Partie 2 - Par Myfanwi
Partie 2
Par Myfanwi
Dans les couloirs pour retourner au banquet, le père de Vendis, Ragnar, expliqua aux aventuriers qu'un passage menait vers les égouts depuis la salle principale. Ce serait par-là que les aventuriers quitteraient la réception, dans l'espoir que personne ne s'en rende compte. Les invités se trouvant toujours sur la terrasse, ils eurent tout le loisir d'emprunter l'accès qui menait aux souterrains.
Ragnar enlaça une dernière fois son fils devant la porte et l'encouragea.
— Ne perds pas espoir, mon fils. Quel que soit ton choix, ce sera le bon.
— Ne vous inquiétez pas ! s'exclama Théo en donnant une grande claque dans le dos du patriarche. On vous le ramène bientôt en entier. Vivant, je sais pas, mais en entier, ce sera déjà pas mal.
Le duc, Vendis et les aventuriers dévisagèrent le guerrier, sous le choc. Balthazar ouvrit la bouche pour s'excuser pour lui, mais Ragnar lui fit signe qu'il avait compris où l'homme de la Lumière voulait en venir.
— Merci, maître paladin, répondit le père du jeune duc, crispé.
Théo, qui n'avait pas remarqué que l'ambiance s'était tendue brusquement, descendit les marches qui menaient au sous-sol comme si de rien était. Balthazar s'excusa une nouvelle fois, puis les aventuriers et Vendis le suivirent dans la pièce suivante.
Il s'agissait d'un long couloir de pierre humide. La grille des égouts se trouvait à leur droite. Théo s'en approcha, mais Grunlek le retint de son bras mécanique. Une servante se trouvait là, l'air plongé dans le nettoyage. Cependant, le nain l'avait vu regarder en biais dans leur direction, ce qui l'avait alarmé.
— On ne peut pas prendre le passage tant qu'elle nous observe, chuchota le nain, sur ses gardes. Elle est louche.
Théo soupira et se dirigea vers elle, ce qui alerta immédiatement ses compagnons. Sans grande rudesse, il saisit la jeune femme au bras et commença à la tirer vers l'étage. La jeune femme se débattit et commença à crier, en colère.
— Mais qu'est-ce que vous faites ? Vous êtes en train de me faire mal !
— Le duc vous demande dans la cour, répondit-il d'une voix sèche. Suivez-moi sans faire d'histoire ou... Ou je sais pas, mais ça ne va pas vous plaire !
La servante aux longs cheveux bruns fit un geste brusque pour échapper à sa poigne. Elle grommela qu'elle avait compris et se dirigea à reculons vers les escaliers. Cependant, comme Grunlek, Théo eut un doute quant à la laisser partir seule. Il y avait quelque chose dans son regard qui sonnait faux. Il grogna, mais ne répliqua pas.
La jeune femme remonta les escaliers et repartit dans la salle principale. Par acquis de conscience, Balthazar la suivit pour s'assurer qu'elle allait dans la bonne direction. Malheureusement, les marches étaient hautes et, trop concentré dans sa tâche, ses pieds se prirent dans sa robe et il s'effondra la tête en avant dans un boucan de tous les diables, expression qui prenait ici tout son sens. La jeune femme partit en courant, mais le mage ne parvint pas à voir dans quelle direction. Il poussa un juron et se redressa, sous le regard moqueur des deux gardes qui surveillaient l'entrée. Il porta une main à sa bouche. Lèvre fendue. Ce voyage commençait bien.
Avec appréhension, il se retourna vers ses compagnons qui frappèrent des mains au ralenti, impressionnés par sa prestation.
— Pour faire ça, la prochaine fois, on passe par la porte d'entrée, grogna Théo.
— Comme si tu aurais fait mieux, gros malin, siffla le pyromage, blessé dans son amour propre.
Le paladin se dirigea vers la grille des égouts, la poitrine gonflée d'orgueil. Il saisit deux barreaux et tira pour la retirer. Rien ne se produisit. Il resta silencieux, puis tira de nouveaux dessus en grognant. La grille resta fermée. Dépité, il se retourna vers le mage, qui l'observait avec un sourire narquois.
