Chapitre 1 : la crypte
« No more heroes ! It's France ! » Le tag sur le mur avait un message limpide. Il était la dernière chose qu'on pouvait percevoir à la faveur de la lumière extérieure lorsqu'on pénétrait dans le souterrain, l'ultime vérité d'un monde désenchanté. Le père Paul-Marie referma derrière lui, tout en maintenant le carton dans ses bras. À l'intérieur, il portait des produits d'entretien et d'hygiène personnelle. Le prêtre n'était pas sûr de trouver la Souris et sa bande dans leur repaire habituel, à cause du charivari en surface. Il lui fallait un prétexte pour se rendre ici.
Tout le monde appelle ces lieux : « les catacombes », en réalité, il n'y a pas qu'un seul type de souterrain sous la ville de Paris. Ici, dans le XIIIè arrondissement sous le boulevard Saint-Marcel, il s'agit des tunnels qui conduisent aux anciennes carrières, il y a également les égouts et même une rivière !
Depuis le tunnel crasseux où il se dirigeait à la lueur de sa vieille lampe torche, le prêtre pouvait entendre la Bièvre couler. Sans surprise, dans la salle en béton squattée, il ne trouva personne. Les matelas étaient vides, des boîtes traînaient ici et là. L'attentat du métro avait remis en cause tous les territoires de manche et les « punks à chiens » devaient s'imposer pour retrouver un espace.
Le prêtre abandonna le carton sur la table pliante. Un jour, la Souris lui avait interdit d'amener de la nourriture, elle ne « voulait pas la charité ». Le prêtre avait trouvé une parade, il avait apporté des produits d'entretien... des cadeaux, pas la charité. Ils avaient accepté.
Les punks ne s'étaient jamais doutés de l'autre raison de ces visites dans les souterrains. Comment auraient-ils pu ? Le père Paul-Marie était le curé de la paroisse Saint-Marcel, une église construite dans la seconde moitié XXè siècle, pas le genre de lieu qui cacherait un secret ancestral. Armé de sa lampe de poche, il se dirigea dans le noir hâtivement. D'après ses calculs, la crypte n'était pas à une grande distance de la station de métro où le mur s'était effondré.
La porte en fer, posée secrètement durant la Révolution, était intacte. Avant d'y insérer l'unique clé qui existait pour l'ouvrir, le curé tendit l'oreille. Quelqu'un approchait. Paul-Marie se hâta d'entrer et de refermer derrière lui. Des pas claquèrent. Un groupe d'hommes se déplaçait dans le noir ! Savaient-ils pour la relique ?
— Quelque chose a bougé ! lança une voix d'homme.
— C'est un rat ! Tu as rêvé, lui répondit un autre homme.
— Là, sur ce mur ! .
— Tu vois bien qu'il n'y a rien !
Paul-Marie compta deux hommes qui se répondaient dans le noir, mais les pas indiquaient un groupe plus important, cinq personnes. Heureusement, ils ne pouvaient voir la porte. C'était son secret, le secret des curés de Saint-Marcel, un secret qui avait survécu à toutes les reconstructions, car la première chapelle se tenait dorénavant sous le Boulevard.
Lorsque les pas s'éloignèrent, le prêtre se retourna. Il huma l'odeur de vieille pierre du lieu. Ses yeux habitués au noir percevaient à présent la forme de l'autel et de la chasse qui le recouvrait. Avant de dire une prière au saint dont l'écharpe dormait dans le lieu, le père Paul Marie remarqua l'étrange lueur qui s'échappait d'un mur. Il s'approcha. La pierre avait cédé la place à de la toile d'araignée ! Une toile épaisse. Un peu de la lueur du couloir parvenait dans la crypte donnant à la toile un aspect irréel. Le mur s'était effondré, mais quelque chose l'avait recouvert ! C'est alors que le prêtre perçut un mouvement derrière l'autel.
Il se retourna et braqua sa vieille lampe torche sur la forme. Sur l'autel, la chasse était ouverte ! L'écharpe n'y était plus ! Au sol, quelqu'un grogna.
— Qui est là ? s'inquiéta le prélat.
Le corps se releva. Aveuglé par la lampe, il levait la main devant ses yeux. Cette main n'était pas une main « normale ». Sa couleur oscillait entre le marron et le vert. Elle rappelait à la fois la peau des crocodiles, mais avec des poils comme ceux des castors. Paul-Marie écarta la lampe. L'être semblait perdu. Son visage avait une forme humaine. Ses vêtements, poussiéreux, étaient ceux d'un humain normal : cuir noir, chemise blanche et jean. Il arborait autour du cou, l'écharpe rouge de l'évêque Saint-Marcel.
— Que m'avez-vous fait ? demanda-t-il.
— Rien, lâcha le prêtre. Je vous connais ? Votre voix me dit quelque chose ?
— La musique ! insista la créature. C'était vous ?
— Je ne comprends pas ce que vous dites.
— C'est la musique qui m'a amené ici.
— Cet endroit est secret, personne n'est censé le connaître, expliqua le prêtre. Comment êtes-vous entré ?
— Par-là ! indiqua l'être. Il y avait un trou avant que les araignées ne le recouvrent.
— Qui sont les hommes qui vous poursuivent ? relança le prêtre.
— Mes collègues... Je ne peux pas aller les voir comme ça... Je ne sais pas ce que je suis... Cette peau...
— Je sais qui vous êtes, annonça le prêtre. Vous êtes le dragon de Paris. Je répète ma question. Comment êtes-vous arrivé ici ?
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