La véritable histoire de Jack-O-Lantern (2)

Au petit matin, Jack se réveilla seul, nu au milieu des bois. Lucifer était parti, pour trouver sûrement une autre àame à tenter, pensa Jack avant de se rhabiller pour retourner au village. 

Les rues étaient étonnamment bondées ce matin-là, et il eut du mal à savoir à quoi était dûe cette agitation. Il se fraya un chemin parmi la foule jusqu'à la place publique et ouvrit de grands yeux ronds en voyant qu'un prêtre ordonnait à deux hommes de remonter la corde du puits. Il sentit son cœur s'arrêter de battre lorsqu'il vit que ce qu'il remontait était le corps d'une petite fille d'à peine quatorze ans qu'il connaissait. 

Sans réfléchir, il se précipita près d'elle et la détacha en paniquant, désespérant qu'elle ne respire pas. 

-Willow... Hey Willow regarde-moi... Willow ! 

-Jack, écarte-toi de cette catin du diable ! clama le prêtre en brandissant une croix. Le Seigneur purifiera son âme damnée. 

-Qu'est-ce que vous lui avez fait ?! hurla presque Jack en pleurant devant le corps sans vie de son amie. 

-Elle parlait de magie noire, commença une bigotte en se signant. Elle a été questionnée... 

-Vous l'avez noyés ! Avez-vous donc si peu de cœur pour tuer une gamine ?! 

-Mon fils, remets ton âme entre les mains de Dieu et sèches tes pleurs, continua le prêtre. Le mal est vaincu, elle ne causera plus de malheurs. 

-Mais quels malheurs ? Trois bœufs morts de maladie ? Des pommiers malades ? Une récolte insuffisante ? Vous vous rendez compte que vous avez tué une fille parce que la nature se montrait capricieuse ? 

Jack sanglota un peu avant de relever ses yeux noyés de larmes vers l'assemblée silencieuse et froide. 

-Vous tous ! Vous avez tué une de vos filles pour un Dieu aussi cruel ?! 

-Tais-toi, infidèle ! grogna un vieillard. 

-Tu ferais mieux de sauver ton âme, Jack, fit un autre. 

Mais l'irlandais ne voyait que l'horreur d'une mort inutile. Il prit le petit corps de la gamine contre lui et sanglota un long moment, assez long pour que les autres quittent la place sans se soucier de la petite orpheline noyée qui avait été une amie et était désormais proscrite des mémoires. 

Une main chaleureuse se posa sur l'épaule du jeune homme qui n'eut pas le courage de la repousser. 

-Tu l'as prise ?... 

-Non, répondit doucement Lucifer. Son âme était d'une pureté rare, la pureté des enfants. Elle est désormais parmi les anges... 

-Alors c'est ça que Dieu enseigne à ses fidèles ? murmur-t-il d'une voix éteinte, ayant cessé de pleurer. Noyer ceux qui sont différents sur la base de simples spéculations ? 

-Ce n'est pas Dieu qui a noyé cette fille, Jack, ce sont les humains qui croient que la survie passe par la mort. 

L'irlandais ne répondit rien et se contenta de prendre le petit corps dans ses bras avant de se lever pour se diriger vers le cimetière. Lucifer le suivit, incapable de se détacher de la tristesse de son âme et du mal que ça lui faisait de voir ses grandes pupilles émeraude emplies de désespoir. 

La petite avait désormais eu une sépulture décente avant midi. 

Mais Jack ne quittait pas la tombe des yeux, à genoux, refusant de partir, certains que d'autres viendraient pour se moquer de celle qui avait été leur amie. Le Diable resta, lui aussi, mais il hésitait. Son devoir avait toujours été de mener les âmes en Enfer, de les tenter pour les arracher à Dieu. Mais que pouvait-il fiare contre une âme si claire et bonne que l'était celle de Jack ? Le jeune homme ne croyait pas en Dieu, il le haïssait désormais, mais il n'avait rien commis d'affreux. Un jeune homme si beau, intelligent, empathique, bon, généreux, qui n'aurait jamais droit au Paradis à cause de sa foi ? Est-ce que le Seigneur était si cruel ? 

