Chapitre 10 : Al Sawt

Pénélope d'Urcoven était radieuse. Elle vint, elle-même, accueillir Nur, à la sortie du taxi.

— Nur, mon ami ! Quelle joie de te revoir !

— Où est ton informateur ?

— Je te le donne après le direct, mon chou... Sa révélation est une bombe et il est fiable, crois-moi.

— Je te préviens, si tu abordes l'attentat, je quitte le plateau.

— Oh, ne t'inquiète pas, avec l'Emplumé, nous aurons matière à parler. Figure-toi qu'il vient d'attaquer l'Elysée.

En entendant ces mots, Nur voulu repartir. Elle le retint.

— Il y a assez de flic là-bas et il en faut un ici pour contrer les attaques d'Antoine Vallon.

Dans le hall, les images projetées sur de grands écrans tournaient en boucle montrant la chaine d'information continue du groupe. Une journaliste parlait devant des grilles, mais comme il n'y avait pas de son, impossible de savoir ce qu'elle racontait. Nur reconnut cependant le palais de l'Elysée, où se trouvait un important dispositif policier.

En s'installant dans le fauteuil pour se faire maquiller, il vit entrer un homme aux traits fins et maquillé avec soin s'approcha de lui pour lui mettre de la poudre sur les joues.

— Priscilla n'est pas là ? s'étonna Nur.

— Pourquoi ? Ça vous dérange qu'un homme s'occupe de vous ?

— Non, pas du tout. C'était juste l'habitude de la voir.

— Elle a pris un congé. Il parait qu'elle a rencontré quelqu'un.

L'homme avait une voix suave, douce, des yeux soulignés au khôl, de longs cheveux bruns et une petite barbe taillée très fine. Ses gestes étaient précis et très doux. Il ne parla pas, laissant Nur réfléchir à son affaire, puis, quand le moment vint, il lui tendit les oreillettes. Voyant que Nur tiquait l'homme lui demanda :

— Vous avez peur de les mettre ? Un policier comme vous.

— Vous savez qui je suis ?

— Bien sûr. Pénélope informe toute l'équipe sur ses gladiateurs du jour.

— Des gladiateurs ?

— Bien sûr, elle vous choisit même par paires comme les gladiateurs des temps anciens. Elle oppose ainsi des gens qui peuvent se frapper mutuellement. Vous, vous êtes le Mirmillon, tandis que Vallon c'est le Rétiaire. Il essaye toujours de vous attraper dans ses filets.

Nur sourit en imaginant les combattants de cette arène et il installa ses oreillettes. Dans le couloir, les vidéos montraient le palais de l'Élysée et un bandeau indiquait que l'homme masqué y était retranché. Nur s'installa sur le plateau, imité par les autres invités, dont Vallon. Le chroniqueur souriait de ses dents de carnassier végétarien.

— Détendez-vous brigadier, vous avez l'air crispé !

La voix était venue des oreillettes. C'était la voix du maquilleur. Nur voulu se débarrasser de l'appareil, mais ses bras ne bougeaient plus.

— Vous me décevez beaucoup, cher Nur, poursuivit la voix suave. Vous qui portez un prénom signifiant la lumière, vous vous mettez au service de ces mécréants. Duchesne méritait de servir d'exemple.

Nur essayait désespérément de répondre ou de bouger. Il se demandait si l'autre pouvait entendre ses pensées.

— Vous vous demandez ce qui vous arrive ? C'est assez simple. Le Très puissant m'a donné un don, un don pour châtier ses ennemis. Il est fini le temps où les nôtres devaient se sacrifier pour tuer les kuffars, dorénavant, ce sont nos ennemis qui meurent à notre place en rendant grâce.

— Nous avons un peu de retard ce soir, à cause du direct depuis l'Élysée, annonça Pénélope. Apparemment, l'emplumé est passé à l'acte.

Nur ne pouvait rien faire. Il essayait de répondre à la voix, mais l'être ne l'entendait pas. Il contrôlait son corps mais pas ses pensées !

— Cette idiote de journaliste parle trop, poursuivait la Voix. A moins que ce ne soit toi qui parle trop monsieur Nur. Bref, je suis au courant de votre petit manège pour la révélation qu'elle te fait miroiter. Tu permets que je t'emprunte ta voix ?

Le brigadier n'eut pas le temps de comprendre que sa bouche s'ouvrait pour demander :

— Madame D'Urcoven, vous n'aviez pas un contact à me donner.

— Nur, ça va ? Tu es bizarre ?

— Oui, pourquoi ?

— C'est la première fois que tu m'appelles par mon nom en me vouvoyant. Je te donnerai le contact après l'émission, comme promis. Un deal est un deal.

— Je ne vais pas quitter le plateau, reprit la voix à travers Nur. Tu peux bien me faire cette fleur. Je risque ma place ce soir pour toi.

— Ne t'inquiète pas. Tu auras la lettre avec le nom de ton contact après l'émission, dans le taxi qui te conduira chez toi. Je veux m'assurer que tu ne files pas comme hier.

Nur aurait aimé pousser un soupir de soulagement, mais la voix ne lui laissa pas le temps.

— Elle se pense maline. Ce soir pendant le direct, tu la tueras en criant une louange. Tu serviras d'exemple à tous les tièdes. Moi, je récupèrerai l'information qui t'es destinée dans le taxi. Allons, détends-toi. J'ai même pensé à placer le couteau sous la table. Sens.

Les doigts de Nur se déplacèrent sans qu'il ne le veuille. Il trouva la forme du couteau scotché sous la table. La voix faisait tourner sa tête à droite et à gauche pour mieux repérer les différentes personnes susceptibles d'intervenir. Une seule chose retenait encore Nur de ce funeste sort : le direct depuis l'Élysée n'était pas terminé. L'emplumé sévissait encore. 

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