Chapitre 7

PDV Sakura

J'avais huit ans. C'était un an avant que je n'intègre Fairy Tail. Je n'ai pas toujours été si froide, si insensible aux autres. Avant Nagisa, il y avait eu quelqu'un d'autre qui m'avait appris à aimer, à sourire. Quelqu'un qui m'apportait la chaleur humaine dont j'avais toujours eu besoin. Après l'école, on se donnait rendez-vous aux balançoires du parc de Kunugigaoka. Enfin, moi après mes cours et ma mission d'assassinat du jour. Aucun de nous ne manquait ce rendez-vous.

"Hé, Gakuya-kun !"

Le garçon aux cheveux roux et aux yeux violets releva la tête et me sourit.

"Sakura-chan !"

Il se leva et me serra dans ses bras. Je lui rendis timidement son étreinte. Sa chaleur me faisait du bien, mais j'avais du mal à la lui rendre. Même après huit mois en sa compagnie, c'était encore nouveau pour moi. Mais c'était terriblement addictif, comme quand on buvait du sirop dilué dans de l'eau : plus on en boit et plus on a soif.

On se raconta notre journée à l'école. Comme à chaque fois, je déformais la réalité pour qu'il ne devine pas que j'étais une assassin. A ses côtés, j'avais l'impression d'être normale. Cela me donnait un aperçu de ce que j'aurais eu si mes parents ne m'avaient pas abandonné et de ce que je pourrais avoir si je les tuais, eux et mon frère. Si je les tuais, je n'aurais plus aucun but et peut-être pourrais-je commencer une vie normale. C'était ce que je me disais à l'époque.

Gakuya-kun me souriait tout le temps, il s'intéressait à ma passion, le dessin, et me parlait de ce qu'il apprenait en arts plastiques, à l'école, parce que, officiellement, on faisait très peu de cours avec ma classe du fait de notre retard sur le programme. 

On parlait de tout et de rien, pendant des heures. On ne rentrait qu'au coucher du soleil chez nous. Souvent, je faisais son portrait pendant qu'on parlait. Il arrivait à me faire sourire, à me faire rire. A me faire sentir normal, dans un sens. Il était ma bulle de joie et de bonheur dans mon quotidien de sang et de poudre de balles. 

On se comprenait, il savait beaucoup de choses, comme moi. On pouvait passer pas mal de temps à débattre sur des sujets diverses, des sujets à la portée d'enfants évidemment, comme des films, des séries ou des dessins animés. Même si j'en voyais très peu, depuis que je le connaissais, j'avais préféré en regarder sur mon téléphone plutôt que de lire des livres sur l'art de l'assassinat.

Mais un jour, tout a basculé. Il avait terminé l'école plus tôt, et je devais assassiner quelqu'un près du parc où on avait toujours rendez-vous. Il n'y avait pas de caméra qui donnait sur l'endroit où j'avais tué ce policier véreux, mais en allant au parc, il m'avait vu. Il m'avait reconnu à la couleur si caractéristique de mes yeux et de mes cheveux. Je m'en étais rendue compte trop tard, et le sang qui avait éclaboussé mes vêtements ainsi que les couteaux tâchés de sang que je tenais dans mes mains gantées ne me permettaient pas de nier l'évidence. Pourtant, je me souvenais avoir été prudente. A cette heure-ci, cette ruelle en face du parc était vide. 

A ce moment-là, j'avais vu tout le dégoût et toute la haine du monde dans les yeux violets de mon ami. Il était choqué, mais ne pouvait se mentir à lui-même. Le fait qu'il portait ce regard haineux, dégoûté, sur moi m'avait brisé. A cet instant précis, je savais qu'on ne pourrait jamais plus être amis. Et si on ne pouvait pas l'être, je n'avais qu'une seule chose à faire.

Je devais le tuer.

Et c'est ce que j'avais fait. J'avais récupéré l'arme du policier que j'avais assassiné et je l'avais pointé sans hésiter une seule seconde sur lui. Enfin si, j'avais hésité un instant, mais les ordres de Maître Lovro étaient clairs : "si quelqu'un découvre ton identité et refuse de t'approcher, tue-le. Sinon, il pourrait très bien aller te dénoncer aux autorités.".

Alors j'avais tiré. Une balle, droit sur son coeur. J'avais ensuite reposé l'arme à sa place avant de partir. Les autorités croiraient qu'il avait été là au mauvais endroit au mauvais moment, et que le flic véreux s'était fait prendre à son propre jeu. 

