Partie 4.2 - Par Juliabakura
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Suite à cela, l'équipe reprit la route vers l'extérieur de la ville. Ils avaient réussi, malgré quelques rencontres pesantes, à traverser cette grande capitale.
— Par contre c'est foireux, grogna Balthazar en avançant. Mon père a mentionné que les routes seront moins praticables à cause de la pluie et je me doutais qu'il allait tenter un truc comme ça. Est-ce que Vendis, ou quelqu'un d'autre, connaît un chemin alternatif pour nous mener jusqu'à la Sorcière Rouge ? Peut-être une prairie, et non pas une forêt remplie d'araignées ?
— Si la route principale est impraticable, il va falloir couper par la forêt, murmura Vendis.
— Putain, c'est la merde, maugréa le mage, se rappelant de douloureux souvenirs de longs jours de voyage sous cette foutue pluie. J'en ai marre de la forêt.
— Si un jour, on se retrouve dans une mission où il n'y a que des inquisiteurs, B.O.B, je les laisse te tuer, râla Théo toujours vexé de ne pas avoir mis à mal Enoch. Comme ça on n'aura enfin plus à t'entendre te plaindre.
— Cette fraternité dans ce groupe, sourit Grunlek en arrière.
— Tu ne pouvais pas l'emporter de toute manière, se moqua le mage. Mon père est presque immortel, rentre-toi ça dans le crâne. C'est mort. Donc, on plie l'échine, on ferme la gueule et on avance.
— Oh, mais on reviendra dans quelques mois, quand on sera plus fort, voilà... surenchérit Théo.
— Peut-être plus dans quelques années, corrigea Grunlek.
Ils empruntèrent la route et les heures qui suivirent, les jours qui suivirent, leur parurent presque des semaines tant le chemin était embourbé.
Ils arrivèrent bientôt dans une partie de la forêt plutôt inattendue : un endroit presque marécageux dont les pluies diluviennes constantes redoublaient parfois de violence. Le paysage était désolé, couvert de ruines d'anciennes habitations.
Dresser un camp releva de la gageure. Ils ne pouvaient alimenter un feu qu'uniquement par la magie de Balthazar. Shin parvint à créer une espèce de dôme pour les protéger de la pluie, ce qui leur permit au moins de récupérer pendant la nuit. Théo se chargea lui des soins, et en particulier de ceux de la jambe de Shin, qui peinait à cicatriser avec le temps capricieux.
Alors qu'ils repartaient pour une nouvelle journée de voyage, Balthazar n'échappa pas longtemps à de nouvelles interrogations sur son paternel. Cette rencontre imprévue laisserait des traces, il en était persuadé, mais il ne pouvait plus exactement se défiler désormais.
— Cela faisait combien de temps que tu ne l'avais pas vu ? demanda Grunlek.
— Une dizaine d'années.
— Tu l'aime bien ton père ?
Balthazar leva les yeux au ciel en soupirant.
— C'est mitigé. D'un côté, je sais que c'est un démon, et que de l'aimer ça serait contre-productif, parce qu'il n'est que tromperie, abus et dominance de pouvoir égoïste et utilisant ton hubris. De l'autre côté, il n'a pas fait tant de mal à ma mère que ça et je suis né. Et j'ai ses capacités formidables et je suis mage. Et j'ai été éduqué, j'ai appris. Je voulais être forgeron, alors qu'avec ma faible carrure j'aurai chié toute ma vie. Mais j'ai pu être amené à l'Académie alors que je ne savais même pas qu'elle existait, et finalement faire quelque chose de moi-même. Et puis, ça m'a amené à vos aventures avec vous aussi. Quelque part...
— Tu as toujours été avec lui ? Il a toujours été présent ? questionna Shin.
— Ah non, non, non. Ma mère s'est cuitée. Elle faisait partie d'un petit sabbat à l'époque parce qu'elle était jeune, elle ne savait pas ce qu'elle foutait. Elle s'est cuitée. Ils ont vécu deux semaines sous la pleine lune, elle s'est faite défoncée et est tombée enceinte. Et puis il s'est barré. Parce qu'évidemment, lorsqu'il a compris qu'il allait avoir des responsabilités... Tu sais comment les démons sont. Il est parti avec sa sœur.
Grunlek ricana légèrement, alors que Shin leva un sourcil circonspect
.
— Non, mais voilà quoi, enchérit B.O.B gêné. C'est la vie !
— Tu reproduis ce schéma d'ailleurs, le nargua le demi-élémentaire.
