Vinchenso.

Love is a necessary tragedy.

Derrière la vitrine qui domine la devanture du restaurant je l'observe en attendant qu'elle termine son service.
Ses gestes sont précis mais fatigués. C'est toujours la même mais en plus lasse. Ma vendetta a besoin d'être assouvie et pour y arriver j'ai du faire des sacrifices, la sacrifier elle.
Elle doit penser que je la déteste et quelque part elle a un peu raison.
Le soucis quand on a été élevé à la dure c'est que le moindre sentiment est perçu comme une faiblesse. Je n'ai pas le loisir d'accepter ça. Si je veux venger les miens, me venger de celui qui m'a arraché à une autre vie, une vie meilleure, je suis obligé de la laisser sur le bord de la route. Je ne peux pas me perdre, perdre mon objectif.
J'essaye d'oublier la trahison dans son regard de braise. Avant, j'y lisais une joie que je lui enviais en secret. Elle a été éduquée dans le même milieu que moi pourtant elle avait su garder sa part mielleuse et tendre. Je crois qu'elle n'a pas compris pourquoi mes hommes la regardaient avec autant de curiosité. Ce n'est pas simplement parce qu'elle possède une beauté profonde, c'est pour l'éclat dans ses yeux et l'aura qu'elle dégage. Il y a une petite fille derrière le guerrier. C'est ça qui m'a fasciné chez elle, qui m'a attiré comme un aimant. Elle représente tout ce que j'aurais voulu être alors en étant avec elle c'est comme si je touchais mes rêves du bout des doigts.
Je pense que je lui ai volé ça. Je voulais m'accaparer sa lumière alors je lui ai prise. Maintenant elle brille moins. Et moi je n'en suis pas plus lumineux.
J'aimerais lui rendre sa lumière mais c'est trop tard, je l'ai écrasée entre mes doigts sans le savoir.
Je l'ai cassée.

Elle ouvre la porte et salut quelqu'un derrière elle. Elle marche lentement et je la rattrape. Je lui agrippe l'épaule et elle se retourne lasse.

- Que veux tu Vinchenso ?

Elle laisse sa bouche entrouverte comme si c'était trop épuisant pour elle de faire ce geste, comme si elle était déjà trop fatiguée.
Je vois les cernes sous ses yeux. Des nuances de bleu et de mauve alourdissent son regard qui ne pétille plus beaucoup. Ses traits sont douloureusement tirés.
Une voix émerge en moi, me pousse à la prendre dans mes bras et à recoller par cette étreinte nos morceaux cassés.
Mais je l'étouffe avec ma haine alors elle se meure en moi.
Je ne le sais pas encore mais je viens de choisir entre deux chemins que me proposait le destin. C'était ma dernière chance, je ne peux plus faire marche arrière. La fin de notre tragédie est enclenchée. Je vais la détruire, je le sens déjà sans en avoir pleinement conscience.

- Je veux que tu me conduises à ton père.