Je me souviendrai toute ma vie des dernières paroles de la seule personne que j'avais aimé. "Tu es un monstre, une abomination !". Le ton cinglant du roux résonnait depuis ce jour-là dans mon âme. 

Voilà ce que j'étais. Un monstre. Une abomination. Une abomination qui ne méritait pas d'être aimée et qui était vouée à descendre tout ceux qui devenaient trop proches d'elle. J'étais destinée à ne pouvoir avoir la vie normale que je convoitais.

Ce soir-là, quand je m'étais regardée dans le miroir, c'est ce que je m'étais dit. J'avais beaucoup pleuré et mon début d'humanité s'était refroidi aussi vite que la balle qui avait tué mon seul ami. Je m'étais alors jurée de ne plus jamais me livrer à cette futile activité humaine qui était de se faire des amis, de ne plus aimer quelqu'un. Aimer, c'était être faible et se faire des amis, c'était risquer de devoir les tuer s'ils découvraient notre identité. Se faire des amis, c'était souffrir. C'était pire que la mort.

C'était devenu ma certitude. J'étais une assassin, la meilleure de surcroît. Je n'avais pas besoin d'amis, je n'avais besoin de personne pour m'aimer. Après tout, si même mes parents, qui étaient censés m'aimer, m'avaient abandonné, qui d'autre pourrait m'aimer ? Personne. 

Puis, avec ma bande de Fairy Tail, j'avais appris ce que c'était la fraternité, de se battre pour quelqu'un d'autre que soi-même, de faire partie d'une famille en quelque sorte. Mais nous étions tous des assassins, et c'était uniquement ça qui nous liait. L'assassinat, le meurtre. Cela n'était pas et cela ne serait jamais pareil qu'avec Gakuya-kun, même avec Nagisa. Le bleu était comme un frère, mais le roux avait été mon meilleur ami, celui à qui j'avais tout dit, y compris que mes vrais parents m'avaient abandonné, et que j'avais gardé mon nom de famille pour ne pas oublier. Il savait qui était ma véritable famille, que j'avais soi-disant découvert en fouillant dans mes dossiers d'adoption. D'accord, il avait eu une version édulcorée de la réalité, mais il avait tout su. Nagisa, lui, ne savait rien de tout cela. Il ne savait même pas à quoi je ressemblais sans ma perruque et mes lentilles. En fait, dans l'organisation, seuls le Maître et la Stratège des Fées étaient au courant de toute l'histoire. 

Comme avait dit mon seul ami, j'étais un monstre, une abomination. Mais, parmi d'autres monstres, j'avais pu trouver ma place. Sauf que je n'avais jamais oublié ce qu'il s'était passé.

Je me relevai brusquement, haletante et perdue. Je regardai rapidement autour de moi avant d'inspirer profondément. J'étais juste sur le canapé, dans le salon de notre appartement à Nagisa et moi. Ce n'était qu'un cauchemar. Un simple cauchemar.

"Ou plutôt, un mauvais souvenir.", murmurai-je d'une voix enrouée.

J'essuyai les quelques larmes qui coulaient doucement sur mes joues. Pourquoi je repensais à cet événement tout d'un coup ?

Je récupérai mon carnet à dessins qui était tombé par terre. Je remarquai alors quelque chose sur mon dernier dessin et regardai les précédents. Je remarquai la même chose. Inconsciemment, ces derniers temps, j'avais intégré à mes dessins des détails qui rappelait un certain délégué aux cheveux bruns : la coupe de cheveux d'un personnage inventé de toute pièce, la couleur ambre de ses yeux et brune de ses cheveux sur le pop-art de la Scribe, la forme de ses yeux aussi, sur d'autres portraits de gens fictifs. Plein de minuscules détails qui me sautaient aux yeux à présent.

Qu'est-ce-que cela voulait dire ? Que c'était pour ça que la mort de Gakuya-kun revenait me hanter dans mon sommeil ? Que je me rapprochais de ce délégué à la noix ?

Pensive, je regardai par la fenêtre qui laissait apercevoir le ciel étoilé. Pourquoi Isogai-kun continuait-il à m'approcher, alors que mon meilleur ami a été dégoûté en comprenant que j'étais une assassin ? Le brun, comme le roux, m'avait vu tué des gens. Pourquoi serait-ce différent cette fois-ci ?

"Argh, mais reprends-toi !"

Je me donnai de petites claques sur les joues pour remettre mes idées en place et me concentrai sur l'assassinat du poulpe. Notre tentative avait échoué. Pourtant, on était bien partis. 

