Chapitre 28

                  

Arthur est réveillé par une main qui lui secoue doucement l'épaule.

« Arthur ! » chuchote une voix féminine.

Il ouvre difficilement les yeux, s'extirpant d'un lourd sommeil.

« Elizabeth ? »

Il se redresse d'un coup, manquant de se heurter la tête contre l'étagère qui surplombe son lit.

« Qu'est-ce qui se passe ? demande-t-il, paniqué.

– Calme-toi. Je n'en peux plus d'attendre. On agit aujourd'hui. À sept heures trente, aux toilettes hors service. J'ai prévenu Isaac. Passe le mot à Enzo. »

Arthur hoche la tête, le cerveau ralenti par les brumes du sommeil. Depuis deux semaines, Enzo et lui n'ont pas pu entrer une seule fois en contact avec leurs camarades. Leur professeur assigné, M. Georges, ne les a pas lâchés d'une semelle – probablement motivé par des menaces de la part de Miss Hawk. Cette dernière a fait respecter ses règles d'une main de fer, ne laissant aucune liberté aux élèves. À chaque heure du jour et de la nuit, des professeurs patrouillaient dans le couloir à l'aguet d'élèves hors-la-loi ; la nuit, les dortoirs étaient verrouillés pour empêcher les élèves d'en sortir. Chaque jour, Arthur a cherché une occasion de s'échapper pour partir à la recherche de Miss Peregrine – bien que la boucle ait été réactivée par Miss Raven, la directrice n'est pas réapparue. Il n'a pas la moindre idée de la façon dont ils vont fausser compagnie à M. Georges.

« Je suis sûre que vous trouverez un moyen », dit Elizabeth quand il lui pose la question.

Sur ces mots, elle se retourne et rejoint son lit à pas de loups.

*

« Excusez-moi, M. Georges ? » demande Enzo en se raclant la gorge.

Enzo et Arthur sont attablés en compagnie des Hawk de classe 7 et du professeur d'histoire de la Particularité. Celui-ci tourne sa tête démesurée vers celui qui l'a interpelé.

« Je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer que vous semblez fatigué, ce matin », continue Enzo de sa voix charmeuse.

En effet, le visage du professeur est marqué par l'épuisement : ses cheveux et sa moustache, ébouriffés, ne semblent pas avoir connu de soins depuis plusieurs semaines, et la marque de son oreiller est imprimée sur sa peau.

« Euh... oui, répond le professeur, les joues se teintant de rose.

– La directrice vous mène la vie dure ? demande Arthur. Pas beaucoup de repos, une grande charge de travail ? »

M. Georges devient de plus en plus rouge. Il se racle nerveusement la gorge avant de répondre :

« En effet.

– Vous aimeriez bien un instant pour vous reposer, n'est-ce pas ? Dormir quelques instants de plus ? »

À ces mots, le professeur se redresse sur sa chaise ; ses traits se soulèvent légèrement.  

« Assurément.

– Vous pouriez retourner vous coucher jusqu'à la fin du petit-déjeuner, vous savez, dit Enzo. On se débrouillera très bien sans vous. On restera sages comme des images, et personne ne remarquera votre absence. »

Les yeux de M. Georges pétillent d'envie. Il semble débattre intérieurement pendant plusieurs secondes, avant de céder, conquis.

« Bon, eh bien, je reviendrai dans une demi-heure. »

Sur ce, il se lève et quitte discrètement la nef après avoir vérifié que Miss Hawk n'était nulle part en vue. Dès qu'il disparaît, Arthur et Enzo se lèvent d'un même mouvement et marchent aussi naturellement que possible vers les escaliers. Ils montent au premier étage et traversent les couloirs jusqu'à rejoindre les toilettes. Elizabeth et Isaac s'y trouvent déjà, silencieux.

« Alors, vous vous en êtes sortis ? demande Elizabeth.

– On a envoyé M. Georges se coucher, répond Enzo. Et vous ?

– J'ai mis des somnifères dans la tisane de M. Germain. Et Isaac a vomi sur M. Ewell.

– Tu blagues ! »

Enzo et Elizabeth échangent un sourire. Après un instant de silence, Arthur prend la parole :

« Alors... qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? demande finalement Enzo.

– On va sauver Miss Peregrine. »

Mais ce n'est ni Elizabeth, ni Arthur ou Isaac qui a parlé. Les quatre élèves se retournent ; la voix est celle d'un autre garçon, qui vient d'entrer dans les toilettes.

« Thomas, souffle Elizabeth.

– En personne, répond celui-ci. »

Le nouveau venu fixe la jeune fille avec insistance. Pendant de longues secondes, personne n'ose parler. Isaac est de nouveau plongé dans la contemplation de ses pieds ; Enzo observe avec perplexité l'altercation visuelle entre Elizabeth et Thomas, tandis qu'Arthur contemple les grandes ailes de faucon qui décorent le dos du jeune homme.

Finalement, Enzo fait un pas en avant et se racle la gorge.

« On peut savoir ce qu'il fait là ? demande-t-il à l'intention d'Elizabeth.

– Demande-lui », répond la jeune fille avec un soupir.

Le regard fulminant d'Enzo s'attarde sur Elizabeth.

« On peut savoir ce que tu fais là ? » répète-t-il en se tournant cette fois vers le nouveau venu.

Il s'approche jusqu'à se trouver à moins d'un mètre de lui ; le jeune homme le dépasse d'une bonne tête, et semble nullement impressionné par la hargne d'Enzo.

« Je veux aider.

– Pourquoi ?

– Parce que je veux aider.

– Et qu'est-ce qui te fait penser qu'on a besoin de ton aide ?

– Je sais que vous avez besoin de mon aide.

– Ah oui ? Pourquoi ?

– Ça suffit ! »

Elizabeth s'est interposée entre les deux jeunes hommes. D'un coup, la tension se brise ; les garçons détournent les yeux, reculent d'un pas.

« Enzo, on a besoin de toute l'aide que l'on peut recevoir si on veut secourir Miss Peregrine.

– Et la secourir de quoi, exactement ? »

Seul le silence lui répond. Arthur s'est plongé dans la contemplation du parquet, s'imaginant ailleurs. Il observe le pied d'Isaac, qui s'est mis à tracer des petits cercles imaginaires sur le sol.

« Écoutez, que vous le vouliez ou non, je vais vous aider. Si Miss Peregrine n'a pas réactivé la boucle pendant la nuit, c'est qu'elle est soit malade, soit emprisonnée.

– Soit morte, souffle Isaac. »

Tous les regards se tournent vers le garçon, qui n'a pas prononcé un mot depuis que le groupe est réuni.

« Elle n'est pas morte, répond Thomas catégoriquement. Elle est quelque part dans l'école. Séparons-nous. Vous deux, dit Thomas en désignant Enzo et Arthur, allez au bureau de Miss Peregrine. Nous trois, nous chercherons les coins isolés, les recoins, n'importe quel endroit où la directrice pourrait être séquestrée. »

Enzo s'apprête à répliquer, mais la main d'Elizabeth sur son bras l'interrompt. Pendant plusieurs secondes, personne ne semble savoir quoi faire. Finalement, Arthur brise l'immobilité générale en se retournant et en s'élançant hors des toilettes, suivi par les quatre autres élèves.

——
Bonnes fêtes à tous ! Et merci pour vos lectures 😊

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top