Chapitre 11

PDV Sakura/Asuna

Cela faisait deux mois maintenant, que j'étais enfermée dans le manoir du Maître. Je commençais vraiment à me sentir mieux, et le brun n'y était pas étranger. Il avait eu mille occasions de me laisser tomber. Mais il ne l'a jamais fait. Mieux : Erza m'avait dit qu'il avait tout fait pour convaincre Wendy de ne pas me tuer après ma dernière crise. Et tout ça, ça me faisait vraiment du bien.

Je regardai du coin de l'oeil Isogai. Il était installé sur un des trois bureaux et assistait aux cours de Koro-sensei, les écouteurs branchés. Maintenant que j'allais mieux, il pouvait suivre les cours en direct mais dès que l'heure de la pause sonnait, il venait discuter avec moi. 

Je me reconcentrai sur mon dessin et y mis la touche finale. Après avoir croqué encore et encore les événements qui s'étaient passés, j'étais passée à autre chose. Isogai avait raison : cela ne servait à rien de s'apitoyer sur le passé. Si je voulais aller mieux, je devais aller de l'avant et c'était ce que je m'efforçais de faire. Le soutien indéfectible du brun mais aussi de Natsu, Grey, Erza et même Lucy, que je n'avais pas beaucoup côtoyé avant, m'y aidait. Mes amis étaient là pour moi, et ils l'avaient toujours été. Je ne m'en étais pas rendue compte jusqu'à présent, mais j'étais bien entourée : tous les membres de l'organisation seraient à mourir pour me protéger, comme j'étais prête à le faire pour eux. C'était ça, une famille ?

Une fois la coloration de mon dessin terminé, je tournai les pages pour remonter vers des dessins plus anciens. Ces derniers temps, les portraits du brun s'accumulaient, tous représentant une des mille et quelques expressions que j'avais pu voir sur son visage et enregistré dans ma mémoire. Si, avant, ce n'était que des détails qui pouvaient rappeler Isogai, maintenant, mon carnet à dessin était noirci de portraits plus ou moins grands du brun.

Je mordillai distraitement mon crayon, pensive. Isogai me faisait du bien, il arrivait à faire en sorte que je me pardonne, que je fasse la paix avec moi-même et que je ne me considère plus comme un monstre qui dégoûtait les gens. Avec lui, je me sentais encore mieux qu'avec Gakuya. C'était bizarre mais terriblement addictif. Il me faisait ressentir plein de choses, plein de choses que je voulais continuer à ressentir. C'était comme si tout mon corps avait repris vie ces dernières semaines, comme si je sortais d'un sommeil éternel. Je voulais continuer à sourire, à rire, même à rougir bien que je ne sache pas comment Isogai arrivait à le faire. Je voulais continuer à vivre, à sentir.

Je n'en étais pas sûre, mais peut-être que c'était ça mon but : devenir normale, et le rester. Quand j'étais enfant, c'était ce que je cherchais en voulant me venger. Mon but était simple : je voulais vivre. Je ne voulais plus tuer sans savoir ce qu'il y avait d'autre dans la vie. Peut-être qu'un jour, je recommencerai à tuer, mais pour des raisons différentes. En attendant, je ne voulais plus toucher à une seule arme. Le souvenir cuisant de moi pointant un couteau sur celui que Nagisa aimait me donner envie de vomir.

Deux mois sans le voir... cela commençait à faire beaucoup d'ailleurs. Je me demande comment il va... s'était-il déclaré à celui qui me servait de frère ou ne savait-il pas non plus ce que cela faisait d'être amoureux ? 

Et en parlant de lui, me détestait-il maintenant qu'il savait que sa propre soeur qu'il ne connaissait pas voulait le tuer ? Et, est-ce-que, concrètement, je pouvais vraiment lui en vouloir pour quelque chose dont il n'était pas responsable ? C'était nos parents qui m'avaient abandonné, pas lui. Il n'y pouvait rien, et peut-être que s'il avait connu mon existence, il aurait essayé de me retrouver.

Je soupirai en enroulant une mèche rouge autour de mon doigt. Je n'aurais jamais dû retirer mes lentilles et ma perruque. Ils constituaient un bouclier qui me protégeait des autres, des sentiments. De la faiblesse. Aujourd'hui, j'avais peur d'un jour ne plus pouvoir ressentir tout ce que je ressentais en ce moment, comme lorsque j'avais huit ans. Sans ma perruque et mes lentilles, j'étais mentalement sans défense.

"A quoi tu penses ?"

Je me tournai la tête et vis Isogai, assis sur mon lit et face à moi. Il devait sûrement être en pause.

"Au fait que je me sentais sans défense sans mes lentilles et ma perruque...

- Tu sais, moi je te préfère comme ça. J'aime mieux lire ce que tu ressens dans tes yeux plutôt que de jouer aux devinettes."

Il ponctua sa phrase d'un clin d'oeil, me faisant légèrement rire. Mon coeur, lui, fit un looping qui fit pétiller le sang dans mes veines. C'était grisant, cette sensation.