-Jack, je ne renoncerai pas à ton âme, murmura le Diable sur un ton envieux qu'il ne se connaissait pas. Je t'obtiendrai même si cela doit durer une vie entière... 

-Dans ce cas revient dans un an, lorsque mon âme aura retrouvé un semblant de bonheur, trancha Jack en se relevant. Je te demande cette faveur pour une simple année, rien de plus. J'ai... besoin de retrouver le sourire... 

Lorsqu'il se tourna vers Lucifer, ce dernier n'avait jamais rien vu d'aussi beau. Il souriait tristement et pleurait en silence, chaque larme était un diamant liquide. 

-Tu veux bien m'accorder cette faveur, Lucifer, ange déchu ? 

Deux mots qui firent chavirer le cœur du damné. Ange déchu, c'était un terme que personne n'utilisait pour lui parler directement. Ils disaient tous le Diable, le Malin, l'Adversaire, le Mal, mais ne le voyait jamais comme un ange qui avait une fois chu d'un Paradis perdu. Son cœur se mit à battre plus fort et il céda, incapable de voir ces yeux qu'il aimait tant noyés dans tant d'horreur. 

-Je te laisse un an, puis je viendrai prendre mon dû, soupira Lucifer en s'éloignant pour ne pas revenir sur sa promesse pour un regard. 

Jack hocha la tête pour lui-même et, alors que le Diable s'éloignait, il lui prit le bras pour le retenir, vérifia que personne n'était présent, puis l'embrassa passisonément. Lucifer ouvrit grands ses yeux de braise et lui rendit avec une fougue qui les fit rougir et fantasmer sur la nuit précédente, mais ils durent se séparer à regret, et le Diable quitta le village. 

Pendant un an, Jack apprit à vivre de nouveau au jour le jour, à sécher ses larmes et à rire de la vie. 

Peu de temps après le départ de Lucifer, un énorme chien noir aux yeux verts était venu dans le village. Les habitants l'avaient pris pour un mauavsi présage, mais lorsque ce chien s'avéra très protecteur envers Jack et sles jeuens enfants, ils finirent par ne même plus remarquer sa présence. 

Pendant un an, Lucifer veilla sur Jack sans autres pensée que la chaleur de ses caresses, la douceur de sa peau, et la malice de son regard. Il avait observé sans intervenir, sans rien faire d'autre qu'être comme un animal de compagnie, mais même cette place valait bien toutes les attentes du monde. Jack, son Jack, avait retrouvé le sourire, il était si joyeux et tendre avec chacun, que même ses blagues et pitreries étaient presque tolérées. 

Puis vint la date fatidique, comme un sablier qui s'écoule le temps était passé et le Diable devait revenir prendre l'âme de cet homme magnifique. Mais les lois étaient ainsi faites : lorsqu'un mortel l'approchait comme un papillon attiré par une flamme, cet être était sa proie, son exclusivité, et un être souillé par le Diabe, le maître des Enfers. L'individu perdait son être entier, ce qui faisait de lui un être particulier, pour être englouti par le Diable en personne. 

Lucifer se présenta un soir que Jack était dans une grange à somnoler, et il s'approcha de lui sous forme humaine, plus rayonnant de beauté qu'il ne l'avait jamais été.

-Jack, le salua-t-il avec cérémonie, comme pour garder une certaine distance avec son amant d'une nuit. 

 L'irlandais se redressa en entendant cette voix de velours liquide et eut un sourire à faire pâlir le soleil avant de se lever pour venir vers lui, tendant la main vers lui. Lucifer sentit toute sa volonté s'ébranler et il prit sa main dans la sienne avant de succomber au baiser enflammé de l'irlandais. Comment un mortel pouvait-il lui faire tant d'effet ? 

-Tes lèvres m'avaient manqué, susurra Jack en descendant ses baisers dans le cou du Diable. Même si tu n'étais jamais loin de moi... 

-Comment peux-tu savoir où j'étais, murmura Lucifer en laissant les mains baladeuses descendre vers ses hanches. 

-Tu es un piètre menteur, pour un diable, sourit Jack. 

Lucifer eut un mince sourire et prit l'irlandais par la taille avant de l'embrasser de nouveau, dominant cette fois le baiser avec ardeur, oubliant presque la raison de sa venue. Mais Jack s'écarta légèrement, comme à regret. 

