Partie 4.1 - Par Juliabakura

Partie 4

Par Juliabakura

Première partie

Les compagnons de Balthazar, au loin, virent leur compagnon mage devenir livide. La pluie commença à tomber, redoublant de violence. Autour d'eux, les gens s'agitèrent, comme si une tension généralisée avait investi les cœurs et les âmes au milieu de cette cohue. Les gens s'énervèrent, même un peu trop, plus qu'habituellement. Ils se fendirent de quelques insultes.

Les animaux ne restaient pas impassibles, eux non plus. Après un autre éclair, une vache se retourna et se prit un coup de sabot du cheval à ses côtés. Elle se retrouva à terre, avant de se relever dans un beuglement pathétique.

Mal à l'aise, Théo dégaina sa lame. Tous ses sens hurlaient que quelque chose de mauvais était en train de se produire.

Balthazar descendit de son cheval, se mit à courir vers l'individu qui avait retenu son attention. L'inconnu se dirigea ostensiblement vers le mage lui-aussi, ce qui en toute logique signifiait qu'il voulait lui parler.

S'il veut me parler, pensa Balthazar, il faut que j'aille à sa rencontre et que j'empêche à mes amis de voir ce bordel. Le plus court sera le mieux.

L'inquisiteur observa son manège, toujours oppressé par l'atmosphère étrange des lieux. Il ressentait quelque chose de surnaturel, quelque chose qui dépassait le commun des mortels. Il remarqua qu'il n'y avait qu'une seule personne qui semblait savoir ce qui se produisait : celle vers qui le pyromage se dirigeait. L'homme avait une allure d'aristocrate : la coiffe parfaite, la démarche relativement élégante, un léger sourire indescriptible - ni moqueur, ni dédaigneux, ni hautain - plaqué sur le visage, ce qui lui donnait l'air plutôt détaché. Il marchait entre les débris générés par l'accident avec assurance, comme s'il n'avait pas besoin de situation spatiale. Dès qu'il remarqua le paladin, il sourit étrangement, ce qui déplut fortement au guerrier.

Théo dégaina son épée, la pointa vers lui et se mit à hurler :

— Au nom de l'inquisition, arrêtez ! Arrêtez-vous ! 

Le chien à côté de Théo s'enfuit au premier éclat de voix. L'inconnu s'arrêta et leva ses mains paumes contre ciel, au-dessus des épaules. L'orage tonna de plus belle et la pluie se densifia. Un éclair vaporisa une charrette près des aventuriers. Alors que la foule s'emballait, l'homme ne parut même pas gêné par le phénomène. Devant lui, des villageois se sautèrent brusquement à la gorge, comme possédés. Théo recula d'un pas, tendu.

— Est-ce que c'est lui qui fait que ça part dans tous les sens ? demanda Théo pour lui-même. Il est peut-être en train de les hypnotiser... 

Il n'avait aucune certitude. Cette chose, peut importe ce qu'elle était, dépassé de loin toutes les hérésies qu'il avait pu croiser un jour dans sa carrière.

Grunlek de son côté resta sur le qui-vive, prêt à épauler Théo en cas de besoin. Il s'avança un petit peu, son poing mécanique serré pour frapper vite si l'inconnu se révélait trop dangereux.

Shinddha préféra rester en retrait avec le fils du duc afin de ne pas l'exposer au danger. Il se concentra également sur la pluie, étant fait de cet élément : il chercha à l'analyser. Il sentait que cette pluie n'était pas naturelle, et comme pour répondre à son interrogation, elle redoubla de violence. Si elle continuait de cette manière, elle allait probablement leur poser de graves soucis dans leur voyage.

On va être mouillés, pensa Shin avec un sourire en coin. Il y en a un qui va se plaindre d'avoir froid.

La personne en face de Théo continua d'avancer, doucement, et leva les paumes au ciel. Balthazar se décida à rejoindre l'étranger avant que l'inquisiteur ne s'en charge et essaie de l'éventrer. Ou inversement.

— Salut, ça faisait longtemps, souffla Balthazar à l'encontre de l'homme. Maman va bien tu sais.

— Quoi ?! s'étonna Théo, sous le choc de cette révélation.

— C'est vrai ? répondit l'inconnu, ignorant le guerrier. Je m'inquiétais de... Je m'inquiétais de ton état fils. Tu sais, tu... Tu manques beaucoup à la maison.

