Chapitre 29




« Ce gars est insupportable, crache Enzo dès que les deux garçons sont hors de portée d'oreille du trio qu'ils viennent de quitter.

– Toi aussi, tu es insupportable, Enzo.

– Pas à ce point. Si ? »

Arthur rigole en surprenant l'expression penaude de son ami.

« Mais non. Pas à ce point.

– Avoue-le, je suis un ange. »

Eno s'esclaffe, et Arthur sourit en observant les fossettes qui se dessinent sur ses joues.

« Tu le connais, ce gars ? reprend Enzo.

– Oui.

– C'est qui ?

– Thomas Castelli, un Nightingale. On a des cours avec lui.

– Et... ?

– Et c'est lui qui est en couple avec Elizabeth.

– Qui était. Elle m'a dit qu'ils n'étaient plus ensemble.

– Elle t'a dit ça ?

– Mm-hm. Ça se sentait à dix kilomètres, que c'était lui. La façon dont elle le regardait... »

Arthur observe, du coin de l'œil, le regard pensif de son camarade. Après une longue minute, celui-ci tourne la tête, surprenant son regard.

« Désolé, marmonne Arthur en baissant les yeux.

– Pas de quoi. On est arrivés. »

Ils s'arrêtent devant la porte massive qui sert d'entrée au bureau de la directrice.

« Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? demande Enzo.

– Aucune idée. On toque ?

– Toquons. »

Enzo s'approche et tape trois fois du poing sur la grande porte. Ils tendent l'oreille ; à l'intérieur, tout semble immobile. Après une minute d'attente, Enzo pose sa main sur la poignée et la tourne doucement. Il pousse la porte et passe son nez à l'intérieur.

« Ah, M. Andreani, quelle heureuse surprise. Et M. Portland. Entrez, entrez donc. »

Les deux élèves se figent de surprise. Car ce n'est pas Miss Peregrine qui les a invités à entrer, mais Miss Hawk, confortablement assise à la place de la directrice, un sourire mielleux sur les lèvres.

*

« Tu n'avais pas besoin d'être si désagréable, dit Elizabeth avec colère.

– Désagréable ? répond Thomas. J'étais aussi charmant que d'habitude.

– C'est ça.

– Alors tu admets que je suis charmant d'habitude ? »

Elizabeth lève les yeux au ciel sans prendre la peine de répondre. Le regard d'Isaac alterne de l'un à l'autre – il a la nette impression que sa présence a été oubliée.

« Bon, on y va ? lance Elizabeth.

– Où ça ?

– Eh bien, au bureau de Miss Grimmalkin.

– De Miss Grimmalkin ? » s'étrangle Thomas.

Pendant qu'Elizabeth explique au jeune homme leurs soupçons, Isaac observe le bout du couloir du coin de l'œil. Une poignée d'élèves le traversent pour se rendre à leur premier cours, accompagnés d'un professeur. Isaac met un moment avant de comprendre ce qui a attiré son attention : les visages des élèves sont anormalement graves. En queue de groupe, deux filles sont secouées de sanglots. Isaac reconnait Elline, la jeune fille de Raven à laquelle il avait parlé.

Sans réfléchir, il court vers le groupe, ignorant les protestations d'Elizabeth et Thomas.

« Elline, Elline ! » appelle-t-il.

La jeune fille se retourne ; quand elle le reconnait, elle sèche ses larmes du revers de la main.

« Qu'est-ce que tu fais là ? demande-t-elle, méfiante. Tu ne devrais pas être avec ton groupe ?

– J'étais, euh... aux toilettes, aux toilettes, ment-il. Elline, qu'est-ce qui s'est passé ?

– Tu n'étais pas au petit déjeuner ? Il y a eu une nouvelle attaque pendant la nuit. Enfin, trois. Dans le dortoir des Raven. »

– Qui, qui ? demande-t-il ? Cali Wolfe ?

– Non, pas Cali. Antonin Duroc, Lucia Guillermo... et mon amie, Lorie. »

Un nouveau sanglot la secoue. Un frisson d'effroi traverse le corps d'Isaac et son cœur accélère. Sans un mot, il se retourne et fait quelques pas Elizabeth et Thomas. Il doit s'arrêter quand le monde commence à s'engourdir. Il ferme les yeux et compte jusqu'à ce que son cœur se calme.

« Qu'est-ce qui se passe, Isaac ? demande Elizabeth.

– Trois attaques, marmonne-t-il. Dans le dortoir des Raven. »

Un long silence accueille sa déclaration. Il échange un regard avec Elizabeth. Après le premier choc, le visage de la jeune fille se transforme pour afficher une expression déterminée. Sans un mot, elle fait volte-face et s'élance en direction des bureaux des professeurs. Isaac et Thomas lui emboîtent le pas.

« Attends, Elizabeth ! dit Thomas en essayant de la ralentir. Qu'est-ce qu'on fait si on croise Miss Grimmalkin ? On ne peut rien contre elle !

– On trouvera bien quelque chose. Et puis, elle a cours, à cette heure-ci.

– Il ne faudrait pas préparer un plan ?

– On improvisera. »

Devant la détermination d'Elizabeth, le garçon est forcé de se rendre, et Isaac se garde bien d'intervenir. Après quelques minutes, ils arrivent devant le bureau de Miss Grimmalkin. Elizabeth toque à la porte ; ils attendent plusieurs secondes – mais aucun son ne leur parvient de l'intérieur. La jeune fille tourne la poignée et ils pénètrent dans le bureau.

La salle est déserte. En son centre trône un bureau massif, sur lequel sont soigneusement empilées des liasses de feuilles. Pour tout autre mobilier, la salle est équipée d'une large armoire. Elizabeth commence à ouvrir méthodiquement chaque tiroir du bureau, jusqu'à en sortir une petite clé qu'elle utilise pour déverrouiller l'armoire. Elle ouvre les deux portes en grand – mais l'armoire est vide. La jeune fille pousse un long soupir.

Isaac fait un timide pas en avant.

« On la trouvera, Elizabeth », souffle-t-il.

Elle se tourne vers lui et esquisse un sourire.

« En est-on si sûrs ? On n'est qu'une poignée d'élèves, et on espère s'attaquer à un professeur. Qui sait si d'autres ne sont pas de mèche... »

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