— Ah écoute ! Derrière, ma mère a rencontré le boulanger. Ça s'est bien passé. Il m'a accepté dans la famille. Techniquement c'est mon père dans ma tête. Mais lui, c'est quand même mon père biologique, et disons que ce n'est pas quelqu'un que je peux copieusement ignorer ou incendier sur place.
Pendant ce temps, Théo continuait d'avancer sans émettre le moindre commentaire. Grunlek remarqua que les environs lui inspiraient quelque chose. L'inquisiteur était nerveux. Il entendait entre les feuillages et la pluie des mouvements de part et d'autre du sentier. Peut-être qu'à travers cette forêt, ils n'étaient pas tous seuls. Théo espérait qu'il ne s'agisse pas encore d'une araignée. Il se positionna de manière défensive, épée à la main et avança de manière prudente. Il était sûr et certain que c'était une mauvaise idée de traverser par la forêt. Ce n'était pas comme s'ils avaient eu le choix de toute manière.
— Papounet a décidé de faire chier, il a décidé de faire chier, maugréa Balthazar pour lui-même, qui n'avait rien remarqué. Je ne sais pas pourquoi, mais il le fait, c'est tout. Et puis, va deviner ce qu'il pense. C'est un démon basé sur la tromperie, mec. Bonne chance.
Un silence pesa avant que le monologue du mage continue.
— Ça serait un démon qui serait comme Théo, on saurait comment réagir. Il pense tout le temps en ligne droite.
— Je ne suis pas un démon moi. Je suis censé purifier la gueule des démons, reprit l'inquisiteur, consterné.
— Comment il nous a retrouvé au fait ? questionna Shin. Tu sais ou pas ?
— Oh, ça doit être moi. Soit c'est de ma faute, soit c'est le fils du Duc qu'il cherchait. Vu comment il a de l'intérêt pour Vendis, je pense en vérité que c'était une coïncidence. Il a dû me ressentir. Il a dû ressentir le duc. En fait, il a senti le Duc, il est venu, il m'a senti moi. Il a dû se dire : « tiens, c'est marrant, il y a mon fiston aussi, donc on va faire un saut. ». Par ailleurs, je pense que l'on a de la chance que j'étais là. Parce que si c'était des hommes qu'il ne connaissait pas, je pense qu'il n'aurait pas hésité une seule seconde à cramer toute la ville et à prendre ce qu'il voulait.
Un nouveau silence plana. Théo progressait toujours devant. A mesure qu'il avançait, il sentait que son cheval peinait horriblement à progresser. Le sol, l'épaisseur de la mousse et la boue qui se densifiait semblaient se colmater autour des pattes de son puissant destrier. Il craignait de bientôt se retrouver bloqué. Si Lumière s'embourbait, ils perdraient beaucoup de temps. Il n'était pas question qu'il laisse sa jument à son sort.
— Arrêtez-vous, ordonna Théo aux autres. Si mon cheval n'arrive pas à passer, vos poneys ce n'est même pas la peine.
— Fais chier, maugréa à nouveau Balthazar.
Il n'aimait pas ce genre de météo. Ils étaient tous trempés, ils n'avaient pas bien dormi. Leur moral était un peu en berne. Il savait que si Théo s'arrêtait, ça devait être pour une bonne raison, mais ça ne lui plaisait pas. Le paladin descendit de sa monture et remarqua des bruits dans les alentours.
— Elle fait chier cette pluie de merde ! explosa le mage. Tout fait chier ! La bouffe fait chier ! Les cheveux font chier ! Bon pas le fils du Duc, parce que c'est un ami, mais voilà.
Le reste de l'équipe s'amusa de la réplique du demi-diable. Étant citadin, il n'appréciait toujours pas ce genre de voyage. Il tenta d'allumer son bâton pour se réchauffer.
— Et puis, mon père me fait chier...
Théo recula son cheval, alors que Balthazar remarqua qu'il n'avait pas réussi à allumer son bâton. Il l'agita dans tous les sens, le visage de plus en plus rouge.
— Putain, ça fait chier ! Magie de merde !
En constatant la détresse de Balthazar, Théo se concentra pour faire briller un peu plus son armure, juste pour lui montrer qu'il avait un meilleur contrôle de sa magie que lui. Grunlek s'approcha de Théo pour essayer de voir si avec ses compétences de nyctalopie, il pourrait le guider dans la boue, même si l'inquisiteur lui fit signe de ne pas avancer davantage. Le cheval de Grunlek n'étant pas un destrier comme Lumière, si ce dernier s'embourbait, il y avait des chances qu'ils ne puissent pas le récupérer.
— Attends ! s'écria soudain Balthazar, calmé de sa colère. Je viens d'avoir une idée géniale ! Enfin... Si je peux ?
