28. Vérité, vérité !
- Mais où nous emmène t'il !?
Je haussais les épaules, en réponse à la troisième question de Charly. Cela faisait déjà quelques minutes que Rafael nous conduisait à travers les rues qui devenait de plus en plus sombres, de plus en plus humides. Le fait que la totalité des touristes s'étaient à peu près dispersée, je me doutais que notre "guide" ne nous envoyait pas voir un célèbre monument ! Charly marchait collé contre moi, agrippé à mon bras. Même si je n'en aurais rien dis, sa présence me rassurait. Je n'étais pas seule. Une boule me serrait l'estomac, de même que l'horrible impression que la situation allait encore une fois échapper à mon contrôle. Je me doutais que j'allais apprendre quelque chose d'important, même si je n'arrivais pas à mettre mon doigt dessus... Comment Rafael connaissait-il mes parents ? Et pourquoi savoir que j'étais leur fille le troublait autant ? Des tas de questions tourbillonnait dans ma tête. Je serrais instinctivement mon révolver dans ma main devenue moite lorsque les petites maisons pauvres se dispersèrent. Là, au milieu qu'une place entourée d'une clôture armée de barbelés, se dressait une imposante bâtisse d'un blanc immaculé. Rien à dire, cette maison déteignait du paysage ! Charly siffla, admiratif :
- Et ben ça c'est de la baraque !
Rafael s'était arrêté à quelques pas de là, et était concentré sur un tableau à codes, à l'entrée. Je me dressais sur mes orteils, le plus discrètement possible, tentant de repérer des gens. Je déglutis nerveusement en remarquant deux gardes bien armés postés devant la grande porte. Je lançais au Chasseur qui se retourna :
- A qui appartiens cette maison ?
- Vous allez bientôt la rencontrer. Tâchez d'être... Respectueux.
Je redressais la tête et le défiais du regard, même si sa requête m'apprenait qu'il s'agissait de quelqu'un d'important. Une femme, qui plus est ! Mais pourquoi Rafael m'enverrait-il voir une personne haut placé ? Est-ce que ça avait un lien avec le fait que je sois la fille de mes parents ? J'échangeais un regard entendu avec mon Chaperon. Pas question de nous attirer des ennuis, il fallait donc faire bonne impression. Un sourire en coin apparut sur le visage de Rafael qui tapa alors un code sur le panneau électronique. Une caméra s'activa au dessus du portail et il déclara d'une voix forte, presque professionnelle :
- Je dois voir Farfalla (NDA : Papillon, en italien), c'est important.
Le haut portail émit un petit cliquetis avant de coulisser. Le Chasseur nous jeta par dessus son épaule alors que je pouvais sentir son impatience :
- Restez près de moi. Ne dîtes rien, je réponds aux questions.
Je hochais la tête et pris une profonde inspiration. Sans trop savoir pourquoi, je savais que la belle et attractive impression que j'avais de la suite jusqu'à présent, allait changer... Charly ne disait rien et paraissait sérieux, pour une fois. On s'avançait alors sur un chemin sableux, à travers une pelouse d'herbe verte. Décidément, le contraste avec l'extérieur était saisissant ! Les deux gardes nous attendaient, armes à la main, le visage fermé. Je me forçais à rester impassible, le dos bien droit et la tête haute. Près de moi, l'Apprenti anglais faisait la même chose. Rafael poussa la porte sans même un regard pour les deux hommes qui semblaient quelques peu agacés. Je serrais les poings en remarquant d'autres soldats à l'intérieur. Le hall était assez moderne, mais fait uniquement de bois plus ou moins riches. Rafael nous attendit devant l'escalier avant de grimper les hautes marches quatre à quatre. J'aurais pu juré qu'il l'avait monté toute sa vie, j'avais même dû mal à suivre. Le Chasseur patienta devant une ancienne porte en bois noir, un sourire moqueur sur les lèvres. En arrivant à sa hauteur, je le fusillais des yeux. Son sourire s'élargit mais il redevint sérieux alors qu'il me disait :
- Je vais rester ici, avec ton Chaperon.
- Quoi !? m'écriais-je, prise d'un élan de panique.
Je me mordis la langue lorsque les gardes postés devant chaque portes du long couloir se tournèrent vers moi. Je me repris, plus doucement :
- Non ! Charly doit rester avec moi.
- Je connais le fonctionnement du code Chasseur-Chaperon. Rien ne l'oblige à te suivre partout. Je le surveille et je le protégerais en cas de besoin, mais tu dois y aller seule. La Patronne voudra te rencontrer personnellement et je sais que notre présence vous empêchera de parler librement.