— Je sais, reprit B.O.B.

— Quand est-ce que tu reviens ?

— Ah bah... Écoute... Comme tout le monde. Quand je serais mort, rit Balthazar, pince-sans-rire.

— Et si tu me présentais à tes amis ?

— Euh... Je préfère pas. Très sincèrement.

— Si, si, tu vas me les présenter.

— Non, non, non. Parce que les connaissant, ils tenteraient de t'attaquer et te connaissant, tu les tuerais tous. Donc par pitié... 

Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase que les voix de ses amis l'interrompirent presque immédiatement.

— C'est qui Bob ? hurla Grunlek.

— Euh... grimaça Balthazar.

— C'est papounet ? sourit Théo, moqueur.

— Non, c'est rien ! Fermez-la ! leur répondit-il en tournant légèrement la tête. Bougez-pas !

— Oh ! Tu as honte de nous ? grommela Grunlek.

— Comment tu nous parles ! s'énerva Théo.

— Non, sans déconner ! reprit Balthazar. Il est dangereux !

— Attends ! C'est un Démon ? réfléchit soudain l'inquisiteur, la main sur son épée. 

Le mage lui adressa un regard noir. Il leva le doigt pour dire à l'inquisiteur de se taire et de l'ignorer avant de se concentrer à nouveau sur son père.

— Sans déconner. Qu'est-ce que tu fais là ?

— Oh, mais tu sais, il y a des choses dont on entend parler. Des bruits de couloirs. Des choses qui se produisent à droite à gauche. Les rumeurs circulent vite. Et je suis un homme curieux. 

L'homme regarda par-dessus l'épaule de Balthazar. Le mage savait pertinemment vers où il regardait. Il avait les yeux rivés sur Shin.

— On entend parler de pas mal de choses tu sais. 

Shin vit également le regard en sa direction. Il soupira, à la fois agacé et nerveux.

— Oh non, vous n'allez pas encore me foutre dans un puits, hein !

— S'il te plait, ce que je fais de ma vie sexuelle ne te regarde pas, esquiva Balthazar, en se plaçant dans son champ de vision. 

Grunlek avait déjà compris que l'attention était plus tournée sur la personne derrière Shin : Vendis.

— Quoi, qu'est-ce qu'il y a ? reprit sérieusement le pyromage. Ça se réveille. Ça bouge en dessous ?

— Ah oui, mais tu sais, on est plus trop en dessous. Ça été investi. Il n'y a plus personne là-bas. En enfer.

— Est-ce que ce mec est un démon ? questionna de nouveau Théo, obsédé par cette potentielle hérésie. 

Balthazar continua de copieusement ignorer les questions du paladin en levant une main à son encontre pour lui demander de retenir sa lame.

— B.O.B, il ne veut pas présenter sa famille, se moqua Grunlek, pour aider à détourner la conversation. 

Il donna un coup de coude dans les côtes de l'archer et lui fit les gros yeux, pour l'inviter à entrer dans son jeu.

— Ouais, non. Je suis vexé, répondit l'élémentaire de l'eau, tout en planquant le fils du duc derrière lui, mal à l'aise.

— C'est pas cool, soupira le nain légèrement vexé.

— Bon, c'est un démon alors ? reprit Théo en fixant un peu plus les yeux de l'homme, à la recherche de pupilles félines. 

Balthazar claqua de la langue, de plus en plus agité. La situation ne lui plaisait vraiment pas.

— Plus sérieusement, Papa, enchaîna B.O.B. Je sais... On sait tous les deux que tu es un démon, et que donc tu n'es pas venu pour rien. Je vais bien et je suis très heureux de te voir, et j'aurai été plus heureux de te voir dans d'autres circonstances mais...

— Tu ne m'as toujours pas présenté, insista le patriarche. Je me fiche pas mal de tes amis, mais lui en revanche...

— Lui ? s'étonna Balthazar à l'encontre de son père. Tu veux dire Shin ? Ou Vendis ?

— Eh bien, ton ami demi-élémentaire... Il pourrait nous rejoindre. Devenir utile. Pas comme toi. Tu pars longtemps, tu fais des choix que je ne comprends pas. Tu traînes avec des gens qui te traines un peu plus vers le bas chaque nouveau jour qui passe. Tu pourrais faire de grandes choses ! Il n'est pas trop tard.