— Toi, ta gueule ou je te fous dans le prochain bûcher qu'on croise, menaça le guerrier.
Grunlek soupira et les poussa tous les deux. Le nain observa la grille, puis souleva un petit loquet qui la maintenait en place. La porte lui retomba dans les mains sans le moindre effort. Théo resta stupéfait quelques secondes, puis tourna le dos, les bras croisés comme un enfant.
Les aventuriers, pressés de s'éloigner maintenant que leur couverture était peut-être compromise, se dépêchèrent de s'enfoncer dans les égouts. Le paladin, toujours bougon, prit la tête du groupe, suivi de près par Grunlek. Balthazar resta près de Vendis, au cas où quelque chose de bizarre se produisait, et Shin resta à l'arrière pour les couvrir en cas d'attaque surprise provenant du manoir. Il faisait sombre. L'armure de Théo et les flammes de Bob éclairaient le groupe, mais ne portaient pas plus loin. Grunlek était le seul à pouvoir voir dans le noir, mais son pouvoir était lui aussi limité. Sans visibilité accrue, il fut décidé de mettre la prudence en haut des priorités actuelles.
Pas à pas, le groupe progressa dans un long couloir. Au loin, des bruits inquiétants étaient déjà perceptibles. Ils essayaient de ne pas penser à ce que ça pouvait être pour rester concentrés sur leurs alentours.
Balthazar remarqua rapidement que Vendis avait l'air hésitant. Il ne cessait de lancer des regards dans sa direction, nerveux. Ses mains tremblaient également. Le mage lui sourit gentiment pour l'inciter à parler de ce qui le tracassait.
— Qu'est-ce qui s'est passé tout à l'heure ? demanda-t-il d'une voix timide. Pourquoi est-ce que vous étiez tous sur moi ? Pourquoi je ne me souviens de rien ?
— Ce n'est rien, le rassura Balthazar. Tu as perdu le contrôle et on s'est assuré que tu ne te blesses pas. On ne sait pas de quoi est faite ta nature élémentaire, on ne voulait pas prendre de risques.
— Je vois, répondit-il, l'air absent.
— Tu nous as aussi promis beaucoup d'argent pendant ta transe, et tu as dit que l'on devait te dire de ne pas revenir sur ta parole, blagua Shinddha.
Le duc sourit, plus calme. Il s'apprêta à répliquer quand Théo recula brusquement en arrière. Une forme humanoïde venait de lui bondir au cou dans l'obscurité. Le paladin chercha à saisir son épée quand la personne se mit à parler d'une voix désespérée.
— Aidez-moi s'il vous plaît ! Ma maman est coincée ! Faites quelque chose, aidez-moi, par pitié, messire ! Elle... Elle n'arrive pas à sortir, elle est juste à côté. S'il vous plaît, faites quelque chose...
Pris au dépourvu, le guerrier lança un regard à Grunlek, tétanisé. Depuis quand des gens lui demandaient-ils de l'aide ? Il ne s'était pas engagé pour ça. Derrière lui, le nain se méfiait également, mais pas pour les mêmes raisons. Que faisaient ces personnes dans les égouts ? Cette histoire ne lui disait rien qui vaille.
— Qu'est-ce que tu fous là, d'abord ? demanda Théo, comme s'il lisait dans ses pensées. Et t'es qui ?
— Ma... Ma mère ! Elle est passée par là et maintenant elle est coincée, répéta l'homme, paniqué.
— Qu'est-ce que tu fais là ? répéta à son tour Théo, agacé.
— J'essaie de survivre comme je peux dans cette ville. Ici, des fois, il y a de la nourriture qui tombe, vous savez. C'est pas toujours très, très bon, mais des fois ça suffit pour que je survive encore quelques jours de plus.
— Quel âge ?
— Elle a... Elle a cinquante ans la pauvre.
— Non, oui, je m'en fous. Toi, t'as quel âge ? Enfin, je ne veux pas dire que je me fous de ta mère, mais... À cinquante ans, elle a bien vécu. T'es un adulte, tu peux te passer d'elle. On n'a pas le temps.