"Je me demandais, si ton Maître accepte, tu aimerais revenir en classe ? Erza m'a dit que votre Maître avait accepté que Nagisa reste au moins jusqu'à la fin de l'année dans notre classe, au vu des progrès scolaires qu'il avait déjà fait. Mais toi, cela te plairait ?

- Moi ? Revenir en classe ? Mais les élèves ne m'ont jamais apprécié et ils ont commencé à insister pour me parler quand ils ont vu que j'étais douée en dessin. Je suis certaine qu'ils veulent quelque chose de précis.

- Alors, règle numéro une pour se faire des amis : ne pas porter de jugement avant de connaître les gens. J'avais demandé à Koro-sensei d'organiser ce concours uniquement pour que les élèves puissent voir que, même si tu étais distante et froide, tu avais une certaine forme de sensibilité et qu'on la voyait dans tes dessins. Ils voulaient apprendre à te connaître en parlant de dessin avec toi, comme je l'ai fait. Et permets-moi de dire qu'ils t'apprécient un minimum, vu comment ils s'inquiètent pour toi. Ils me demandent souvent de tes nouvelles, pas simplement Nagisa. Même Karma-kun me demande de tes nouvelles, je pense qu'il doit se sentir un peu coupable."

Je réfléchis quelques secondes avant de hocher la tête. De toute manière, si je n'allais pas en cours, j'allais faire quoi ? Rester enfermée dans ce manoir à dessiner toute la journée ? J'adorais dessiner mais très peu pour moi.

"Et... dis-le moi si ce ne sont pas de mes affaires mais... je pense que tu devrais discuter avec Nagisa et ton frère. Ils ont besoin de comprendre eux aussi. Et puis, tu as parfaitement le droit d'en vouloir à vos parents, mais ton frère n'a rien fait. Il ne savait même pas qu'il avait une soeur. 

- C'est ce que je me disais aussi, en fait. Pas que je devrais leur parler mais que je n'avais pas le droit d'en vouloir à Karma. Mais j'ai honte de ce que j'ai fait, je ne pourrais jamais les regarder en face.

- C'est aussi ce que tu m'as dit au début, entre deux crises. Et pourtant, tu me regardes dans les yeux maintenant.

- Ah bon ? Je t'ai dit ça ? Je... je m'en souviens pas.

- C'est normal, tu n'allais pas très bien mentalement. Peut-être que les choses s'arrangeront. Tu n'aimerais pas être proche de ton frère, comme tu l'es de Nagisa ?

- Probablement." 

Il me sourit et je le lui rendis. Je me levai, lissai mon jean et me rendis dans le couloir. J'aperçus alors Loki.

"Ah Loki, tu sais où est le Maître ?

- Il est au QG, comme tous les jours. Pourquoi ?

- Je devais lui parler...

- Je lui dirais que tu veux lui parler. Virgo viendra te prévenir quand il sera de retour.

- Super, merci !"

Il hocha la tête et je retournai dans la chambre. Je discutai avec Isogai jusqu'à ce qu'il doive retourner en classe. Il déposa alors un baiser sur mon front, ce qui me fit rougir, avant de retourner à son ordinateur.

En fin de journée, après les cours d'Isogai, Virgo vint me chercher.

"Déesse, le Maître est rentré. Il t'attend dans le grand salon.

- Super, merci. Tu viens Isogai ?"

Il hocha la tête et Virgo ouvrit la marche jusqu'au grand salon. Elle nous laissa ensuite seuls avec le Maître.

"Tu souhaitais me parler, Déesse de la Mort ? me demanda le Maître une fois qu'on fut installés sur le canapé face à lui.

- Oui. Avec votre permission, j'aimerais retourner en classe et terminer l'année avec Nagisa.

- Cela dépend de ton état. Mais pourquoi y retourner ? Tu as déjà obtenu tous les examens jusqu'au niveau bac+5."

Je ne sus quoi répondre. Il n'avait pas tout à fait tord. Pourquoi y retournerais-je, vu mon niveau ? Pour dormir en classe ? Pour éviter de rester enfermer dans ce manoir ?

Heureusement, Isogai vint à ma rescousse.

"Je pense que celui lui sera bénéfique pour tisser des liens à l'avenir. Et si elle souhaite continuer dans l'assassinat, cela ne pourra que lui être utile. En sachant comment elle agit face à certains événements, elle sera capable d'ajuster son jeu d'actrice pour mieux tromper les autres. 

- Tu peux dire la vérité Isogai. Tu penses que cela lui sera bénéfique pour mieux s'intégrer à la population, c'est ça ?"

Le brun rougit légèrement de gêne. Je souris un peu. Il était mignon comme ça.

"Hum... oui, c'est ça.

- Je trouve effectivement que c'est une bonne idée. Mais cette classe est une classe d'assassins amateurs. Te sens-tu prête à redevenir une assassin, pour au moins tuer leur cible ?"

