Chapitre 6 : l'émission de télé


— L'ordure, c'est celui qui a enlevé votre fils pour faire chanter votre mari. Dites-moi la vérité ! avait tenté Nur.

Le taxi roulait, à présent, dans le noir et le brigadier gambergeait. Il revoyait le visage rougeaud de Clément et entendait en boucle la réflexion de Bonnisseur.

— Bravo pour la délicatesse !

Seule Ganelon était restée silencieuse, mais à sa moue, Nur savait qu'elle n'en pensait pas moins. Sa thèse semblait tellement claire, bien plus étayée que cette histoire de Taqiyya. Duchesne recevait un coup de fil d'une personne détenant son fils en otage. On l'obligeait à se rendre au métro, à y échanger son attaché caisse contre un sac à dos, avant de découvrir que celui-ci contenait une bombe. Bien sûr il y avait de nombreuses questions qui restaient en suspens. Personne n'oblige quelqu'un à prendre un sac à dos avec une bombe... À moins de menacer son fils. Tout semblait si parfait, mais la conversation prit un autre tour lorsque Claire lui annonça :

— Mon fils est mort.

— Quand ? s'étonna Nur, en comprenant sa boulette.

— Il s'est suicidé, il y a un an. Les journaux en ont parlé...

La conversation s'était arrêtée là. Le taxi envoyé par Pénélope d'Urcoven était venu le chercher, valant à Nur, un claquement de langue méprisant de la part de Clément et une terrible impression d'inachevé. Il n'eut qu'à monter dedans et regarder la ville défiler au rythme des feux rouges. Rien ne collait dans cette histoire. Duchesne était, pour ses adversaires, un laïcard particulièrement impliqué et là, il se faisait sauter sur un quai du métro au nom de l'idéologie qu'il avait toujours combattu.

Nur se remémora le texte de la vidéo d'Al Sayf. Comme il comprenait parfaitement l'arabe, il n'avait pas eu besoin de se faire traduire celui-ci. Après les habituelles formules rituelles de cette organisation, le texte était limpide. Une phrase avait retenu son attention.

« Ce jour, un homme touché par la voix s'est fait sauter sur le quai du métro de Paris pour punir les croisés. »

En arabe, il était impossible de confondre les mots voie (Tariq) et voix (Sawt). Cette idée d'une personne touchée par la voix était étonnante, incongrue presque. À aucun moment, Al Sawt n'évoquait Duchesne comme un frère ou même un martyr. Habituellement, c'est ce qu'ils faisaient... toujours... mais pas là. Et Duchesne avait accepté d'endosser ce sac à dos et sa bombe. Pourquoi ?

Dans le hall, on conduisit directement Nur au maquillage, puis en plateau. À force, il devenait un habitué des lieux. Il connaissait même le prénom de la maquilleuse, Priscilla. C'était une Nantaise, montée sur Paris, il y a quelques années et qui avait un petit garçon de l'âge d'Aladin. Ce soir, ils ne parleraient pas de leurs enfants, comme d'habitude. Nur avait besoin de se concentrer sur ce cercle carré qu'était son enquête. Et puis, il y avait l'émission...

Il savait que lors de ce débat, il y aurait plusieurs spécialistes, dont plusieurs étaient aussi des habitués. On prendrait quelques appels de téléspectateurs. Ce « talk » avait un certain succès et avait valu au Brigadier-chef plusieurs invitations dans d'autres émissions pour défendre son jeune syndicat et leur discours sans concessions. Priscilla était une pro, elle ne dérangea pas Nur et glissa à la fin de la séance.

— Ce n'est pas une bonne semaine.

— Aladin a fait une nouvelle crise, annonça Nur.

— Pauvre petit...

Nur sourit tristement, puis se dirigea vers le studio. À peine installé, il sut que l'émission serait longue, très longue. Face à lui, le chroniqueur « libertaire et vegan » Antoine Vallon. Ce n'était pas la première fois qu'ils étaient confrontés. Le libertaire ne cessait de l'attaquer sur les violences policières et lui reprochait d'avoir « intériorisé sa condition de dominé ». Ce n'était pas le pire.

De l'autre côté du bureau, se tenait une femme qui était, quelques heures auparavant, face à lui dans le petit bureau du quai des Orfèvres : l'avocate Renée Saint-Clair.

— Brigadier-chef, attaqua directement Pénélope d'Urcoven. Vous travaillez en ce moment sur l'attentat du métro, non ?

— Je ne peux pas parler de cette affaire, répliqua Nur.

— Certaines sources m'indiquent que le terroriste aurait un profil différent des autres fois, poursuivit la chroniqueuse.

— Comme, je vous l'ai dit : je ne peux pas parler des affaires en cours, se décomposa Nur.

— C'est pourtant une affaire qui intéresse hautement l'opinion publique. Celle-ci sera étonnée d'apprendre que le terroriste n'était autre que le célèbre professeur François Duchesne, célèbre militant laïc.

— Je ne suis même pas étonné ! s'esclaffa Antoine Vallon. Les masques tombent !

— C'est une véritable violation du secret de l'instruction ! s'énerva Renée Saint-Clair. Brigadier-chef, je porterai l'affaire devant le ministre !

— Maître, vous êtes concernée par cette affaire ? fit semblant de s'étonner Pénélope d'Urcoven.

— Bien sûr et le brigadier aurait pu vous le dire ! Je représente les intérêts de Madame Claire Duchesne.

— Je tiens à préciser que je n'ai... essaya Nur.

— Une facho défendue par une facho ! l'interrompit Antoine Vallon. Avant de partir d'un rire inquisitorial. C'est ce que je disais, les masques tombent !

Un piège, Pénélope D'Urcoven avait tendu un piège à Nur.


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Cher lecteur, chère lectrice, 

Merci beaucoup d'être arrivé jusqu'ici, d'avoir pris le temps de me lire. Merci à celles et ceux qui ont pris le temps de me faire des retours. Ils m'aident à perfectionner cette histoire et l'univers qui va avec. 

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