Apophtègme III - Ne pas jurer

"Shaïly  et son petit frère ont été expulsés du village pour avoir enfreint Le Dogme. La jeune fille, qui en veut atrocement à l'inconnu aux cheveux blancs, l'a surnommé Break  en référence aux meurtres qu'il a commis. Par un concours de circonstance, ils se retrouvent obligés de voyager ensemble et arrive dans une auberge pour la nuit..."


Le réveil fut difficile; l'aubergiste les informa qu'elle avait fait venir le médecin pour eux. Ils remirent les vêtements qu'elle leur avait donnés la veille puis descendirent dans le salon de la pension.
Ils y virent un vieil homme portant un costume assez sophistiqué et une cape de médecin. Il portait également une mallette brune qui devait contenir moult instruments médicaux et autres sérums visqueux. Cet homme avait un air assez sérieux et une barbe finement taillée qui renforçaient l'image du noble déchu qu'il renvoyait.
Il commença par examiner le plus jeune. Il lui tâta le cou, les côtes, les hanches, le coucha, l'assit, le leva, lui regarda les oreilles et les yeux puis finit par avoir un diagnostic:

- Ce petit est bien maigre, je ne sais pas qui sont ses parents mais il est important de bien nourrir un tout jeune gars comme celui-ci.

- Et c'est tout? Demanda timidement l'aubergiste

- Et bien! Sourit-il. Il ne semble pas abriter de démons!

S'en suivit de la jeune fille. Elle eut droit au même traitement que son présumé frère. À la fin de l'examen, le médecin affirma:

- Cette jeune fille semble atteinte d'un mal plus profond... Il me paraît trop tôt pour pratiquer une quelconque médecine mais...

L'homme resta perplexe quelques secondes, la mine grave et une esquisse sembla se former sur son visage:

- Je ne peux que vous donner ce remède seulement il est assez cher, voyez-vous?

La demoiselle répondit qu'elle n'avait pas d'argent et le médecin passa directement à son troisième patient sans une once de compassion.
Encore une fois, ce fut le même rituel et le vieil homme déclara, une fois son analyse terminée:

- Du mauvais sang s'est formé autour des blessures. Je recommande des saignées.

Il l'emmena dans la chambre juxtaposée au salon: une sorte de débarras en cloisons qui ne présentait qu'un seul lit et un bidet pour faire sa toilette. On entendit hurler le jeune homme jusque la devanture de l'auberge. Lorsqu'ils revinrent, l'adolescent était très pâle et tremblait. Jamais la jeune fille ne l'avait encore vu si faible. Elle qui le croyait invincible découvrit un autre aspect de sa personne qui le rendait, d'après elle, plus humain.

Le médecin partit de l'auberge, laissant les jeunes se remettre de leurs émotions et c'est lorsqu'il n'y eut plus aucun bruit qu'ils entendirent des sanglots. En cherchant d'où ils provenaient, ils s'aperçurent que leur hôtesse n'était plus avec eux. En tendant un peu plus l'oreille, ils se dirigèrent vers la cuisine d'où provenaient les sanglots et trouvèrent l'aubergiste en larmes:

- Pourquoi pleurez-vous? Questionna la jeune fille

- Oh, mes petits! Connaissez-vous la détresse d'une mère? Rien n'est plus important pour elle que son enfant et le mien, on me l'a arraché. Je suis tombée sur cette photographie en entrant dans la cuisine, elle m'a rappelée mon fils: il s'appelait Noilyk, il était si beau! On m'a dit qu'il était différent, qu'il ne fallait pas qu'il soit en contact avec les autres et ils me l'ont enlevé.

- Votre fils?

- Oui, il avait un don extraordinaire, il était merveilleux...

- Je...

- Il me manque tant ! Mon petit Noilyk...

La brunette observa la, de feu, mère d'un œil triste. Elle qui avait si peur de perdre un proche, elle ne pouvait que la comprendre. Alors, en cette matinée d'hiver, elle enfreint une nouvelle fois les lois... Ne pas jurer... « Le Dogme » la punira.

- ... O-On va le retrouver, je vous le promets! Jura la brune

- Que D. vous protège...

