20. Dire au revoir pour ne pas dire Adieu.
Le cœur gros, je posais mon sac près de la porte d'entrée, où ma Grand mère avait déposé la malette d'armes de mes parents. Je laissais mon regard dériver sur cette maison où j'avais vécus toute ma vie. Cette maison m'avait vue grandir. Elle avait vu bien plus que mes parents en avaient été témoins. Et pourtant, je la quittais pour eux. Je quittais ma Grand-mère pour eux. Deux mains fermes mais douces se posèrent sur mes épaules. Ces mains qui m'avaient épaulées toutes ces années. Ma Grand-mère soupira tristement :
- Dis le moi encore une fois.
J'esquissais un sourire triste. Elle ne voulait pas que je parte, je le savais. D'un certain côté, je ne voulais pas la quitter non plus. Je me forçais cependant à paraître sûre de moi alors que je répondais :
- Je sais ce que je fais, Grand-mère.
- Tu es vraiment sûre d'être prête à faire ça ?
- J'en suis sûre. Ne t'inquiète pas.
J'espérais de tous mon cœur avoir été convaincante alors que je doutais de plus en plus. La vieille femme me fit pivoter brusquement vers elle et je serrais les dents en voyant ses yeux briller.
- Bien sûr que je m'inquiète ! Tu es ma seule petite fille. Je ne veux pas te perdre. Surtout pas si tu fais ça pour eux.
- Mais je dois le faire, Grand-mère. Pour eux. Mais surtout pour moi. Je ne peux pas laisser tomber mes rêves parce que j'ai peur.
Ma voix avait tremblée. Je vis la femme qui m'a élevée se détendre un peu et ses doigts raides me caressèrent affectueusement la joue.
- C'est normal d'avoir peur, Moïra ! Tous le monde à peur.
- Eux, ils n'avaient pas peur. Ils n'avaient jamais peur...
Je serrais les points pour ne pas craquer. Je ne devais pas pleurer. Pas. Pleurer. Je baissais les yeux alors qu'elle répliquait :
- Oh que si, ils avaient peur. Mais ils étaient faisaient tous pour le cacher. Pour toi, pour que tu les crois invincible et que tu ne t'inquiètes pas. Maintenant, dis moi, étaient-ils invincible ?
- Non, personne ne l'est. Et... Ils sont morts avec courage.
Une boule s'était formée dans ma gorge alors que je terminais difficilement ma phrase. Le problème était là : ils étaient morts. C'étaient pour ça que je devais faire ça pour eux. Ma Grand-mère s'écria d'une voix calme et douce :
- Je ne remettrai jamais ça en doute. Ils étaient les deux personnes les plus courageuses que je connaisse. Enfin, après une certaine personne.
- Qui donc ?
- Toi.
Je redressai vivement la tête, étonnée. Je dévisageais ma Grand-mère pour tenter de savoir si j'avais mal entendu. Mais elle me rendit mon regard et je fus saisie par la confiance qu'elle me portait. Mon cœur se serra. Je ne voulais pour rien au monde la décevoir ! Je contrais :
- Moi ? Mais je ne suis pas courageuse, Grand-mère ! Je passe mon temps à m'entraîner car je suis terrifiée à l'idée d'être tuée. Je n'ai jamais été à l'extérieur de ces murs plus longtemps qu'une journée ! Mais ça n'empêche pas ce monde de me terrifier...
- Tu as raison, ce monde est terrifiant. J'en ai fais les frais assez longtemps pour savoir que le danger rôde partout. Mais tu peux me croire lorsque je dis que tu es l'adolescente la plus courageuse que j'ai vue. Enfant, tu te battais contre les rumeurs qui courraient sur tes parents lorsqu'ils quittaient le Village pour Chasser. Et lorsqu'ils sont morts, tu t'es montrée plus courageuse encore. Tu as su garder la tête froide et tu n'as jamais craqué.
Je roulais des yeux, ahurie. Elle perdait la tête ! Mon cœur s'était serré douloureusement lorsqu'elle avait évoqué les rumeurs qui courraient sur mes parents lorsque j'étais enfant. Ces abominations étaient plus horribles les unes que les autres. C'était une période très dure. Je tentais de rester forte alors que ces idioties me détruisaient petit à petit le moral.