Je me mordis la lèvre inférieure. Je n'avais pas réfléchi à cette conséquence. Je ne voulais plus toucher à une arme pour le moment, mais les armes anti-sensei étaient-elles vraiment des armes ?

"Tu n'y es pas obligée. Si tu nous aides avec ton expérience d'assassin, tu n'auras pas à prendre les armes. Tu les prendras que quand tu te sentiras prête, me rassura Isogai.

- Tu as une solution à chaque problème à ce que je vois, jeune homme.", sourit légèrement le Maître. "Bien, tu as mon autorisation, mais seulement si le trio Céleste estime que tu es en état d'y retourner. Je veux aussi qu'un des Assassins du Zodiaque vienne en classe avec toi pour te surveiller quelques temps, au cas où les choses dégénéreront. Lorsque j'estimerai que tu es vraiment complètement sur pied, il ne viendra plus.

- D'accord, ça me va. 

- Bien."

Il tapota quelque chose sur son téléphone et Virgo entra dans la pièce. L'assassin de dix-huit ans, aux cheveux roses courts et aux yeux bleus, lui demanda ce qu'elle pouvait faire pour lui.

"Conduits la Déesse de la Mort au QG s'il te plaît, pour que le trio Céleste l'examine. Isogai leur dira pourquoi.

- Tout de suite Maître. Cela tombe bien, je devais aller récupérer quelques bricoles à mon labo. Venez, allons-y."

Elle arrangea sa barrette avec le symbole de la Vierge et on quitta la pièce. Virgo nous conduit jusqu'à sa voiture. On grimpa et on fut rapidement en route vers le QG. 

Presque une heure après, l'assassin de la Vierge se gara devant le bar de Mira, un endroit que je n'avais pas vu depuis des lustres !

On passa par la porte à l'arrière du bâtiment pour rejoindre le QG. Virgo se rendit à son labo pendant qu'Isogai et moi allâmes à l'infirmerie. On leur expliqua la raison de notre venue et le trio Céleste me fit m'allonger sur un des lits pour m'ausculter, tout en posant des dizaines de questions au brun, pour savoir si j'étais encore trop proche de la folie.

"Eh bien, tu as fait des miracles Isogai. Sakura, tu es encore un peu fragile mentalement, mais je pense que tu y remédieras assez rapidement, au milieu des gens normaux, nous sourit Wendy.

- Tu peux retourner en classe selon les conditions du Maître. Au moindre problème, tu viens ici.", dit Polyussica, approuvée par Grandiné (je n'ai jamais su leurs vrais noms à ces deux-là).

La port s'ouvrit et Jellal entra.

"Alors, notre grande assassin est revenue au bercail ?

- Coucou Jellal ! Oui, je suis revenue pour savoir si j'étais en état de retourner à l'école. Mais comment tu sais ?

- Erza m'a raconté.

- J'avais oublié que vous ne pouviez pas vous lâcher tous les deux.", soupirai-je faussement. "Tu vas être content, elle n'aura plus à me surveiller continuellement. Tu pourras retrouver ta chérie.

- Dès que le week-end sera passé, me rappela Isogai.

- Attends, on a oublié un détail : où est-ce-que je vais loger maintenant que je retourne en cours ?

- Euh, avec Nagisa ? Ou avec ton frère. Mais on verra ça quand tu leur auras parlé.

- D'accord, on ira leur parler demain alors. Il vaut mieux retirer le pansement d'un coup sec comme on dit."

Isogai hocha la tête. On discuta encore un peu avec Jellal et le trio Céleste avant de quitter lorsque Virgo vint nous chercher. On rentra donc au manoir Draer (le vrai prénom du Maître était Makarof Draer et celui de son petit-fils, Thunder, était Luxus Draer. Mais le Maître refusait qu'on l'appelle par son vrai prénom et seule l'unité Raijin pouvait le faire pour Thunder).

De retour dans notre chambre, Isogai organisa cette discussion avec Nagisa et mon frère, malgré mes protestations comme quoi il n'était pas obligé. Ce gars était vraiment dévoué envers sa classe et ses amis...

"Alors, on a rendez-vous au salon de thé où je travaille, à onze heures. C'est un terrain neutre.

- Tu devrais arrêter de travailler, tu vas avoir des ennuis à force.

- Mais je n'ai pas le choix. Ma...

- Oui je sais, ta famille est pauvre. Mais moi, j'ai de l'argent, beaucoup plus que ce dont j'ai besoin. Alors arrête de travailler et demande-moi quand tu as besoin d'argent, je te le donnerai, affirmai-je.

- Non, ce n'est pas la peine, je...

- Isogai, si tu n'acceptes pas que je t'aide, je ne viens pas à ce rendez-vous avec Nagisa et mon frère. C'est clair ?"

Il rit légèrement avant de hocher la tête.

"Très bien, j'abdique pour cette fois. Merci Sakura.

- C'est le moins que je puisse faire pour toi."

Il me sourit et je le lui rendis bien volontiers. Franchement, rencontrer Isogai, je pense que cela a été la meilleure chose qui pouvait m'arriver.

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