Ils remercièrent l'aubergiste à profusion pour son service puis sortirent de la pension.
Dehors, on entendait de partout chuchoter: " C'est le commandant Hugues!" ou " Déjà commandant en chef à seulement dix-sept ans, il est incroyable!"

Un jeune homme défila dans la rue, suivit de deux soldats. Il avait des cheveux gris, qui lui tombaient un peu au dessus des épaules, dans un mouvement qui rappelait des vagues, et une immense balafre qui lui barrait la moitié du visage. Cette cicatrice était si profonde qu'on n'aurait pu déterminer par qui ou quoi elle avait été causée. Il était grand, très grand, son uniforme beige lui sciait parfaitement et son regard brun, fin tel une lame de rasoir, était dur, déterminé et imposait le respect. Il passa comme un torrent, les gens s'écartant de la route sur son passage. Le commandant Hugues avait dix-sept ans, il en paraissait dix de plus.

Tout en continuant son chemin, le militaire jeta un coup d'œil furtif au garçon "F", geste qu'il regretta immédiatement après pour une raison qui lui échappait. Pourtant, la mine sévère de ce garçon lui évoquait quelque chose...
Il sortit de sa poche un vieux papier un peu froissé, se plongea dans ses pensées et susurra: " Thomas...". Un de ses deux subordonnés lui glissa à l'oreille:

" - Commandant Hugues, vous devriez ranger cette image, les gens vous dévisagent...

- Je t'ai déjà demandé de m'appeler Hugo. J'ai horreur de toutes ces formalités et puis tu es plus âgé que moi alors oublions ces politesses, veux-tu?"

Il remit le papier à sa place puis reprit son air sérieux en continuant de marcher.

Le garçon aux cheveux blancs,quant-à-lui, était toujours tremblant à cause des saignées mais plus que tout extrêmement intrigué par ce personnage qui l'avait regardé, durant une demi-seconde, avec cet air mi-glacial mi-indifférent. Il ne savait pas pourquelles raisons mais ce jeune homme lui évoqua une sensation encore inconnue : le frisson.

Il pensa soudainement à une chose. Il se retourna vers la fille et le garçonnet:

- Dîtes, vous n'êtes pas vraiment frère et sœur, vous deux, je me trompe?

Cette question les surprit. Ils marquèrent une pause:

- C'est vrai, comment tu le sais? Finit par répondre la jeune fille

- A vrai dire, je ne sais pas vraiment. Disons que tu me fais ressentir quelque chose que ton frère ne m'évoque pas ; comme une sorte de... respect par défaut.

Cette conversation terminée, le jeune homme suggéra de découvrir les environs. Ses deux compagnons acceptèrent et ils se mirent en route. Ils trouvèrent un parc où plusieurs enfants jouaient au loup. Le petit brun voulut les rejoindre, ils ne s'y opposèrent pas et s'assirent sur un banc, en face, pour discuter:

- Comment connaissais-tu cette auberge? Demanda la demoiselle

- ... Je n'aime pas trop y repenser, désolé.

- Dis, j'y ai déjà pensé: tu sais communiquer donc j'imagine que tu as déjà eu un contact humain.

- Oui... Souffla-t-il. J'en ai eu plusieurs, ça ne s'est jamais bien terminé.

- Ils sont morts?

- Certains, oui.

- ... Moi, je ne sais pas si je pourrais supporter la disparition d'un proche.

- On s'y fait toujours, c'est la vie.

- Je ne sais pas...

Le garçonnet revint, la partie de loup étant terminée. Ils continuèrent à explorer les environs.

La ville était si grande et belle ; le petit se disait qu'elle devait regorger de mystères et de cachettes. Il se prit donc à espérer pouvoir y rester même si au fond de lui, il savait bien que c'était impossible. Il voulait juste un endroit tranquille où rester avec sa sœur adorée ; peu importait où tant qu'il était avec elle : elle était son ange gardien, il ne pouvait pas se permettre de se séparer d'elle. Et si, un jour, cela devait se produire, il pourrait bien devenir le diable en personne.











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Merci d'avoir lu!

J'espère que ce chapitre vous aura plu, le prochain sera assez différent de ceux d'avant, il incarnera un autre point de vue.

Enfin, moi je vous retrouve dans le prochain chapitre, merci et à plus <3

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