Chapitre 8 : Le sursis
Nur ne savait comment s'y prendre avec Bonisseur, mais son chef ne lui laissa pas le temps de s'emmêler les pinceaux. Il n'y avait qu'eux deux dans le bureau du Quai des Orfèvres, où trônait une photo panoramique de Notre Dame de la Garde à Marseille.
— Elle s'est bien foutue de toi ta copine journaliste, lança le lieutenant.
— Faut croire.
— Je ne suis pas sûr que tu gagnes réellement à aller sur ce genre de plateau. Le coup de téléphone n'était pas à ton avantage, si tu vois ce que je veux dire.
— Elle m'a rappelé. Elle prétend qu'elle a des infos pour moi, en échange d'un nouveau plateau.
— On peut la convoquer si tu veux ?
— Non merci. Elle dit qu'il y avait de la magie derrière l'attentat...
Bonisseur sourit d'un air entendu, tandis que Nur s'installa en face de lui. Il pensait à Aladin, à qui il avait promis d'aller dormir à l'hôpital avec lui... Bonisseur laissa son accent reprendre le dessus et se laissa aller à la confidence :
— Ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'elle a été informée par quelqu'un ici. A cause de l'Emplumé, le service est vide et nous ne sommes que quatre à suivre l'affaire.
— Je n'ai donné aucune info, répliqua Nur.
— Je ne peux que te croire sur parole. Si le procureur nous tire les oreilles, je dirai que ça venait de Saint-Clair. Regarde ça, il y a une image qui nous a échappé parce que nous n'avons pas cherché au bon endroit.
Nur récupéra la clé USB et déclencha la vidéo qui s'y trouvait. On pouvait reconnaître la silhouette de Duchesne entrant dans la station et s'arrêter. Une femme de dos lui transmettait quelque chose. Il avait fallu zoomer et améliorer la résolution pour obtenir l'image. Nur n'eut pas le temps de réagir qu'un homme entra dans le bureau de Bonisseur. C'était le procureur de la République. Marcadet, un homme propre sur lui, n'aurait pas dépareillé dans un magazine masculin pour jeunes cadres dynamiques.
— Al Akhi, j'attends votre démission sur mon bureau demain, annonça-t-il en guise de préambule.
— Monsieur le procureur, vous devriez plutôt écouter ce que le brigadier-chef a, à vous montrer.
— Il y a des règles Bonisseur, répliqua le procureur. Je sais que tout le monde s'en tamponne en ce moment, mais je ne laisserai pas la France devenir un Far west ! C'est comme ça qu'on se retrouve avec des vigilants masqués !
Nur ne réagit pas. Le fait que Marcadet n'était « que » procureur, mais qu'il parlait comme s'il était ministre n'étonnait plus personne depuis longtemps. Le brigadier-chef continuait de regarder l'écran de la vidéo que lui avait confié Bonisseur. C'était un des enregistrements du métro, qu'il avait déjà épluché. Quelqu'un, Bonisseur à coup sûr, avait fait agrandir la vidéo.
— Je vous dérange Al Akhi, s'énerva le procureur. Vous n'en avez rien à faire de ce que je vous dis.
— Je cale une vidéo qu'il faut que vous voyez, Monsieur le procureur. Il va falloir reconvoquer Madame Duchesne pour une nouvelle garde à vue.
— C'est une blague ! s'indigna le magistrat en regardant Bonisseur. Vous violez le secret de l'instruction sur un plateau télé, où se trouve l'avocate de cette dame et vous voulez la faire reconvoquer.
— Nous avons un nouvel élément, monsieur le procureur, poursuivit calmement Nur.
— Le brigadier chef Al-Akhi a obtenu un agrandissement d'une des vidéos de la station Saint-Marcel, annonça Bonisseur.
Il mentait. Il avait organisé la rencontre entre Nur et le procureur pour que Nur lui montre la vidéo. Le problème, c'est que Marcadet n'était pas connu pour sa finesse.
— J'ai d'autres problèmes que ce métro ! lança le procureur.
— Vous voulez dire qu'un attentat en pleine journée dans Paris n'est pas important ? essaya naïvement Bonisseur.
— Ce n'est pas ce que je dis ! s'énerva Marcadet. Vous m'avez bien compris.
— Nur a été piégé. D'Urcoven avait promis de ne pas parler des affaires en cours. Il devait être présent pour défendre la profession que ne manquerait pas d'attaquer ce chroniqueur libertaire. Comment s'appelle-t-il déjà ?
— Antoine Vallon, expliqua le procureur. Et c'est un ami... même s'il est vrai, qu'il est souvent injuste avec les forces de l'ordre.
— Comme vous l'avez dit, en profita Bonisseur, Saint-Clair était également présente ce soir-là. Nur est un excellent élément, dont le fils est en ce moment à l'hôpital. Il a manqué de vigilance. Regardez ce qu'il a là.
Comprenant ce que son chef voulut qu'il fasse, Nur tourna l'écran. On pouvait reconnaître la silhouette de Duchesne entrant dans le métro avec son attaché-case et la femme qui lui remettait un téléphone portable.
— C'est son contact pour l'attentat, releva le procureur. Je ne vois pas le rapport avec sa femme à lui.
— Regardez ici, ça se passe très vite.
— Je signe la nouvelle garde à vue de ce pas ! annonça Marcadet. Tâchez d'être plus efficaces que la dernière fois... Et Al Akhi, c'est la dernière télé. C'est compris ?
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