Grunlek lui donna un coup de poing mécanique dans la cuisse et fit les gros yeux. Le paladin agita ses mains pour demander ce qu'il avait encore dit de mal. Théo grogna. Il n'avait clairement pas envie d'aider l'homme, mais en même temps, en tant que paladin, il était de son devoir de respecter son serment de venir en aide aux plus faibles qui réclamaient sa protection. Il leva les yeux au ciel et poussa un lourd soupir. Il fit signe à l'homme d'avancer. Jeter un coup d'œil ne les engagerait à rien après tout.
Le nain, peu rassuré, emboîta le pas au paladin. Il fit un geste de la main à Bob, Vendis et Shinddha, en arrière, pour leur demander de rester dans l'ombre pour les couvrir au cas où les choses se passaient mal. Il avait l'impression qu'ils fonçaient tête baissée dans un piège, ce qui ne lui plaisait pas spécialement. La priorité restait la protection du fils du duc, et avec ce qui s'était passé plus tôt avec la servante, ils ne pouvaient pas prendre de risques. Qui sait si quelqu'un n'allait pas débarquer en revers pour les attaquer par derrière.
Théo et Grunlek s'arrêtèrent proches d'un gros tuyau enfoncé dans un mur. L'homme s'agita devant et baragouina quelque chose à propos de sa mère. Elle était de toute évidence coincée à l'intérieur. Le paladin s'accroupit pour regarder à l'intérieur. Il y faisait trop sombre pour voir quoi que ce soit. Néanmoins, il réussit à discerner une forme plus loin : une tête, une épaule, qui s'agitaient légèrement.
— Comment vous avez réussi à vous coincer là-dedans, madame ? demanda Théo, qui tendit le bras pour essayer de l'attraper.
Pas de réponse. Il retira le bras pour regarder de nouveau. À bien y réfléchir, les mouvements de la femme lui parurent étrange. Quelque chose bougeait au-dessus d'elle. Soudain, une forme se leva au-dessus du corps. Des pattes étranges apparurent, et avant que le paladin ne puisse faire quoi que ce soit, une créature lui bondit à la figure, et pas n'importe laquelle : une araignée géante, encore une fois. Le paladin réussit tant bien que mal à dégainer son bouclier et la repoussa dans le trou d'un grand coup.
— Maman, ça va ? appela timidement l'homme qui les accompagnait. Je t'ai apporté à manger !
— Votre mère est une araignée ? demandé Théo, confus.
Grunlek, blasé, se retourna et envoya son bras dans l'épaule de l'étranger, ce qui le propulsa sur le sol. Son os craqua. Devant cette scène, l'araignée recula et rentra ses pattes dans le conduit, dans un bruit de succion organique. Le paladin comprit alors que la bête était retournée se nourrir du corps de la pauvre femme coincée dans le tuyau depuis quelques heures, voire quelques jours.
— Bob, brûle cette saloperie, demanda Théo.
Le mage souffla de manière exagérée.
— Et allez, c'est encore moi qui dois dépenser ma magie pour réparer tes conneries. Je le sentais qu'ça allait être de la merde, grogna Balthazar.
Dans un soupir mélodramatique, il enjamba l'homme inconscient, passa entre Shin et Théo et posa son bâton à l'entrée du tuyau. Il ouvrit les vannes et emplit entièrement l'espace de flammes. L'effet ne tarda pas à se faire entendre. Un crissement strident, suivi de bruits affolés de pattes d'araignée qui s'éloignent purent se faire entendre, remplacé bientôt par le crépitement du feu et l'odeur du cadavre en train de cuire.
Le paladin, à première vue satisfait, fronça les sourcils lorsqu'il lui parut que le bruit des pattes se rapprochait de nouveau, mais pas depuis le tunnel. Le guerrier, dans un instinct de survie, courut vers la source du son, épée à la main. L'énorme araignée était en train de remontrer dans le conduit sous la sortie, juste à côté de Shin et Vendis, en grande conversation, qui n'avaient rien remarqué. Théo tenta de frapper, mais rata de peu. Dans un hurlement de colère, l'araignée passa entre les jambes de Vendis et planta une de ses griffes dans le mollet de Shin, jusque-là retourné. Alarmé, l'archer cria de douleur et s'agita, terrifié, alors que la bête cherchait à le traîner vers le puits des égouts.