-Tu peux prendre ce que tu étais venu chercher, je ne t'en empêcherai pas... 

-Jack... 

-Je me doute bien que la luxure n'est pas ce qui t'empêchera de m'emporter au royaume des damnés, sourit-il tristement comme s'il détestait ses propres paroles. J'ai déjà blessé ton égo une fois, il est normal que tu ais ce qui te revient de droit... 

Mais le Diable, pour la première fois, n'avait pas envie de jouer son rôle. Il avait envie de plus qu'une simple coucherie tentatrice, il voulait plus qu'un regard triste et résigné. Sans répondre au jeune homme, il le plaqua au mur et l'embrassa passionnément come il ne l'avait jamais fait pour personne. Jack sursauta en ouvrant grand ses pupilles d'émeraude et passa ses bras autour de son cou, caressant les longues mèches ébène et soyeuses. 

-Jack, murmura le Diable avec envie. Vends-moi ton âme... 

-Lucifer, qu'est-ce que tu racontes ? ne comprit par l'irlandais qui rougissait fortement. 

-Passons un contrat, obtiens ce que tu veux de moi, et vends-moi ton âme, répéta le brun en le dévisageant de ses pupilles de braise. Je pourrais t'offrir une vie tellement meilleure que cette vie de misère, je te rendrai riche, tu seras roi, empereur, tu pourras avoir toutes les femmes et tous les hommes du monde à tes pieds, tu pourras châtier ceux que tu haïs... 

-Lucifer... 

-Tu n'abandonnerais pas ton âme au diable pour rien, insista-t-il en laissant sa voix supplier l'irlandais. Tu pourrais devenir tellement plus qu'un simple voleur Jack... 

-Lucifer, je n'échangerai ma vie pour rien au monde, sourit tristement le concerné. Ma vie vaut bien celle des empereurs et des rois... 

-Mais... 

Jack sourit et posa un doigt sur ses lèvres avant de revenir l'embrasser avec avidité. 

-Je te donnerai mon âme sans hésiter si tu pouvais me promettre une simple chose, Lucifer... 

-Laquelle ?

-Si tu m'aimes, alors je serais à toi pour l'éternité. Promets-moi de ne jamais m'emmener en Enfer et de m'aimer jusqu'à la fin des temps, et je suis tout à toi, mon ange aux ailes noires... 

Ses mots si tendres et si suaves firent frissonner le Diable qui lui rendait un énième baiser avec ardeur. Comment, dans ces conditions, aurait-il pu résister à l'envie de lui offrir tout ce qu'il demandait ? 

-Je te le jure sur mon âme damnée, murmura-t-il au creux de son oreille. Je suis incapable de résister à tes charmes surnaturels, irlandais... 

Jack sourit et ricana, la malice de ses yeux brillant comme un diamant. 

-Tu es si facile à duper pour un diable... Tu n'avais rien à me promettre, je t'ai déjà offert tout mon être lors de la première nuit que nous avons passé ensemble... 

-J'aurais pu promettre n'importe quoi pour toi, sourit le Diable en le déshabillant sans attendre, caressant la peau pâle, les mèches rousses et flamboyantes, embrassant la chaire avec envie. 

Pour une nuit et pour un seul être, le Diable avait vendu son âme. 

La chaleur de sa peau contre la sienne, la flamme d'une passion éternelle qui faisait danser leur cœur à un rythme effréné, tout cela était un délice qui dépassait la simple luxure et l'amour mortel. 

Ils y mirent leur cœur, leur amour, leur ardeur, leur être entier, et ils ne se quittèrent pas lorsque la nuit enveloppa le village, la colline, le monde autour d'eux. Ils étaient l'un contre l'autre au petit matin, et ils se promirent une vie ensemble tant que durerait la vie. 

******

Les jours étaient paisibles, les nuits enflammées, et ils laissèrent le temps s'écouler comme s'écoulent les fleuves, calmes et tempétueux à la fois. 