Grunlek et Théo, étonnés, le laissèrent s'exprimer.
— Shin, tu passes devant ! Est-ce que tu pourrais user de ta magie pour solidifier un peu l'air ?
— C'est ce que je voulais faire, répliqua le demi-élémentaire, ravi d'être sur la même longueur d'onde que le demi-diable.
Shin examina les environs afin d'essayer de comprendre comment il pourrait agir. Dans l'idéal, il souhaitait geler une petite zone, car il ne pourrait pas figer toute la forêt. En usant de toute sa magie et avec un peu de temps, Shin comprit qu'il pouvait ouvrir la marche.
— Utilise mon cheval, proposa B.O.B. Si tu y vas avec le tien, il risque de mourir. Alors que le mien, je pourrais le réinvoquer. Enfin, ça va le vexer, mais on s'en fout, c'est qu'un canasson magique.
Shin se concentra. La forêt des environs était dense et couverte de racines. Par conséquent, la terre aurait plus de difficultés à lui obéir. La présence importante de boue l'inquiétait également. À quel point était-elle épaisse ? Et s'ils s'enfonçaient parce qu'il ratait son sort ? Son enthousiasme retomba comme un soufflé trop cuit.
— Trouve un trajet intelligent et au milieu des arbres ! l'encouragea Balthazar.
— Sinon on peut juste contourner ? grogna Théo, que l'immobilité commençait à agacer.
— Non, ça sera pareil partout. La pluie dure depuis des jours. On devrait faire des tas de détours et on n'a pas les vivres pour ça.
En attendant que Shin fabrique un chemin praticable, Balthazar examina les environs, pour essayer de déterminer les types d'arbres, la flore, et surtout la faune susceptible de les prendre à revers. Après tout, dans ce genre de marécage, ils n'étaient pas à l'abri de rencontrer un fameux tigre à dent de sapin, une créature légendaire que Balthazar et Grunlek recherchaient. Ils recueillaient toutes les informations disponibles sur cet animal. Quand Shin l'avait griffonné, il lui avait donné une forme d'araignée, car c'était uniquement ce genre de créature immense qu'ils avaient affronté. Quel manque d'imagination !
Balthazar vit le gel commencer à durcir une partie du chemin. Il en oublia ses réflexions sur les chimères. Le demi-élémentaire, bien que concentré, peinait à propager son sort sur une distance plus longue.
— Désolé les gars, chouina Shin qui voyait que le chemin avancer très lentement. Je fais au mieux.
— Non, arrête, ça ressemble à une super attaque de Sub Zéro (ce fameux mage de glace d'une histoire qu'on raconte aux enfants pendant l'hiver), je suis fier de toi, applaudit Balthazar, patient.
Shin dégagea autour de lui, un froid inhabituel. Tout autour de lui sembla se rafraichir. De leur côté, les compagnons du demi-élémentaire virent la condensation suite à leur respiration blanchir. Shin prit une inspiration, les yeux fermés. Puis il les rouvrit, uniformément bleu. Il leur parut ne faire plus qu'un avec l'air. Il se vida littéralement de sa psyché. Une légère brume investit les marécages, et dévoila un chemin praticable à mesure qu'elle se dispersait.
— Je crois que j'ai jeté un froid, s'extasia Shin, fier de lui, une fois son œuvre terminée.
— Bon... Au lieu de s'enfoncer on va glisser, râla Théo, résigné à son sort depuis longtemps.
— Je préfère que les chevaux glissent et trébuchent, plutôt qu'ils s'enfoncent, remarqua B.O.B. d'une voix teintée de reproches. Ils trébuchent et ils se relèvent. Ils vont juste avancer très lentement. N'importe qui peut marcher sur la glace.
Théo se moqua du mage en se mettant à entonner une petite mélodie de valse, imaginant son cheval glisser à la manière d'un troubadour sur la glace.
— Au fait, Braise est fait de flamme, nota Grunlek, en pointant le cheval de feu du mage. Il ne va pas tout faire fondre ?
— Ne t'inquiète pas pour lui. Il faut savoir qu'il est fait de feu froid. Ça ne compte pas. Il a autant d'action sur le monde réel qu'un vrai cheval.
— Ça doit être magnifique dansant sur la glace, rêva Shin en continuant de geler le chemin.
— Oui, mais tu imagines ? S'il avait une interaction avec la glace, je serais très con. Je serais dans la flotte, embourbé et froid, grogna Balthazar en serrant sa robe plus près de son corps.
