Chapitre 9

« Wow. C'est immense... murmure Arthur avec admiration.

– Allez, sors, je veux voir ! »

Arthur s'extirpe hors de l'ouverture circulaire et se lève. Enzo escalade les derniers barreaux de l'échelle et rejoint Arthur dans la contemplation du spectacle qui s'offre à eux.

« Et c'est... vieux. On est dans le passé ! », s'exclame-t-il.

Arthur pivote sur lui-même, les bras grands ouverts, sous le regard d'Enzo.

« Attends, Arthur, ça fait vraiment quatre ans que tu n'es pas sorti dehors ? Que tu n'as pas respiré l'air frais de... oups, désolé. »

Arthur esquisse un léger sourire.

« Quatre ans que je suis coincé entre les murs de la cathédrale, confirme-t-il. Remarque, il y a pire, comme prison.

– Allez, allons-y ! »

Enzo s'élance en avant, mais la main d'Arthur l'interrompt.

« Attends. Pourquoi il n'y a personne ? Tu n'as pas une impression... bizarre ? »

En effet, aussi loin que porte le regard, les rues sont complètement désertes et immobiles. Le temps semble s'être arrêté, comme s'ils avaient atterri dans une de ces vieilles cartes postales immortalisant Paris. Puis, au loin, un léger bruit vient troubler le silence : une toux, rauque, grasse. Enzo et Arthur se concertent du regard avant de s'élancer en direction du son. Ils s'engouffrent dans une petite rue, tournent à gauche... et s'arrêtent net.

La terreur paralyse leurs membres tandis qu'ils découvrent le spectacle qui s'offre devant eux : des dizaines d'hommes et de femmes sont allongés à même le sol. Certains crient de douleur, d'autres versent des larmes d'agonie, d'autres encore semblent déjà morts. Sur plusieurs d'entre eux, Arthur remarque la présence d'un abcès violacé au creux de l'aisselle. Pris de terreur, il attrape la main d'Enzo, la broie entre ses doigts, et s'approche de lui pour lui murmurer à l'oreille :

« Cours. »

Les deux garçons font volte-face et, sans regarder en arrière, courent aussi vite qu'ils le peuvent vers la plaque d'égout par laquelle ils sont arrivés. Ils s'y engouffrent l'un après l'autre et, après avoir rebouché l'ouverture, s'effondrent sur le sol l'un contre l'autre.

Ils restent silencieux un instant, les images de la scène à laquelle ils viennent d'assister tournant sans répit dans leur tête. Le souffle court, Enzo demande finalement :

« Tu... tu sais ce que c'était ? Cette maladie...

– Non. Peut-être la peste, peut-être la tuberculose, je n'y connais rien.

– Tu crois que... qu'il y a un risque...

– ça avait l'air contagieux. »

Plusieurs secondes s'écoulent en silence.

« Mais on est partis vite », ajoute Arthur sans savoir s'il essaie de rassurer Enzo ou lui-même.

Enzo hoche la tête.

« Viens, murmure Arthur en se levant. Retournons à l'école.

– Et si... et si on contaminait tout le monde ? Et si tout le monde mourait, par notre faute ? »

Arthur réfléchit quelques secondes.

« Tu as raison. On ne peut pas courir ce risque. »

Enzo fronce les sourcils.

« Mais on ne va pas rester là pour toujours. Tu ne veux quand même pas qu'on... qu'on retourne là-bas ?

– Non. Il y a une fille dans notre maison qui peut nous guérir. On ira la voir en essayant de ne croiser personne. Elle nous aidera.

– Comment tu sais qu'elle acceptera ?

– Elle me doit une faveur.

– OK. Rentrons. »

Les deux garçons parcourent le chemin des catacombes en sens inverse. Ils gravissent rapidement l'escalier en colimaçon. Dès qu'ils atteignent le sommet, Enzo fait signe à Arthur de se taire et pousse délicatement la porte en bois.

Il fait un pas dehors... et tombe nez à nez avec M. Hogord, le concierge de l'école.

« Jeunes hommes, dit-il d'une voix grinçante, quelle gentillesse de nous faire enfin l'honneur de votre présence. Permettez-moi de vous annoncer que vous allez avoir de très gros ennuis. »

Le concierge fait volte-face, son chat rachitique sur les pas, et commence à marcher. Enzo et Arthur échangent un regard catastrophé et lui emboitent le pas, la tête basse. M. Hogord les guide jusqu'à l'aile des Ombrunes et frappe à la porte du bureau de Miss Hawk. Après quelques secondes, il ouvre doucement la porte et interpelle l'Ombrune assise à son bureau :

« Miss Hawk, j'ai ici quelque chose qui pourrait vous intéresser. J'ai retrouvé les deux élèves manquants. Ils se sont apparemment payé une petite virée dehors. »

Un silence consterné accueille ces paroles. Miss Hawk fait signe au concierge de sortir, reste immobile en attendant que le concierge sorte. Dès l'instant où la porte se referme, elle explose de colère :

« Dehors ? DEHORS ? Dans toutes mes années ici, jamais un élève n'a-t-il commis l'affront de sortir de l'école ! Manquant les cours, par la même occasion ! C'est... »

Submergée par l'émotion, Miss Hawk se trouve dans l'incapacité de finir sa phrase. Elle change donc de stratégie ; elle reste silencieuse un long moment, foudroyant les deux fautifs du regard, puis reprend d'une voix froide :

« Jeunes hommes, vous déshonorez vos personnes, vous me déshonorez, et vous déshonorez votre maison. Cinquante points seront enlevés à la maison Hawk pour chacun d'entre vous. »

Les deux garçons restent bouche-bée. Habitués à son éternel sourire mielleux, ils n'avaient jamais vu l'Ombrune dans un tel état.

« M. Andreani, êtes-vous si peu reconnaissant de ce que l'école a fait pour vous, pour faire preuve de tant d'irrespect ? Quant à vous, M. Portland... quatre années irréprochables, et maintenant, ça ? Vous me décevez, tous les deux. Vous effectuerez tous deux dix heures de retenue pour aider M. Hogord à... »

Le monologue de Miss Hawk est interrompu par un cri strident, un cri de terreur qui résonne dans toute la cathédrale et glace le sang de tous ceux qui l'entendent. 

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