17.

Anastasia.

Ici survivre est un exploit,faut pas lâcher.Leur modèle c'est le travail à la chaîne,moi je suis pas un esclave.Ils sont déjà malheureux les jeunes,alors les vieux ...

La journée avait été calme jusque là pourtant je n'avais pas arrêté de m'en faire.
Derrière mon comptoir voilà quatre heures que je voyais
le visage déconfit de Valentine qui avait passé la matinée à regarder par la baie vitrée de la boutique.
Sur son visage d'enfant aux traits fatigués on y lisait l'expérience.Comme si elle connaissait tout,comme si elle s'était lassée de la vie.
A seize ans personne n'aurait dû savoir que la vie était un cadeau merdique.
Elle n'aurait pas dû le savoir.

Doucement,je m'approchai d'elle avant de me glisser sur la banquette d'en face.

- C'est ma pause déjeuner.

Elle tourna son visage vers moi.Ses yeux livides me faisaient froids dans le dos.

- Tu veux qu'on mange ensemble ? Lui demandais-je prudemment.
- Oui je veux bien.

J'allais lui sourire quand soudain son téléphone se mit à sonner.Elle ne jeta qu'un bref regard blasé à l'écran blanc avant de couper le son.

- C'est ma mère,elle n'arrête pas de téléphoner.
- Tu devrais lui répondre, elle doit s'inquiéter.
- Je,elle butta sur le mot,je ne saurais pas quoi lui dire.
La vérité la tuerait.

Je posai délicatement ma main sur la sienne.

- Il y a des choses qu'on ne sait pas dire,dis-je la voix rauque.

Je connaissais ça.Je n'avais jamais eu la force de dire à mes parents que la vie malheureuse que j'avais ne me suffisait plus,que je rêvais de quelque chose qu'ils ne sauraient pas m'offrir.
Quels mots utilisés pour leurs dire que la vie que je menais n'étais pas celle dont je rêvais le soir ?

Je retirai ma main de la sienne avant de fouiller dans la poche de mon jeans.
Quand je reposai cette dernier sur la table je tenais dans ma paume une petite plaquette blanche.

- Tu devrais la prendre,on ne sait jamais.

De ses longs doigts maigres, elle saisit le médicament avant de plonger son regard dans le mien.

- Comment tu as fait ça ?
- De quoi ? Demandais-je sans comprendre.
- L'autre soir,tes yeux ils brûlaient dans la nuit.

Détournant le regard,je vis vaguement le paysage qui s'étendait derrière la vitre.

- Comment tu vis avec ça ?

Comment je faisais pour me regarder dans le miroir après avoir ôter la vie ?
Comment j'acceptais que la croyante que j'étais n'aurait jamais droit au paradis que j'espérais ?

- Je ne sais pas,avouais-je. Tout le monde doit porter ses propres fardeaux.

Les miens pesaient lourds sur ma conscience.Combien de nuit je m'étais réveillée en sursaut,brûlante de fièvre,hantée par les visages de ceux que j'avais tués ?
Enfant je ne rêvais pas de cette vie,je voulais autre chose.
J'aurais voulu autre chose.

- Quand je t'ai vu au fond de la ruelle criant à la mort je me suis demandé quel fardeau me pèserait le plus. Je préfère regretter d'avoir fait quelque chose plutôt que de regretter de n'avoir rien fait.Je n'aurais simplement pas pu passer à côté de toi et aller me coucher comme si de rien n'était.

Je plantai mon regard dans le sien.
On se ressemblait plus que ce qu'on pouvait croire au premier abord,toutes deux nous avions connu la vérité sur la vie trop rapidement.

- Parfois entre deux maux il faut choisir le moins pire.

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