Dans un réflexe de survie, il réussit à s'agripper au bord, le corps à moitié enfoncé dans le trou. Il lança un regard paniqué au paladin qui le dévisageait, la bouche grande ouverte.
— Théo ! C'est un puits ! C'est encore un puits ! Aide-moi espèce d'idiot ! Reste pas planté là !
Grunlek, plus réactif, accourut en quelques secondes, et attrapa les bras de Shin. Il banda chacun de ses muscles au maximum et engagea un combat de force avec l'araignée pour tirer son ami du trou. Malgré Vendis qui arriva en renfort, le poids de Shin et de l'araignée combinés étaient un peu trop, même pour eux. Théo sortit enfin de son état d'hébétude et attrapa l'autre bras de l'archer. Il parvint à le hisser, mais au prix d'une douleur intense. L'araignée perdait sa grippe, et ses griffes s'enfonçaient un peu plus dans la chair de la jambe de Shinddha, y créant une large entaille.
— Coupez sa patte ! Coupez sa patte, putain ! cria Shin, qui n'appréciait pas beaucoup d'être tiré comme un sac à patates.
— La patte de l'araignée ! enchérit Grunlek. Celle de l'araignée !
— J'ai pas entendu la fin ! cria Théo, rendu sourd par les cris de l'arachnide, son épée levée au-dessus du puits.
À une bonne distance de là, Balthazar, dépité, attendait que ça se passe. Dépité par le fait qu'ils étaient en difficulté à douze mètres de leur point de départ, il se retenait de tout brûler. Pour se calmer un peu, il attrapa son bâton et l'écrasa deux fois sur le crâne de l'étranger à ses pieds, qui émergeait doucement du coup de Grunlek. Il lui aurait bien mis le feu, mais il craignait que Théo prenne le message de la mauvaise façon.
Dans le puits, Shinddha sentait ses bras s'engourdir. Il ne parvenait pas à se retourner suffisamment pour voir l'araignée, mais il pouvait désormais sentir quelque chose de froid autour de sa jambe, qui commençait peu à peu à se rigidifier. Il tenta de donner un coup de pied, mais sa deuxième jambe se retrouva à son tour paralysée dans un étau froid. L'araignée tissait peu à peu un cocon autour de son corps.
— Les gars, je crois que ça craint de plus en plus... gémit-il d'une petite voix.
— Bob ! cria Grunlek. Il y a de la toile d'araignée partout ! Tu peux essayer de les cramer sans cramer Shin ? Théo, frappe cette saloperie, qu'est-ce que tu fais ?
— J'ai pas envie de perdre mon épée, grogna le paladin.
— Salaud ! répondit Shin.
Théo leva les yeux au ciel et donna un coup dans le puits, sans aucun effet. Il retira vivement son épée et leva les bras pour montrer qu'il avait essayé quelque chose. Au moins, il n'avait pas coupé la jambe de Shin.
Balthazar, fatigué, décida de s'en mêler à son tour. Avec dégoût, il poussa son bâton au fond du trou. Paniqué à l'idée de finir brûlé, Shin réussit au prix d'un intense effort à cristalliser ses jambes. À défaut, cela lui permettrait de refroidir son corps si le mage perdait le contrôle. Le mage tira un trait de flamme. L'araignée poussa un cri de douleur et relâcha l'archer, que Grunlek, Théo et Vendis s'empressèrent de tirer sur la terre ferme.
Sans attendre davantage, le groupe profita de ce moment de répit inespéré pour se ruer vers l'échelle qui menait à la surface.
— Tu vois petit, dit Balthazar à Vendis en montant. C'est comme ça qu'on fait.
Après un départ compliqué, les aventuriers et le fils du duc parvinrent enfin à rejoindre la ville.
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