Ce jour-là, Jack dansait sur la place du village en chantonnant une vieille chanson qui courait dans les mémoires comme un refrain oublié, devant un public qui riait de ses pitreries et de sa propre bonne humeur. Lucifer était en retrait, personne ne le remarquait, et il souriait comme un bienheureux, regardant tendrement la silhouette de son amant entraîner les jeunes enfants dans une ronde. 

-So ride ! Ride ! Ride from the Dullahan ! Ride, Ride, Ride from the Dullahan, ride !

Pourtant cette bonne humeur fut troublé par un prêtre qui arriva de nouveau en exhortant les villageois à se disperser et à ne plus écouter ce chant de païen. Jack, mécontent de voir que les autres obéissaient en se signant, s'arrêta de danser et de chanter et s'approcha du prélat. 

-Qu'est-ce qu'une chanson et une ronde peuvent bien faire ? râla-t-il, plein de rancœur. C'est un amusement, une source de joie ! Nous faisions toujours des fêtes où était chantée cette chanson ! 

-Les mythes hérétiques ne devraient pas être glorifiés, gronda le prêtre en présentant sa croix. Seule la vraie religion doit être fêtée ! 

-Et si votre Dieu n'existait pas, qu'est-ce que cela changerait ! 

La foule poussa une exclamation de stupeur à cette affirmation et Lucifer se rapprocha doucement de Jack, inquiet de la tournure que prenait la scène. 

-Tu oses ! clama le prélat. Tu oses douter de la parole du Seigneur ! 

-Je suis un hérétique, non ? s'emporta l'irlandais, aveuglé par sa colère. Je vénère les dieux de mon peuple, pas un dieu qui est incapable de sauver une jeune fille des griffes d'hommes aussi hypocrites que vous ! 

-Tu vas trop loin, Stingy Jack, fit un homme en l'empoignant par le bras. 

-Tu n'apportes rien que du malheur autour de toi ! cria un autre en lui attrapant l'épaule. 

-Ton âme est corrompue par le Diable, murmura une bigote. Tu vénères les démons anciens... 

-Mais enfin, lâchez-moi ! paniqua Jack en se débattant. Je suis votre ami, j'ai grandi parmi vous, je vous connais et vous me connaissez ! 

Mais personne ne l'écoutait, tout le monde ne faisait plus que murmurer des litanies de prières et des injonctions aux deux hommes qui emmenaient l'irlandais parmi la foule. Lucifer sentit son cœur mourir un instant dans sa poitrine avant d'écarter violemment les autres. 

-Laissez-le tranquille, clama-t-il d'une voix forte en laissant son regard devenir un puit de lave. 

Les autres s'écartèrent devant la froideur de cet être qui s'avançait vers Jack, toute sa haine des hommes déployée comme une vague de ténèbres. Le prêtre recula un peu mais prit son courage à deux mains avant de brandir un petit crucifix. 

-Arrière, démon ! 

Le Diable jeta un regard froid à l'homme d'église et fit un simple geste pour l'écarter de son chemin, prenant soin de garder l'irlandais contre lui. 

-Touchez à ce jeune homme encore une fois, et je tue jusqu'à al dernière femme, jusqu'au dernier enfant de ce village, gronda-t-il en déployant des ailes d'un noir d'ébène. 

Tous se mirent à crier au Diable et au Malin en courant dans tous les sens, proférant des malédictions à l'égard du Diable qui ne fit qu'un mouvement avant de disparaître dans un amas de plumes. L'instant suivant, lui et son amant étaient sur la colline qui surplombait le village, les pupilles malicieuses de l'irlandais noyées de tristesse, de nouveau. 

-Jack, murmura-t-il en embrassant sa joue. Tu n'es plus en sécurité dans ce village... 

-Ils m'auraient tué pour un Dieu, trembla-t-il en s'accrochant à la chemise de Lucifer qui caressait doucement sa joue. 

-Ils ne feront rien, parce que je t'emmènerai loin d'ici, dans un endroit où personne ne te fera de mal... 

-Promets-moi que tu resteras toujours avec moi, peu importe l'endroit... 

Il n'eut pas besoin de le lui promettre avec des mots, il le lui prouva plus d'une fois avec tendresse, dans ce lieu où ils l'avaient fait pour la première fois. La nuit emporta de nouveau leurs angoisses, que le soleil leur rendrait à l'aube. 

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