— Écoute, on a tous des phases dans nos vies, où l'on fait un peu n'importe quoi. Tu le saurais, sinon tu ne m'aurais pas eu avec maman. Laisse-moi m'amuser.

— Mais tu sais, je l'aime encore ta mère.

— Elle t'aime aussi très fort. Mais tu sais aussi...

— Et sa sœur aussi.

— Oui... répondit le pyromage, gêné. Tatie va bien ? Oh, peu importe. Tu viens ostentatoirement de nous bloquer la route. Pourquoi ? Qu'est-ce que tu crains ?

— Je ne crains rien, je suis là pour toi ! lui répondit-il avant de le contourner. 

Balthazar rit nerveusement. Le mage savait qu'il ne pouvait pas le contenir. Il se retourna vers ses compagnons avant d'annoncer à voix haute :

— Messieurs, mon père. Mon père, messieurs.

— Bonjour le papa de B.O.B., s'amusa Grunlek. »

L'homme s'arrêta au niveau de Théo et lui tendit la main. L'inquisiteur regarda la main du démon, un peu outré. Le paladin de la Lumière n'allait pas serrer la main d'un démon.

« Je me présente. Je suis Enoch.

— Je me présente, je suis inquisiteur, répondit froidement Théo.

— Écoutez, nous n'allons pas nous disputer. Nous ne sommes pas là pour ça voyons. 

À l'évocation du nom Enoch, Grunlek fronça les sourcils. Il avait déjà entendu ce nom avant. Soudain, Grunlek, tout comme Théo, qui s'était figé en l'entendant se présenter, se rappelèrent qu'Enoch était l'un des démons des enfers qui avait été délogé par les Héros d'il y a très longtemps. Les dieux et les diables avaient alors quitté leur monde, leur panthéon et les enfers, sous la pression des Héros qui l'avaient investi. Les diables se cachèrent auprès des mortels et prirent leurs apparences, leurs corps.

Enoch était connu pour jouer avec le feu, mais surtout pour son ambition démesurée et ses grands pouvoirs, dont le plus caractéristique était la maîtrise des caprices de la météo.

— S'il te plaît, Théo, inquisiteur ou pas inquisiteur, fais preuve d'un peu d'instinct de survie, murmura le mage, inquiet.

— Bah oui, non mais bon. Je ne suis pas censé...

— Promis, un jour quand tu seras un peu plus puissant, tu pourras essayer de buter mon père. Pas avant ! Il peut te briser comme une brindille, crois-moi. 

Théo se renfrogna et fit briller son bouclier d'une lumière tamisée. Il se pencha vers le démon, un sourire carnassier aux lèvres.

— Ne m'approchez pas.

— Je respecte ça, inquisiteur. Je sens bouillir en vous une volonté inarrêtable de vengeance et...

— De vous purifier la bouche, oui, effectivement.

— Écoutez, il y a deux solutions. Soit on s'affronte là maintenant et vous mourrez et vous me rejoignez. Soit, vous me rejoignez de votre plein gré. Je suis prêt à vous fournir tout ce que la lumière ne fera pas.

— Ou alors on se revoit dans deux ans et je vous explose la gueule, avec mon énorme épée.

— Papa... supplia Balthazar. Papa s'il te plait, même s'il te rejoignait, tu n'arriveras à rien.

— Je ne fais que proposer, s'insurgea Enoch. C'est lui qui me menace.

— Je voyage suffisamment longtemps avec lui pour le savoir.

— Arrête, arrête. Quand tu es négatif comme ça, ça me peine. Je propose à tes amis un plan de carrière ambitieux, au lieu de trainer comme ça, dans la rue, à escorter quelqu'un qui n'en a rien à faire de sa propre situation. Moi, je pourrais l'aider ce jeune homme ! En faire quelqu'un d'important. 

Grunlek se retourna légèrement, pour s'apercevoir que... Shinddha semblait être complètement déconnecté de la discussion. Ignoré de tous, il avait décidé de partager une pomme avec Vendis. Le nain lui fit signe, pour le faire réagir.

— Désolé, je m'ennuyais. Qu'est-ce qui se passe ? 

L'ensemble de l'équipe se mit légèrement à rire en remarquant qu'ils les avaient complètement oubliés, lui et le fils du Duc.

