Chapitre 7

                  

« Certains cours sont passionnants, mais celui de géographie des boucles... Je ne peux pas supporter la voix de Miss Marshall. Nous étudierons aujourd'hui la différence entre les boucles occidentales et les boucles orientales... »

Arthur esquisse un sourire en entendant les propos de son ami, qui a pris une voix traînante pour imiter la professeure de géographie des boucles.

« Moi aussi, j'aimerais ne pas y aller, répond-il. 

– Alors, n'y allons pas, dit Enzo avec un sourire en coin. »

Arthur s'esclaffe, puis se tait en se rendant compte qu'Enzo ne rit pas avec lui.

« Je suis sérieux.

– Ils vont forcément se rendre compte qu'on n'est pas là.

– Et alors ? On dira qu'on se sentait mal.

– Tous les deux, en même temps, comme par hasard ?

– Allez, Arthur. Ce n'est pas une petite heure d'absence qui va nous faire renvoyer. Prends un peu des risques ! »

Un silence s'installe, pendant lequel Arthur semble considérer la chose. Finalement, il se rend :

« OK. Mais qu'est-ce qu'on va faire ? »

Pour toute réponse, Enzo sourit malicieusement, l'attrape par la main et l'entraîne avec lui dans les couloirs de l'école. Les deux garçons descendent un escalier, longent le bas-côté et s'arrêtent devant une porte en bois, cachée entre deux piliers. La porte est verrouillée par une lourde chaîne métallique.

« Cette porte m'intrigue depuis beaucoup trop longtemps », souffle Enzo.

Il agrippe la chaîne et tire brusquement dessus, la brisant en deux. Le craquement résonne dans la cathédrale. Enzo se fige quelques secondes et fait signe à Arthur de se taire, à l'aguet de bruits de pas se dirigeant vers eux. Mais à cette heure, tous les élèves et professeurs sont occupés dans les salles de classe ; personne n'a dû les entendre.

Enzo retire la chaîne et pousse doucement la porte. Celle-ci s'ouvre sur un escalier en colimaçon descendant dans les profondeurs de la terre. Les deux garçons se figent plusieurs secondes pour contempler l'escalier de pierre qui disparaît dans l'obscurité. Puis Enzo fait un pas en avant, et fait signe à Arthur de le suivre. Doucement, il referme la porte. Arthur observe la lumière s'enfuir à mesure que l'ouverture entre la porte et le mur devient de plus en plus fine. Quelques secondes plus tard, les garçons se retrouvent entièrement plongés dans l'obscurité. Arthur pose ses yeux sur le mince rayon de lumière qui encadre la porte.

« Plus qu'à attendre que nos yeux s'habituent au noir », dit Enzo.

Arthur fait un pas vers son ami. Sans oser entrer en contact avec lui, il sent la chaleur de son corps et écoute son souffle régulier. Peu à peu, il se laisse hypnotiser par ce va-et-vient régulier d'air, qui le fascine et le terrifie. Il essaie de soulever et de rabaisser sa poitrine en rythme, mais il ne parvient pas à y croire – l'acte de respirer restera toujours pour lui mystérieux et inaccessible.

« Dis quelque chose, Arthur. Tu ne fais tellement pas de bruit que tu pourrais tout aussi bien être mort. »

Est-il mort ? Finalement, il pourrait l'être. Il ne respire pas ; son corps est complètement immobile, ses yeux ne voient que du noir. Pris de doute, il porte une main à sa poitrine ; mais non, il n'est pas mort, son cœur bat, il s'affole même.

« Je suis vivant, répond-il finalement.

– Bon à savoir. On y va ? »

Arthur hoche la tête. Il arrive maintenant à distinguer la silhouette d'Enzo et les marches de l'escalier. Les garçons entament leur descente. L'escalier s'enroule sur lui-même. Après une trentaine de secondes, Enzo s'arrête : ils sont arrivés au bout. Un long couloir s'étend devant eux, traversé par endroits par d'autres couloirs latéraux. Enzo se tourne vers Arthur et lui adresse un grand sourire.

« Je te présente... les catacombes de Paris. »

Arthur lui renvoie timidement son sourire. Une boule d'excitation mêlée d'appréhension se ferme dans son ventre ; son cœur bat au rythme de la transgression.

« Je n'en reviens pas qu'aucun élève de cette école n'ait jamais cherché à savoir ce qui se trouve sous la cathédrale. Personne n'a exploré l'école ?

– Pas à ma connaissance. C'est pas comme si les professeurs nous y incitaient. »

Enzo éclate de rire.

« Justement ! » répond-il.

Il regarde Arthur en souriant ; celui-ci, gêné, détourne le regard.

« Bon, dit-il pour briser le silence. On rentre ?

– Tu rigoles, on vient de commencer ! Regarde tout ce qu'il nous reste à découvrir. »

Enzo désigne le tunnel devant eux. Arthur se plonge dans ses yeux pétillants ; son enthousiasme est contagieux, il lâche prise.

« OK. Allons-y. »

Les garçons s'avancent dans le boyau de terre. Leurs pas résonnent étrangement dans le silence qui règne.

« Enzo, tu sais où on va ?

– Non. On n'a qu'à continuer toujours tout droit, pour être sûrs de ne pas se perdre. Ça a l'air d'être le tunnel principal.

– OK. »

Le couloir s'étend sur une centaine de mètres. Finalement, il débouche sur une petite salle. Au sommet de la salle, un rayon de lumière circulaire vient troubler la semi-obscurité du souterrain.

« Une plaque d'égout, souffle Enzo.

– Il y a des plaques d'égout dans l'école ?

– Mais non, s'esclaffe Enzo. Cette plaque débouche dehors.

– Dehors ?

– En dehors de la cathédrale. Dans une rue. À Paris. »

Arthur reste bouche-bée. Un frisson le traverse et s'empare de son cœur ; si loin de l'école, il se sent brusquement si petit, si vulnérable. Mais peu à peu, un autre sentiment s'installe, plus puissant : l'envie de découvrir, d'explorer, de sortir du quotidien. Il fait un pas en avant, et sans réfléchir plus longtemps, se met à escalader l'échelle menant à la plaque d'égout.

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