On lui avait coupé cinq tentacules Nagisa et moi, puis j'avais fait en sorte d'embrouiller et de distraire le poulpe pour permettre au bleu de déclencher les mitrailleuses automatiques de balles anti-sensei. Ensuite, on devait se mettre dans des arbres, Nagisa derrière lui et moi devant, et vidai nos cartouches de balles anti-sensei. J'avais programmé les mitrailleuses sur la vitesse maximale, de sorte que même Nagisa et moi ne pouvions les voir à l'oeil nu. Mais pourtant, elles n'avaient pas été assez rapides et il avait pu anticiper nos tirs dans les arbres. 

On allait donc devoir mettre à exécution le plan de Nagisa.

PDV Nagisa

Les jours passaient, tous plus intéressants les uns que les autres. De toute manière, la présence seule de Karma-kun justifiait le fait d'aller en classe.

Plus je passais du temps avec le rouge, et plus je me rendais compte que je l'aimais plus qu'en ami. Heureusement que j'arrivais à le cacher, j'étais bon acteur. Je ne devais pas mélanger la mission et mes sentiments. Je n'étais ami avec Karma-kun que parce que Sakura voulait le descendre. Je n'arrivais toujours pas à me faire à cette idée.

Il y avait tellement de choses qu'elle pourrait utiliser pour le faire souffrir, mais je ne disais rien. Je ne lui disais rien parce que je ne voulais pas que mon sadique ne souffre. Le fait même qu'elle sache qu'ils ont plus ou moins le même caractère, c'était la porte ouverte à toutes les tentatives. 

Si un jour, on m'avait dit que je tomberais amoureux d'une de mes cibles, j'aurais rit. Cela me semblait impossible, tout comme le fait que je sois gay m'était improbable avant que je ne m'en rende compte. 

Mais cette fois-ci, je ne pouvais pas en parler à Sakura. Pas alors que tuer Karma-kun était son but dans la vie. J'avais accompli le mien en descendant toute ma famille, mais ce but était tout ce qu'il restait à ma soeur de coeur. C'était la chose qu'elle avait toujours voulu, ce pourquoi elle avait commencé à tuer. Son but était la racine même de son talent d'assassin. Si elle ne le descendait pas, c'était comme si son parcours d'assassin n'avait servi à rien. Toute sa vie s'effondrerait si elle ne le tuait pas.

Mais si elle le tuait, c'était moi qui m'effondrerait. Et c'était mon erreur. En tant qu'assassin, je ne devais m'attacher à personne, encore moins alors que je sais que cette personne va être assassinée. Mon erreur a été de devenir le meilleur ami de Karma-kun, puis de développer des sentiments amoureux pour lui.

Je me levai doucement du lit et posai ma main contre la surface froide de la fenêtre après avoir écarté les rideaux opaques qui cachaient la vue du ciel étoilé. J'allai devoir faire un choix, je n'allais pas pouvoir jouer sur deux tableaux encore longtemps. Même si c'était un choix impossible à faire, j'allais devoir le faire. J'allais devoir choisir entre celle qui a toujours été là pour moi et celui que j'aimais.

La première chose que Sakura avait fait pour moi, c'était de tuer mes parents, de les faire souffrir comme ils m'avaient fait souffrir. Je lui en serai éternellement reconnaissant pour ça. Puis, ensuite, elle m'avait tout appris. Elle m'avait pris sous son aile, elle m'avait aidé à devenir cet assassin que je suis aujourd'hui sans que je n'ai à vraiment changer ma personnalité. L'innocence que j'avais auparavant, j'arrivais désormais à la simuler pour tromper les autres. Paradoxalement, elle était toujours là, quand j'étais avec mes amis de la classe E. 

Karma-kun, lui, représentait la partie normale de ma personnalité. Il avait été le meilleur ami que je n'avais jamais eu, et cela m'avait touché qu'il me défende sans arrêt en quatrième, quand on se moquait de mon apparence androgyne. Il croyait que cela me faisait du mal, alors il me défendait. Je n'en avais pas besoin, j'étais capable de me défendre tout seul mais cela m'avait touché quand même. Sauf que ça, je ne l'ai jamais dit à Sakura. Je lui déformai la vérité, pour qu'elle ne comprenne pas que j'étais vraiment proche Karma-kun, et pas parce que sa vengeance l'exigeait.

Comment choisir entre deux personnes aussi importantes pour moi ?

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