26. Ah, l'Italie !


Un peu plus tard, alors que je suivais le groupe à travers la salle d'entrainement pour rejoindre le réfectoire, je me sentis tout d'un coup observée. Je levais lentement la tête et repérais  la silhouette effacée d'un homme, accoudé au la balustrade du premier étage. Je devenais aussitôt qu'il me fixait, même si son visage était dans l'ombre.

- Oh ! Il est flippant ce mec ! s'écria Charly en s'arrêtant près de moi.

Je poussais un profond soupir en lui répondant :

- C'était très discret comme remarque ça, Charly...

- On me le dit souvent !

Amusée qu'il n'est visiblement pas saisis l'ironie, je l'entrainais jusqu'à la grande salle d'où provenait de multiples éclats de voix. J'oubliais totalement l'homme mystère en me retrouvant face à autant de gens sans m'y avoir au préalablement préparée... Je forçais cependant mes jambes à m'envoyer jusqu'à notre table où les autres Apprentis nous attendaient déjà. Enfin... Ils ne nous attendaient pas vraiment. Pas du tout, en fait. Ils étaient trop occupés à engloutir la quasi totalité du plat qui trônait sur la table. Avant mon départ, ma Grand mère m'avait avertie quant au menu pas très agréable des QG... Mais là, c'était un vrai dépassement. Poulet - frites ! Très diététique comme repas.

- Bon, tu t'assois ? grogna Paul, la bouche pleine.

Je m'installai entre lui et Charly, un peu perturbée par le niveau sonore. J'étais habituée aux repas  silencieux en compagnie de ma Grand mère, pas à ce brouhaha ... Mais, à part moi, ça ne semblait déranger personne. Je me résignai et me remplie une assiette sans toutefois la rempli autant que les autres. Je répérais Sandra qui se comportait de la même façon. On échangeait un regard perplexe. Mon ventre grogna et je me jetais presque sur la nourriture. Je n'avais pas remarqué que j'avais aussi faim ! Pendant le repas, j'entendis l'un des Apprentis italiens s'exclamer avec un fort accent :

- Je vais me servir de cette après midi de libre pour aller saluer des potes, près de Naples !

- Je crois que c'est interdit, le rabroua vainement Nadia, la Russe.

- Personne ne m'a dit le contraire.

Je décrochais de la conversation lorsqu'elle dérapa sur un débat à propos de ce qu'il était permis, ou non, de faire. Paul se tourna vers Sandra, puis vers moi, en demandant :

- Donc , vu que vous étiez coincées au Village, vous n'êtes jamais parties à l'étranger ?

- Personne ne pensait aux voyages, tu sais ! Nous pensions avant tout à la coordination et au travail, répliqua la rouquine avec applomb.

Je levais un sourcil. Mais oui, bien sûr ! Tous le monde n'avait pas été endoctriné. Et puis, ce n'était pas comme si j'avais rêvée toute ma vie de découvrir le Monde... Paul éclata de rire devant le sérieux de son chaperon, puis il proposa :

- Si vous voulez, je peux voir faire visiter le coin. Je suis déjà venu ici en vacances et je ne souviens à peu près du chemin jusqu'à Naples. Il y a pleins de petits bourgs sympa sur la route. Enfin, si ça vous intéresse bien sûr...

- Et comment ! répondis-je aussitôt.

J'avais tellement entendu mes parents parler de l'Italie, de la bonté et l'accueil de ses habitants... Hors de question de manquer une visite guidée ! Mon ami se retint quelques secondes avant d'être prit d'un fou-rire. En même temps, je le comprenais. Je devais avoir l'air d'une enfant excitée par une aventure... Je lui assénais un coup de poings sur l'épaule, pour la forme. Il grimaça et je ris à mon tour, accompagnée par Sandra. Je remarquais un peu plus tard que la salle s'était peu à peu vidée et que le bruit avait nettement baissé. Les plus bruyants d'entre nous avaient également disparus. Je n'entendais plus que le rire biscornu de Charly qui bavardait avec Jia, la chinoise, et les autres Apprentis anglais. J'hésitais à lui demander de nous accompagner. Après tout, nous n'avions pas encore de Missions et il n'était pas obligé de rester avec moi... Il préférait sans doute rester avec ses amis. Mais le blondinet me prit de nouveau de court et m'offrit un grand sourire. Il me demanda :

- Je peux venir avec toi tout à l'heure ? S'il te plaît.

- Ben... Ouais, si tu veux.

J'allais bien devoir apprendre à l'avoir sous la main constamment alors autant commencer à m'y habituer ! Paul se leva et posa la question qui me trottait depuis quelques minutes dans la tête :

- Comment on sort d'ici, déjà ?

Le Chasseur Santo, qui terminait son repas avec quelques collègues, leva la tête vers nous et nous dit en indiquant la grosse porte en fer de la veille :

- Par là. N'oubliez pas de bien fermez derrière vous !

Je fixais la sortie quelques secondes, désabusée. Nous n'étions arrivé qu'hier et pourtant, j'avais déjà l'impression d'avoir prit mes habitudes. On s'y dirigeait tous les quatre et une femme qui déjeunait près de notre mentor nous jeta d'une voix inquiète :

- Prenez de quoi vous défendre !

- D'accord, merci ! répondis je.

On ouvrit la lourde porte avec un peu de difficultés avant de la refermer derrière nous. Il faisait frais dans le local. Paul attrapa un revolver qu'il glissa à sa ceinture. Puis il tendit un long couteau à Sandra qui hésita avant de le cacher dans sa botte. Charly leva les yeux vers moi, avec un air de chiot.

- Je suis obligé d'être armé ?

- Non, répondis je instinctivement. Tant que tu restes avec moi.

- Ah... Merci !