Je hochais machinalement la tête, réfléchissant à la suite. Elle "voudrait me rencontrer personnellement". Elle n'était donc pas au courant de ma visite. Pourquoi l'intéresserais-je !? Je posais les yeux sur Charly qui semblait calme et confiant. Il me chuchota :
- Je reste là, vas y. Vu le nombre de gardes, je pense qu'on ne risque rien.
Je le dévisageais un moment, avant de prendre mon courage en main et de me tourner vers la porte. Je caressais distraitement les gravures en fronçant les sourcils. Elle montrait des animaux, principalement, et me rappelait beaucoup la porte en bois massif de la Salle d'Examen. Cette journée me semblait si lointaine déjà ! Je pris une profonde inspiration et ouvrit la porte. Les yeux rivés au sol, je fis quelques pas dans une grande pièce dans la même atmosphère que le reste de la maison. La salle était éclairée par des lustres au plafond, ce qui empêchait l'obscurité de s'installer malgré le fait qu'il n'y avait aucune fenêtre. Rafael me souffla des encouragements et referma la porte derrière moi. La pièce était remplie d'étagères pleines de livres, de bibelots en tous genre... Un bureau trônait sur ma gauche, contrastant avec les fauteuils et la télévision qui formait un coin salon à ma droite. Juste derrière, une porte discrète menait à une pièce secondaire, d'où s'échappa alors une voix :
- Rafael ? C'est toi ?
C'est alors que j'eus l'impression que mon monde tournait autour de moi. Je vacillais et m'écroulais contre la porte, le souffle court. Je connaissais cette voix... Je pensais juste ne plus jamais l'entendre ... Des souvenirs jaillirent à ma mémoire et je dus me mordre la langue pour ne pas qu'ils ne m'arrachent des larmes...
J'ai 3 ans et mes souvenirs sont flous et pleins de réflexions d'enfant. Je suis sur les genoux de Maman et je ris aux éclats. Je ris parce que ma tata fait des grimaces. Elle est vraiment drôle ! Après, elle place ses mains devant la lampe et ça crée des papillons sur le mur ! Je suis sûre que Maria c'est une magicienne ! Je ris et je suis heureuse. Ma famille est là et ils ne partiront pas aujourd'hui, Grand-mère me la promit. J'aime pas quand ils partent, j'ai peur qu'ils me laissent. Mais à chaque fois ils reviennent et ils ont des cadeaux ! J'adorent les cadeaux !
Je porte une main tremblante à mon cou, serrant de toute mes forces le collier à tête de loup de ma mère. Ma tête me joue des tours, encore une fois. Je dois rêver, me faire des films. Elle est morte. Elle ne peut pas être là ! De nouveau, lorsque je pressais fort mes paupières dans l'espoir de me réveiller, je fus aspirée par un souvenir plus douloureux encore...
J'ai 5 ans. Je joue dans ma chambre, c'est la matinée de la dernière Mission officielle de mes parents. Avant l'Incident qui les a détruit, qui a détruit tout le monde. Ma Grand-mère fait la cuisine, ça sent bon les cookies ! Maman et Papa parlent avec leurs Chaperons, Maria et Jeanne. Jeanne, elle me fait peur. Elle crie souvent et elle aime se battre, elle revient souvent blessée et Papa la gronde. Mais il se tait toujours quand il sait que je suis là, parce qu'il dit que ce sont des affaires de grande fille. Maria c'est comme ma tata et je l'aime fort ! Elle joue souvent avec moi et me ramène des petits cadeaux à chaque fois ! Elle est belle, Maria, elle a les cheveux roux et les yeux verts et elle sourit tout le temps. Elle dit que Maman est la femme la plus forte qui soit et qu'elle reviendra toujours près de moi. Ce jour-là, ils m'ont dit au revoir en souriant et sont partis tous le quatre. Avant de passer la porte, Maria m'a fait un grand sourire et m'a soufflé un bisou, comme elle le fait tout le temps. Mais j'ai eu peur parce que Jeanne m'a regardé d'une façon étrange avant de fermer la porte. Non, Jeanne je l'aime pas beaucoup ! Après je les ai attendue toute la journée. Je les ai attendu mais ils sont rentrés ce soir là...
- Tori ?
J'ouvris grands les yeux et je ne pus retenir un hoquet, choquée. Devant moi, ce tenait une femme que je pensais ne jamais revoir. Ce qui me bouleversa le plus, c'était l'affreuse cicatrice qui barrait son beau visage. Elle semblait aussi choquée que moi. Ses yeux se remplirent alors de larmes et elle tendit une main vers moi :
- Tu n'es pas Tori. C'est toi, Moïra ? C'est bien toi n'est-ce pas ?
Je n'eus ni la force ni le courage de répondre. Je retenais difficilement le sanglot qui me barrait la gorge, je ressentais un besoin urgent de sangloter comme une jeune enfant. C'était elle, c'était bien elle ! Elle était en vie ! Maria...
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