19. Une perle.
En rentrant, je filais me réfugier dans ma chambre. Lorsque je refermai la porte derrière moi, toutes mes barrières s'effondrèrent. Je tentai en vain de refouler mes larmes. J'avais vu la peine dans le regard de ma Grand-mère, car elle savait comme moi ce qui allait suivre. Pouvais-je vraiment faire ça ? Quitter celle qui m'avait élevée ? En sachant que ça lui ferait du mal ? Que ça me ferait du mal, à moi ? Mais je me résignais : c'était mon destin. Je devais y arriver. Les mains tremblantes, je fourrais des vêtements dans mon sac. Quelques livres. Je me laissais tomber sur mon lit, fixant la table basse fasse à moi, perdue. Sur cette table, j'avais entassé divers objets importants pour moi. Mais lesquels prendre avec moi ? Je savais que cette pièce resterait intacte jusqu'à la prochaine fois que je viendrais, s'il y en avait une. Oui, je devais revenir ici. C'était chez moi. Je respirais profondément, essayant de calmer les battements effrénés de mon cœur. Puis je me décidais et attrapais quelques objets sans trop m'y attarder, sentant les larmes monter d'autant plus. Je pris tout d'abord un cadre avec une photo de ma famille lorsqu'elle était complète. Puis je pris certains de mes colliers qui comptaient pour moi. La ceinture de cuir de mon père, celle où il accrochait ses armes. Le poignard en argent de ma mère. Je me décidais à fouiller dans mes tiroirs pour voir si rien de manquait. Mes doigts percutèrent une boite en bois d'ébène et je me figeais, le cœur battant à mes tempes. Elle était là. Je l'avais oubliée. Je fus alors assaillie par les souvenirs et m'assis au sol, tremblante.
Flash-Back :
Je trépignais devant la porte au plus grand désespoir de ma Grand-mère qui ne tentait de me calmer. C'était inutile, elle le savait. Mes parents rentraient. Je le savais car j'avais entendu un Villageois dire les avoir croisé sur le chemin menant au Village. Ils m'avaient tellement manqués ! Je ne les avaient pas vus depuis deux mois ! Ils n'étaient jamais partis si longtemps. Je leur en voulais un peu, malgré tout. Ils avaient ratés mon anniversaire... Je venais d'avoir 10 ans. Je me figeais soudain. J'aurais jurée avoir entendu la voix de mon père dans la cour. La porte s'ouvrit à peine que je me jetais à son cou en hurlant de joie. Il éclata de son rire rauque qui m'avait tant manqué. Je me laissais serrer par ses bras puissants. Avec lui, j'étais en sécurité. Il me protégerait toujours, il l'avait promis. Il déposa un baiser sur mon front et je me précipitais sur ma mère qui m'ouvrit ses bras. Ses câlins à elle étaient différents. Je m'y sentais bien parce qu'avec maman, je me sentais rassurée et aimée plus qu'avec quiconque. Ma mère me caressa les cheveux et je me mis à pleurer sans trop savoir pourquoi. Sûrement parce que je savais qu'elle allait sécher mes larmes. Elle le fit d'une main douce et me dit :
- Toi aussi, tu nous as horriblement manquée mon cœur.
- C'est vrai ? reniflais-je, même si je connaissais la réponse.
- Bien sûr ! répondit mon père en souriant largement.
Je laissais ma mère essuyer mes larmes avant de reculer sous la demande de Grand-mère. Elle enlaça rapidement à son tour mes parents en demandant :
- Votre voyage s'est bien passé ?
- Oui, répondit seulement ma mère.
Ils ne parlaient pas vraiment de leurs missions spéciales. Alors que je levais la tête vers la vieille femme en souriant, ce sourire s'évanouit alors que je remarquais l'expression grave sur son visage. Elle ne me regardait pas, elle fixait le bras de Maman. Je suivis son regard, inquiète. Un bandage plein de terre cachait son avant bras. Ma voix trembla lorsque je demandais :
- Tu t'es blessée, Maman ?
- Ce n'est qu'une égratignure, tenta-t'elle de me rassurer.