- Qu'est-ce que tu racontes ? Je passais mon temps à pleurer ! m'écriais-je piteusement.
- Pleurer ne signifie pas être faible, Moïra. Quelqu'un de fort pleure et cède au désespoir. Mais s'il est fort, il relève toujours la tête et reprend le contrôle. Et toi, tu as toujours su garder le contrôle sur tes émotions. Je t'admire pour ça.
Je ressentis un bouffée de fierté. J'étais si heureuse de la rendre fière ! Je fermais les yeux alors que ses mais enlaçaient mon visage avec affection. Je déclarais d'une voix rendue rauque par l'émotion :
- Merci, Grand-mère. Merci pour tout...
- C'est normal, ma chérie. Je t'aime plus que tout au monde. Et ça ne changera jamais. Alors, dès que tu souhaiteras faire une pause pour te ressourcer, rentres à la maison. Je serais là à t'attendre.
- Moi aussi je t'aime, Grand-mère.
Mon sourire s'élargit. Je l'aimerais toujours. Et elle m'aimera toujours, quoi que je fasse. Du moins, je l'espérais. Ses mains quittèrent mon visage et retombèrent lourdement le long de son corps.
- Mais avant de me quitter, je veux que tu me promettes quelque chose.
- Tout ce que tu veux, déclarais-je aussitôt, pensant l'avoir convaincue.
- Ne pars pas si ton but est de les venger.
- Quoi ? m'étranglais-je avant de me mordre la langue.
Le regard gris de ma Grand-mère s'était fait plus dur et je serrais les points. Pourquoi fallait-il qu'elle me connaisse mieux que moi-même ? Elle arrivait toujours à savoir lorsque je faisais une bêtise. Ou alors, comme aujourd'hui, lorsque je m'apprêtais à en faire une. Elle insista :
- Tu m'as bien comprise. Ils ont fait cette erreur là et ça les a tués. Il n'est pas question que je te perde alors que tu essayais de les venger, Moïra. Alors si tel est ton but, je t'interdis de quitter cette maison.
- Mais quelqu'un doit le faire ! Ils ne méritaient pas de mourir !
Ma voix monta brusquement dans les aigus et je baissais vivement la tête, retenant difficilement un sanglot. Je ne devais pas pleurer, sinon j'allais perdre pieds et changer d'avis. Ma Grand-mère poussa un long soupir triste. Elle me prit les mains et je levais les yeux vers son visage. Elle me dit d'une voix douce :
- Personne ne mérite de mourir, ma chérie. Pourtant, comme tu l'as dis, personne n'est invincible. Tout le monde meurt. Alors laisse-les en paix. Et rend-les fiers en traçant ta propre voie dans la clarté.
- Je les rendrais fiers. Je serais courageuse, comme eux.
- Ils ne l'étaient que quand il le fallait. Etre courageux de veut pas dire tenter l'impossible.
Je souris. C'était une de ses phrases favorites. Mais je ne pouvais pas y croire. Pour moi, tenter l'impossible était crucial, presque vital. Je devais le faire, quoi qu'elle en pense. Mais je ne pouvais pas le lui dire, ça la blesserait. Alors, je serrais ses mains ridées et lui offrais un large sourire rassurant en disant :
- Je sais. Ne t'inquiète pas pour moi, Grand-mère. Je sais ce que je fais. Tu m'as appris à être quelqu'un de bien. Quelqu'un qui sait différencier le bien du mal. Mais surtout, tu m'as appris l'Honneur. Et ça, je ne l'oublierais jamais.
- Bien. Alors dépêches-toi de partir avant que je ne décide de te garder auprès de moi !
- Tu as raison. Je t'aime, Grand-mère ! A bientôt !
Sans plus attendre et sentant les remords me tordent les boyaux, je quittais ma maison. Je savais au fond de moi que je la reverrais. Je reverrais ma Grand-mère. Mais m'en voudra-t'elle de lui avoir menti ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top