— Pour l'instant je n'ai aucun moyen de vous affronter, mais on se reverra un autre jour. Dans un autre temps, reprit Théo, toujours vexé. J'ai commencé par une petite fille, mais un jour je finirai par me farcir un démon. Je gravis les échelles, une par une.

— Tu es ambitieux Théo, l'encouragea Grunlek.

— Votre fils je suis censé le tuer s'il se transforme en demi-démon !

— Ah bah, essaie toujours, le nargua le pyromage.

— Parce que vous pensez vraiment avoir une chance ? se moqua Enoch. Je pourrais vous montrer comment vaincre un démon, si vous me rejoignez. 

Théo l'ignora, le regard droit et le menton levé au ciel. Il ne baisserait pas les yeux devant une hérésie. Enoch lui sourit mystérieusement, puis le contourna pour s'approcher de Grunlek.

— Seigneur Nain.

— Monsieur, le salua Grunlek. Je n'ai rien contre les démons. Je suis plus curieux qu'autre chose. Première fois que j'en croise un. 

Enoch s'arrêta devant son bras et soupira.

— Ah, vous pourrez tellement faire plus avec ça. Avec ceci. 

Il donna un petit coup avec son index sur le bras métallique. Grunlek sentit quelques frémissements qui le firent gémir de surprise.

— Tu ne peux pas t'en empêcher... soupira Balthazar.

— Attends, on apprend à se connaître, répondit Grunlek, que la situation amusait.

— Je lui propose un plan de carrière, s'indigna Enoch.

— Oui, oui, mais sans le toucher, bouillonna B.O.B. Tu sais bien que c'est interdit.

— Bon d'accord, minauda-t-il. 

Il continua sa route vers Shin, devant un Grunlek un peu dépité de ne pas avoir pu faire plus ample connaissance.

Shin, en revanche, tint en respect le diable face à lui. Nerveux, il n'appréciait pas vraiment son côté trop tactile.

— C'est pas parce que vous êtes le père d'un pote que je vous donnerai quoique ce soit, menaça l'archer.

— Il a du tempérament, dit Enoch, souriant. Mais j'ai mieux à vous proposer que de servir de guide à un groupe d'aventuriers miteux.

— Oui, mais je ne veux pas.

— Mais regardez-vous... Vous exploitez à peine le dixième de votre potentiel demi-élémentaire. Ne restez donc pas au fond du trou.

— Et voilà, c'est toujours la même chose ! Qu'est-ce que vous lui avez dit ? s'énerva Shin à l'encontre de B.O.B et des autres. Qu'est-ce qui s'est passé pendant que je ne vous écoutais pas ? On vous a raconté des trucs, c'est ça ? Ils mentent ! J'ai rien contre les trous ! Je peux très bien avancer sans tomber dans un trou ! 

Shin continua de le maintenir à distance tandis que le diable se penchait pour observer le fils du duc. L'archer sentit le jeune homme s'accrocher à ses vêtements, peu rassuré par tout ce à quoi il venait d'assister malgré lui.

— Vendis, c'est bien ça ? Écoutez, on se reverra certainement dans les jours qui viennent. Ayez confiance en moi. Ils vont vous proposer de faire des choses un peu farfelues, mais quand arrivera le moment où, vous aurez à faire un choix, n'oubliez pas qu'il y a des gens qui comptent sur vous. Des gens qui peuvent prendre soin de vous, comme une famille. Retenez mon nom. Je suis Enoch. Contactez-moi, je peux faire des choses pour vous. De plus, le voyage va être long, fastidieux et je suis quasiment persuadé qu'avec cette pluie torrentielle, les chemins vont être bouchés... Pensez-y. 

Enoch lui adressa un clin d'œil et se retourna en voyant Théo, lassé, poursuivre son chemin vers la ville. L'heure des adieux venait d'arriver.

— Oh, fils ? appela Enoch.

— Oui ? s'étonna Balthazar.

— À très vite.

— À très bientôt, effectivement. Dans à peu près soixante ans encore.

— Oh, non. Nos chemins seront amenés à se croiser bien avant. Je compte sur toi. Et fais un bisou à Tatie de ma part.

— Très bien... S'il te plaît, essaie de ne pas me faire de cousins pendant que j'ai le dos tourné, j'en chie déjà bien assez avec la moitié de moi-même. Enfin...

— On verra bien. Prends soin de toi, Balthazar. 

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