Shin ouvrit la voie, en restant à pied, sans son cheval, qui resta aux commandes du fils du duc au cas où quelque chose se passerait mal. D'un œil attentif, Balthazar veilla à ce que Vendis ne fasse pas demi-tour. Après tout, s'il s'enfuyait devant leur incompétence, le pyromage comprendrait.
Ils suivirent progressivement le chemin, pas à pas, en traversant le sentier entre des ruines étranges, dans lesquelles se dessinaient des silhouettes menaçantes. Tant qu'elles ne représentaient pas un danger immédiat, les aventuriers décidèrent de ne pas trop leur accorder d'attention. Toutefois, ils arrivèrent enfin au bout du marécage, avec soulagement.
— Toutes mes félicitations, encore, applaudit Balthazar, une fois de l'autre côté. Tu as de la chance toi, grommela-t-il. Tu fais de la magie et t'as les yeux qui deviennent tout bleus, et le paladin, il ne te menace même pas de te buter, ricana-t-il, faussement vexé.
— Bon, on avance ! ordonna Théo, sans réagir à la remarque de Balthazar, avant d'être suivi par ses compagnons, avant de se rendre compte, avec un temps de retard, de la pique du mage. Oui, mais lui, ce n'est pas un démon.
Balthazar se sentit frustré. Ses lèvres se pincèrent d'agacement.
— Mec, il fait exactement la même chose que moi quand il fait de la magie et parce qu'il brille en bleu, il est cool, c'est ça ?
— Bah oui. Mais toi, j't'aime pas, répondit simplement Théo en haussant les épaules.
— Paladin de merde... bougonna le pyromage sous les ricanements de ses coéquipiers. Forêt de merde, pluie de merde, cheval de merde...
— On ne les juge pas de la même façon, rajouta l'inquisiteur pour se rattraper, en réalisant qu'il avait peut-être été trop loin.
— C'est horrible ce que tu viens de dire, ricana Grunlek.
— C'est terrible, oui, maugréa Balthazar avant de se concentrer sur l'environnement autour de lui.
Alors qu'ils étaient en train de quitter cet endroit, le mage jeta un coup d'œil plus marqué sur les ruines qui les entouraient. Elles étaient vieilles et couvertes de symboles qu'il était sûr d'avoir déjà vu quelque part. Son regard s'illumina et, interloqué, il se tourna vers son ami nain.
— Grunlek ! Ce sont des ruines naines !
— Il me semblait bien que ça me disait quelque chose, répondit le nain, le visage plus sérieux. Mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus.
— Oui, bah essaie de mettre le doigt dessus. J'aimerais bien savoir pourquoi elles sont inhabitées... Et ce qui a peut-être pris leur place. Sans offense encore une fois.
— Ah mais oui, je sais très bien ce que c'est en fait, déclara Grunlek en s'approchant d'un des piliers couverts d'inscriptions.
— C'est ton père aussi ? demanda Shin qui avait écouté la discussion de loin, faisant sourire le reste de la troupe.
Les aventuriers sourirent à son trait d'esprit, mais pas Grunlek, concentré.
Le nain se rappela que dans les anciens temps, dans la culture naine, des expérimentations avaient lieu sur la population. Certaines de ces expériences avaient mal terminées, et plusieurs nains avaient tenté des choses un peu interdites. Il existait aux quatre coins du monde, quelques ruines comme celles-ci. Ils s'agissaient des antres de ceux qui pratiquaient cette magie arcanique dangereuse. Ces nains s'étaient mis à l'écart pour tenter de manipuler la vie.
— Ils ont visé trop grand ? ricana B.O.B après son explication, avant de baisser la tête. Pardon. Pardon, s'excusa-t-il en voyant le regard réprobateur de Grunlek, à cause de la taille.
Le mage reprit son sérieux. Ces endroits, lorsque les voyageurs les rencontraient avaient la réputation d'être des lieux hantés. Des lieux où un savoir interdit devrait rester à jamais caché. Seuls quelques chercheurs de trésors creusaient encore pour la gloire, parfois un peu trop profondément...
— L'ombre et la flamme, maugréa Balthazar se rappelant un ancien récit, décrivant une créature de flamme mystique enfermés dans des souterrains. Je ne sais pas toi Grunlek, mais je parierai sur des Golems. Enfin, connaissant ton peuple.
— Des golems de métal ? questionna Shin, un peu inquiet, alors que Grunlek acquiesçait à la proposition de B.O.B.
— Je ne m'attends pas à des chimères, demi-lion, demi-machin, ce n'est pas leur genre. Ça pourrait bien être entièrement élémentaire pour ce que j'en sais, et ça voudrait dire qu'on va avoir de gros problèmes, grogna le mage.
