poumons se bloquèrent puis se soulevèrent dans une grande inspiration. Pauvre corps, elle devait encore le faire souffrir.

« Et toi ? » se demanda-t-elle en le regardant prendre une place sur son lit.

Il plongea son regard dans le sien. Un regard plein d'amour et de regret.

Son cœur s'ouvrit et se brula de l'intérieur.

« Oui, je l'aime. » se dit elle intérieurement.

- Est-ce que tu ne manques de rien ? demanda-t-il d'une voix douce. Ta famille compte rester jusqu'à la fin de l'hiver.

- Oh, ils poseraient même définitivement leurs valises si je ne leur disais rien, pouffa-t-elle.

Elle le fit rire, mais il baissa les yeux par pudeur. Lorsqu'il les releva, il détailla le moindre trait de son visage comme pour toujours le rêver et l'animer dans son esprit.

Ils ne parleraient pas du fait qu'il n'était pas apprécié de sa famille. Georges se punissait en silence, et sa seule récompense, son seul moment de bonheur, était sous ses yeux.

Anna sortit des draps pour éviter d'être mal à l'aise plus longtemps. Georges s'était bien apprêté pour la voir. Il avait les mains moites lorsqu'il les mit dans les siennes, et ses pensées confuses guidaient ses pas dans la mauvaise direction. Elle faillit perdre l'équilibre.

- Excuse-moi, c'est de ma faute, dit-il aussitôt.

Ils se regardèrent silencieusement. Georges semblait perdu, paralysé par son erreur.

- Non, tout n'est pas de ta faute, soupira-t-elle.

Il se raidit.

Anna se plaça en face de lui.

- Et si nous dansions ? Je préférais danser plutôt que de marcher.

Elle le désarçonna. Puis, elle comprit qu'il obéirait à toutes ses volontés. La culpabilité le faisait fléchir, il tremblait à présent qu'elle le rejette. Avait-elle envie de vivre avec ce sentiment entre eux ?

Il plaça une main sur ses reins, et son regard fuit le sien au moment où elle posa ses doigts sur son épaule.

- C'est beaucoup trop, se ravisa-t-elle. Je ne veux pas te demander ça.

- Si, bien sûr, nous pouvons danser si tu aimes, répondit-il sans comprendre.

- Je ne veux pas te forcer à faire des choses que tu n'as pas envie, seulement parce que tu es rongé par la culpabilité.

Georges la tenait toujours, et quelque chose dans ses yeux s'affola.

- Revenons à la marche, trancha-t-elle d'une voix implacable.

- Oui, concéda-t-il.

Il se défit d'elle et lui tendit la main. Elle resta immobile, la bouche à demi ouverte, choquée par le ton méprisant qu'elle avait pris et avec quelle docilité, il s'en était accommodé.

- Tu... tu deviens pareil avec moi qu'avec ton frère, réalisa-t-elle en sentant des larmes couler sur ses joues.

- Comment ? Non, Anna, ne pleure pas. Je t'en supplie ! Dis-moi, qu'est-ce que j'ai fait ?

- À cause de ta culpabilité, tu as tout accepté de ton frère. Tout. Le blâme, le mépris, le fait même qu'il ne puisse plus jamais t'aimer. Et l'histoire se répète. Tu endureras notre relation pour racheter tes fautes. Je pourrais même devenir une personne horrible que tu me laisseras toujours en paix !

- Pardonne-moi, je ne voulais pas te faire du mal.

- Pardonne-moi, pardonne-moi ! Tu n'as que ces mots-là à la bouche ! Tu l'as mon pardon ! Le voilà, prends-le !

Elle reprit sa respiration. Elle avait besoin de hurler sa douleur, de la faire sortir d'elle comme on retire un bout de verre enfoncé profondément dans la chair.

- Ce n'est pas ça l'amour ! hurla-t-elle.

Anna éclata en sanglots. Georges s'approcha d'elle pour la prendre dans ses bras, mais elle le repoussa d'un revers de la main.

- Va-t'en !

Le soir qui suivit, elle eut du mal à s'endormir. Au milieu de la nuit, elle se tourna sur un côté puis de l'autre, mais elle ne trouva aucune position confortable, car ses nerfs étaient toujours agités. Ses yeux s'ouvrirent dans le noir. Il était là, assis près d'elle. Sa main lui caressa doucement l'épaule. Il ne disait rien.

Anna serra fort la mâchoire pour retenir son envie soudaine de pleurer, malgré tout, les larmes coulèrent sur ses joues, ses lèvres et tombèrent de son menton. Elle remonta légèrement son drap à son nez.

Georges resta silencieux. Il passa ses doigts sur ses mèches imbibées de larmes et les coiffa derrière son oreille. Il touchait à sa peine pour la voir disparaitre, il pénétrait là où ça meurt et bordait son cœur pour effacer ses épines de souffrances.

L'atmosphère était sereine. Un moment où la délicatesse de l'amour donnait ses soins et pansait les blessures. Un moment qu'ils vivaient ensemble de force et de faiblesse.

Petit à petit, Anna retrouva une respiration plus profonde et cessa de pleurer. Georges continua tendrement ses caresses, puis elle finit par s'endormir.

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