Avec une sévère impression de déjà-vu, Isaac se réveille en sursaut et se redresse sur sa chaise. Il frotte ses joues marquées par le relief des livres sur lesquels il s'est assoupi. Sa tête semble sur le point d'exploser ; combien de temps a-t-il passé dans la bibliothèque ? Il n'a pas le souvenir de s'être endormi. Ses montres indiquent 19 heures, 8 minutes et 11 secondes.

Isaac balaie la salle du regard. À cette heure-ci, la grande majorité des élèves sont rentrés dans leurs dortoirs en attendant l'heure du repas ; personne n'ose s'attarder dans la bibliothèque aussi longtemps. Une seule autre élève se trouve dans la salle. Le cœur d'Isaac s'arrête quand il reconnait la fille : Elizabeth. Assise à une table, la jeune fille est plongée dans la lecture d'un énorme livre.

Le garçon cligne deux fois des yeux et ajuste ses lunettes sur son nez. Les yeux plissés, il tente de déchiffrer le titre du livre que la jeune fille lit. Quand Elizabeth referme le livre pour prendre quelques notes, il découvre enfin le titre : La peste noire. Isaac fronce les sourcils de perplexité : ce sujet ne semble s'approcher du programme d'aucune matière. Pourquoi Elizabeth est-elle si intéressée par ce livre ?

« La bibliothèque ferme dans vingt minutes ! », annonce Miss Maurice d'une voix chantante.

Isaac jette un œil à la documentaliste, une énorme femme aux yeux anormalement grands. Ses yeux se mettent à alterner entre Miss Maurice et Elizabeth, tandis que son cerveau tourne à toute vitesse : doit-il aller voir Elizabeth ? doit-il quitter la bibliothèque ? doit-il attendre qu'elle soit partie pour consulter le livre sur la peste ? Son cœur lui crie d'aller parler à Elizabeth, pour lui demander pourquoi elle consulte ce livre, mais ses membres sont enchaînés à sa chaise. Quatre fois, il fait mine de se lever et se rassoit précipitamment. Finalement, il se lève de nouveau, résolu à aller lui parler, mais c'est précisément le moment qu'Elizabeth choisit pour se retourner vers lui et le fixer avec perplexité. Pris au piège, Isaac se redresse entièrement et se met à ranger lentement ses affaires dans son sac. Tout en rassemblant ses affaires, il jette des coups d'œil furtifs à Elizabeth, qui ne le quitte pas des yeux. Il redresse ses lunettes sur son nez et commence à compter jusqu'à dix pour calmer les battements de son cœur.

« Pourquoi tu comptes ? »

Isaac se fige, tel un animal sauvage pris dans les phares d'une voiture. Il avait l'intention de compter dans sa tête ; il s'était sans doute mis à marmonner les chiffres.

« Je... je... C'est un... bref. »

Le garçon s'interrompt, retrouve sa respiration et compte jusqu'à trois, cette fois-ci dans sa tête. Ignorant son envie d'enfoncer la tête dans la terre, il reprend :

« Que... qu'est-ce que tu lis ? »

Elizabeth fronce les sourcils avec perplexité.

« Un bouquin sur la peste noire. Pourquoi ? »

Isaac discerne une pointe de méfiance dans sa voix. Il fait un pas en avant.

« Pour savoir, pour savoir. ça n'a pas de rapport avec nos cours.

– Parce que tu connais tous les programmes par cœur ?

– Je... oui, plus ou moins, plus ou moins. »

La jeune fille reste interdite. Un silence s'installe ; personne ne semble savoir qui est censé parler.

« Bon, reprend finalement Elizabeth. C'est juste que... on a étudié ça à l'école, quand j'étais... tu sais, avant. La peste noire, une maladie destructrice qui atteint Paris au milieu de l'année 1348. C'est-à-dire... maintenant. Et pourtant, personne n'en parle, ici. Et pourquoi avoir créé la boucle à cette période précisément ? »

Elizabeth se tait, attend quelques secondes et secoue la tête.

« Désolée. Oublie ce que je t'ai dit.

– Non, non. J'ai... j'ai des informations qui pourraient t'être utiles, utiles. Je peux m'assoir ? »