Théo retint juste que le terrain était dangereux et avança avec plus de prudence que d'ordinaire.
— Ça, ou bien, ça ne ressemblera plus à ton peuple. Personnellement, je m'attendrais à des tigres à dents de sapin-golems, lâcha le mage, pour détendre l'atmosphère.
Grunlek se dérida avec le mage face à l'évocation de leur créature imaginaire.
— Faites gaffe, regardez en haut des arbres, enchaina Grunlek en agitant les doigts pour suivre l'imagination du mage.
— Si vous entendez des rouages dans les arbres, courez, avertit Balthazar.
— C'est une super quête secondaire... râla Théo. Mais s'il n'y a pas de danger, je propose qu'on avance.
— Oh c'est toi qui... se vexa Balthazar avant de se reprendre. Très bien... Pluie de merde, reprit le mage, les bras croisés.
— Ils ne nous ont pas attaqué, et c'est tout ce dont je me fous, argumenta l'inquisiteur.
— Toute cette connaissance qu'on laisse derrière... soupira Grunlek.
— En même temps qu'est-ce tu veux qu'on en fasse ? grommela Théo, peu emballé par l'architecture locale.
Le nain leva les yeux en l'air. Comme s'il pouvait comprendre. Shin veilla à ce que tout le monde le suive, y compris le fils du duc.
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Le jour qui suivit, la pluie se calma doucement, mais sûrement. Ils sortirent bientôt de la forêt, Théo en tête. Shin lui avait cédé la place une fois qu'il n'avait plus eu à geler le sol. Le paladin était très fatigué. Le soleil se levait à peine, il en fut quasiment aveuglé, ce qui n'arrangea pas son humeur.
Balthazar s'énervait lui intérieurement. Il remarquait que lors de ses précédents jours, il y avait eu plus d'événements dans des lieux qui auraient dû être paisibles que dans cette forêt avec des ruines antiques, où rien ne s'était produit. Comme quoi, rien n'était complètement prévisible à l'avance. Il était presque déçu de ne pas avoir croisé de golem.
Shin sentait que le fils du Duc était lui-aussi fatigué et nerveux. Il avait l'air fébrile. Il serrait les dents comme s'il retenait quelque chose. Son regard avait changé, ce qui l'inquiétait légèrement.
Grunlek était assailli de petites tentations suite à leur périple dans la forêt qu'ils venaient de traverser, mais il avait été repris par ses compagnons. Il valait mieux tout laisser là-bas, comme il l'avait toujours fait, et passer à autre chose. Balthazar lui avait promis de revenir dans cette zone dès qu'ils en auraient l'occasion s'il voulait en savoir plus.
Bientôt, les aventuriers arrivèrent dans un semblant de village, tout près de leur destination. Ce n'était pas un village très évolué, peuplé de paysans qui grimacèrent dès qu'ils passèrent. Ils avaient un quelque chose de sauvage et de païen qui déplut fortement au paladin, tendu.
— Tu veux que je les crame ? proposa B.O.B.
— Non, grogna Théo, qui n'avait pas capté son ironie.
Il dévisagea les habitants habillés de manière simple. Les hommes étaient torses nus avec des pagnes. Ils étaient à quelques heures de route de leur destination, avec un chemin principal qui semblait être celui devant eux, mais il avait besoin de confirmation. Théo se tourna vers une femme et l'apostropha.
— Dis-donc, la sauvage, on va traverser ton village. Ça ne te dérange pas ?
Balthazar se frotta les yeux, fatigué du manque de savoir vivre de l'inquisiteur.
Face à cette manière de s'adresser à eux, les villageois ne surent pas trop comment réagir. Elle le regarda, fronça les sourcils, puis sembla chercher autour d'elle. Elle se retourna, parla dans une langue qui leur était inconnue. Les gens aux alentours s'agitèrent. Ils se retournèrent vers eux, et l'un d'entre eux dégaina une épée. Un autre recula, nerveux. Une cacophonie confuse s'éleva autour d'eux.
— Si c'est des cannibales, on les crame tous, insista à voix basse Balthazar qui fit interroger Théo.
— Comment tu peux dire que c'est des cannibales ? questionna l'inquisiteur.
— Ils sont en slip, ils vivent sous des tentes. C'est des cannibales !
Mais cette paranoïa était peut-être due à la fatigue. Ils savaient qu'ils étaient à quelques heures de leur destination, ils ne pouvaient pas renoncer maintenant. Avec le peu d'élan de vitalité qu'il leur restait, ils s'armèrent de courage, alors que le fils du Duc était écrasé par la pression de sa nature demi-élémentaire.
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