- Tu as mal ? insistais-je.
Elle secoua la tête en caressant affectueusement mes cheveux. Je me détendis un peu mais j'étais incapable de détacher mon regard de ce tissu. Est-ce qu'elle saignait ? Mon père s'agenouilla soudain devant moi et je plongeais mes yeux dans les siens. Son sourire me gagna aussitôt. J'aimais me dire que je lui ressemblais. J'avais ses cheveux noirs et sa fossette au menton. Il rit soudain en me soulevant brusquement de terre. Il me fit tournoyer et j'éclatais de rire. J'adorais quand il faisait ça. J'avais l'impression de n'être encore qu'une toute petite fille. Papa échangea un clin d'œil avec Maman et ils s'exclamèrent tous deux :
- Joyeux Anniversaire en retard, Moïra !
Je rayonnais. Ils n'avaient pas oubliés ! Comme lorsque j'étais enfant, Papa me posa sur la table en bois de la cuisine. Grand-mère s'installa sur une chaise en souriant. Je me tournai de nouveau vers mes parents et demandais :
- Vous avez pensé à moi pendant votre voyage ?
Ma mère s'installa sur une chaise près de mes genoux et me dit :
- Bien sûr, mon ange ! Tous le temps. Surtout le jour de ton anniversaire.
- Nous étions près de la mer, ce jour là ! reprit mon père. Alors, on a décidé de te rapporter un souvenir de ce lieu si beau et magique.
Impatiente, je réclamais mon présent. Ils ramenaient rarement de trésors de leurs expéditions ! Mais j'adorais lorsqu'ils me parlaient de la mer et de ses mystères. Je rêvais d'y aller. Enfin, d'y aller avec eux. Ma mère se pencha sur son vieux sac en cuir tout déchiré de partout et en sortit une boite, qu'elle me tendit. Je la pris délicatement dans mes mains. Elle était faite dans un bois noir et gravée de dessins en tous genre, surtout de coquillages et de vagues. Je la caressais du bout des doigts en souriant.
- Elle est hyper belle ! Merci ! m'écriais-je.
- Regarde à l'intérieur, me conseilla ma Grand-mère en me caressant le dos.
Je m'exécutais aussitôt et hoquetais d'admiration. A l'intérieur, je trouvais un collier qui trônait dans du velours rouge. Le collier brillait comme de l'argent. Au centre, se trouvait une sorte de petit cœur en argent cernant quelque chose d'encore plus beau encore ! Cette fois, je poussais un cri de joie. Un perle ! Une belle perle nacrée et scintillante ! Je la caressais doucement avec adoration. C'était vraiment magnifique. Ma mère m'expliqua :
- C'est une perle de nacre, ma chérie. Elles portent bonheur, exaucent les vœux.
Mon propre bonheur se reflétait dans ses yeux noisettes. Je remarquai aussitôt mes initiales gravées à l'intérieur de la boite : M.F. Je reposais avec attention cette boite si précieuse et serrais mes parents avec dévotion. Je m'écriais, les larmes aux yeux tant j'étais heureuse :
- C'est magnifique, merci !
Cet anniversaire avait sans nul doute était le plus beau de toute ma vie. Mais ensuite, à la mort de mes parents, j'avais essayé de faire un vœu à la Perle de nacre. J'avais souhaité de tout mon cœur qu'elle me rende mes parents. Bien sûr, ça n'avait pas marché. Alors j'avais rageusement rangé la boîte e le collier et l'avais ensuite oubliée là, dans ce tiroir. Je soupirai, le cœur gros. Comment avais-je pu oublier à quel point ce moment avait été beau ? Comme ce cadeau, il représentait l'amour que mes parents me portaient. Et je l'avais oublié. Je ne ferais pas cette erreur une deuxième fois. Je me saisis délicatement de la boite pour la déposer dans mon sac, nous sans avoir tous d'abord attaché le collier à mon cou. Je me regardais dans le miroir, incapable de détacher mon regard de cette perle qui scintillait. Elle était belle. Je soupirai derechef et refermais mon sac. J'étais prête. Je devais désormais partir.
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