J'attrapais un calibre 45 que je cachais sous ma veste. Mon chaperon parut aussitôt se rassurer. Paul grimpa l'échelle le premier et poussa la trappe de toutes ses forces. Je dus plisser les yeux lorsqu'un torrent de lumière se déversa dans le local. Je m'étais à peine hissée à l'extérieur que je fus accablée par la chaleur étourdissante. Je me dépêchai de retirer mon sweat en grimaçant. Je n'étais pas habituée à une telle température ! Je me dévissais le cou pour pouvoir voir le sommet du Vésuve. Il semblait encore plus imposant maintenant qu'il se découpait sur le ciel sans nuages. Sandra s'écria, faussement désespérée :

- On y va ? Je vais fondre ici...

- T'as raison. C'est pas là ! fit Paul en désignant le petit bosquet d'arbres.

On le suivit en silence, trop occupée à trouver un moyen de ne pas sortir de l'ombre. Sous les arbres, il faisait plutôt bon. On arrivait face à des cultures à l'ancienne, de maïs et de blé. Je souris. Voilà ce que j'aimais le plus dans les livres. Les descriptions des villes qui continuaient à faire pousser des plantations naturelles. Ce n'était plus anodin, de nos jours ! Plus on s'approchait des maisons, et plus mon enthousiasme grandissait. Les maisons s'entassaient les unes sur les autres, certes, mais elles étaient colorés et les toits de tuiles rouges apportaient un charme. Ce qui me conquit le plus, ce fut les gens. Ils étaient pratiquement tous dehors et bavardaient en marchant. Touristes et italiens se mêlaient avec une facilité déconcertante. Les rues étaient bondées et les gens se massaient autour des étales multicolores, présentant de la nourriture, des tissus, des bijoux et des rayons entiers de souvenirs ! Je ris en voyant Charly farfouiller un peu partout, les yeux ronds. Je le suivais peut-être plus calmement, mais avec la même joie. Paul et Sandra marchaient plus lentement et discutaient. J'offris un large sourire à une marchande qui me faisait signe. Je manquais de peu de tomber lorsqu'un groupes de gosses passa en courant autour de moi.

- Francese ? me lança la jeune femme à la magnifique peau bronzé.

- Si, répondis je avec hésitation.

Je n'avais suivis que quelques cours d'italien et je n'étais pas très douée... Son visage s'adoucit alors qu'elle essayait avec un fort accent :

- Yo... Peux fare... Una cosa... Pour vous ?

Je fis non de la tête en mimant que je n'avais pas d'argent. Ce qui était vrai. J'allais continuer mon chemin mais elle m'attrapa le poignet. Je me crispais mais elle me glissa un bracelet en souriant avec gentillesse. Je me détendis et la remerciais avec application. Il était magnifique, composé d'une simple chaine de maillons dorés. Elle chantonna :

- Con tes ojos !

- Je ne peux pas payer ! protestais-je.

- No, no. Pas payer. Cadeau.

Je la remerciais une nouvelle fois, touchée, avant de rejoindre les autres. Sandra examina mon nouveau bracelet avec admiration :

- Wouah, tu en as de la chance !

- Oui, la marchande me l'a donné.

- Donné !? s'écria t'elle, perplexe.

Je haussais les épaules. Comme quoi, il restait des gens généreux... Paul se tourna vers moi et déclara :

- Heum... Je voulais prendre le tram pour envoyer Sandra voir Naples. Ça te tente ?

Je réfléchis un instant avant de répondre :

- Charly vous accompagne ?

- Il n'était pas très emballé... Il est fatigué et est tombé amoureux d'un stand de cartes postales.

- Peut-être une autre fois, alors. Allez y tous les deux. On se retrouve au QG.

Ils acquiescèrent et s'éloignèrent cote à cote. Je partis donc à la recherche de mon chaperon que je découvris en effet, scotché aux cartes postales. Il s'écria en me voyant :

- Tu n'as rien à échanger ? Le vendeur m'en donnerait une contre quelque chose d'étranger mais je n'ai rien sur moi...

Je fouillais mes poches sous le regard intéressé de l'homme en question. Mes doigts percutèrent un vieux couteau suisse que je gardais toujours sur moi. Je le tendis au marchand, peu convaincue que ça ne l'intéresse. Il s'en saisit, le tourna de tous les côtés avant qu'un large sourire ne fende son visage ridé. Il s'exclama :

- Deal ! Deal !

Charly s'empara d'une carte postale qu'il caressa alors qu'on s'éloignait. Je pouffais. Quelles manières pour une simple carte ! Il était définitivement obsessionnel !

- Hé ! Au voleur ! Arrêtez le !

Je me tournais vivement vers la femme qui s'époumonnait, scandalisée. Je cherchais le fautif du regard. Un jeune garçon, vêtu pauvrement, slalomait en courant parmi la foule. Il tenait dans sa main le sac à main de la femme. Malgré les protestations de Charly, je m'élançais derrière lui. Je bousculais quelques passants avant de débouler dans une petite ruelle derrière le gamin. Je m'arrêtais net, en découvrant le sac volé déposé sur le sol. Aucunes traces du jeune voleur. Méfiante, je fis un pas dans la petite rue sombre.

- Moïra...

Charly. Je me figeais et pivotais lentement. Mon sang ne fit qu'un tour face à la scène qui s'offrait à moi. Mon chaperon se tenait bien droit, un air terrifié sur le visage. Sa carte postale était encore dans sa main alors que la lame d'un épée était appuyé contre sa gorge. Je sortis mon revolver et le pointais sur l'agresseur. J'aurais juré l'avoir déjà vu... Son regard vert était planté sur moi et il tenait son épée d'une main experte. D'une voix froide, il lâcha :

- Qui êtes vous ?

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