Chapitre 5 : L'indice !
— Tu as trouvé l'attaché-case ?
Bonisseur n'était pas le genre à s'embarrasser de détails. Il appliquait à la lettre la devise de son club de foot préféré : droit au but ! Nur posa la valisette sur la table. Il n'y avait rien dedans d'intéressant, pas même une lettre de revendication ou une vidéo d'allégeance. On y trouvait un livre annoté, une trousse, quelques crayons. Les seules feuilles manuscrites avaient pour objet un cours de philosophie politique consacré à Machiavel : « virtu et virtuoso ». Nur n'avait aucune idée de ce que ça pouvait signifier. En tout cas, ça n'avait rien à voir avec l'organisation Al Sayf !
— Pourquoi avoir laissé cette chose ? demanda Bonisseur.
— Je l'ignore. J'ai vérifié les vidéos. Il n'avait pas le sac à dos en entrant dans la station. Il a dû faire l'échange dans un angle mort. Je vais devoir éplucher les images.
— Tu es allé voir ton gosse ?
— Comment le sais-tu ? s'étonna Nur.
— Ganelon le tient de la femme d'Hubert qui bosse dans la même boite que ta femme... Ne le prends pas mal... on s'inquiète pour toi. Si tu as besoin de temps, ça ne m'arrange pas, mais je le ferai.
— Pas besoin, j'irai dormir à l'hôpital. Il faut que je te dise aussi que Pénélope me demande ce soir. Il va y avoir un débat et il faut un flic pour défendre la profession.
— Évite d'attaquer le ministre. Ce n'est pas le moment !
Nur savait qu'il flirtait avec la ligne rouge. Bonisseur lui passait beaucoup de choses car il le considérait comme un bon élément, efficace, précis.
— On a quelque chose contre la femme ? s'enquit-il.
— Elle a écopé de Saint-Clair comme avocate, bougonna Bonnisseur.
— La meuf d'extrême droite ? s'exclama Nur.
— Commise d'office... Elle défend l'innocence de son mari... Je crois qu'elle n'a pas la Baraka comme on dit chez toi.
Nur ne releva pas. Il n'aimait pas trop ce genre d'insinuations sur ses origines. Après tout, il avait grandi à Sevran.
— Il y a un truc qui me chagrine, avança-t-il. Ça ne ressemble pas à une Taqiyya. Ce type milite depuis une vingtaine d'année contre Al Sayf. Il n'y a aucune trace d'une quelconque conversion ou d'un voyage vers un pays suspect.
— C'est une bonne Taqiyya !
— A ce niveau, c'est même plus de la taqiyya, c'est un tour à la Arsène Lupin ! J'ai revu la vidéo. On n'entend pas ce que dit l'homme, mais je suis certains qu'il ne crie pas de slogan ou de cri de guerre. Je mets ma main à couper, qu'il hurle : « fuyez ! » Laisse-moi parler à la femme. J'ai plus de tact que Ganelon et Clément.
En voyant Nur entrer dans la pièce d'interrogatoire, le colosse et sa collègue se regardèrent étonnés. Sans leur demander quoi que ce soit, Nur s'installa face à la prévenue et son avocate. Clément et Ganelon ne dirent rien, mais leurs moues étaient équivoques.
La femme qui se tenait devant eux était visiblement désespérée, attaquée, désemparée. Nur sortit une nouvelle photo tirée de l'enregistrement des caméras de surveillance et la lui tendit. A côté de Claire Duchesne se tenait une femme brune, fine et élégante. Ancienne candidate d'un parti d'extrême droite ayant quitté la politique pour le barreau, Renée Saint-Clair s'était rendue célèbre en assistant plusieurs policiers victimes d'agression ou attaqués pour bavure. Clément en parlait souvent.
— Votre mari avait-il l'habitude d'écouter de la musique quand il marchait dans la rue ? attaqua Nur.
— Non, il mettait toujours un vinyle le soir pour se détendre, mais dans la journée, il écoutait peu de musique.
— On voit clairement sur cette image qu'il a quelque chose aux oreilles, montra Nur. Utilisait-il un kit main libre sur son téléphone ?
— Il n'utilisait plus de téléphone portable depuis un moment déjà. Il a été harcelé par des militants qui ont rendu public son numéro.
— Qui que vous soyez, nous aimerions connaître votre nom, l'interrompit Renée Saint-Clair. Ma cliente est fatiguée. Elle vient de perdre son mari...
— Brigadier-chef Nur Al Akhi. Je fais partie de l'équipe du lieutenant Bonisseur.
— Comment ? attaqua l'avocat.
— Vous m'avez demandé mon nom, je vous le donne maître Saint-Clair.
— Je vous vois venir, gros comme une maison. Certains terroristes écoutent des prêches avant de se faire sauter... Pas question que ma cliente ne suive vos propos.
— Nous disposons d'une vidéo du mari de votre cliente montrant qu'il portait sur son dos l'explosif qui a soufflé le quai et fauché la vie de plusieurs dizaines de personnes.
L'avocate resta interdite. Jeanne Duchesne était surprise.
— Mon mari aimait prendre le métro, raconta-t-elle d'une voix sourde. Il aimait le bruit de la foule. C'était un parisien pur jus. Jamais, il n'aurait laissé des écouteurs s'interposer entre lui et la foule. Et il n'écoutait pas de prêches...
— Vous avez dit qu'il avait reçu un coup de fil de La Sorbonne. Avez-vous répondu à ce coup de fil ? insista Nur.
— Non, j'en ai déduit que c'était la fac. Qui d'autre aurait pu appeler ? François travaillait sur son dernier livre. Le travail était pour lui une bouée de secours.
— Vous n'avez donc rien entendu de ce qui se disait au téléphone ?
— Ma cliente a déjà répondu à cette question, coupa Saint-Clair.
Nur déglutit. Bien sûr, ni Ganelon, ni Clément n'allaient lui en parler. Il réfléchissait en même temps que les faits commençaient à se faire jour dans son esprit. Saint-Clair agitait les mains pour marquer sa réprobation.
— Madame Duchesne, demanda Nur, j'ai besoin de savoir où est votre enfant.
— C'est une plaisanterie ? répliqua sèchement la femme.
— Je préfèrerai. Je réitère ma question. Pouvez-vous m'indiquer où se trouve votre fils Marius ? C'est bien Marius son nom ?
— Vous êtes une ordure !
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