16. Tirer dans le mille

Je frappais à la porte B179 du bâtiment, quasiment désert à cette heure-ci. De toute façon, les cours étaient terminés et c'était le début des "vacances". Ici, au contraire de l'Extérieur, nous continuions à suivre des cours et des entrainements, obligatoires durant l'été. Comme personne ne répondit, je poussais la porte d'une salle de classe dont on avait retiré les tables. Il ne restait que deux chaises face à un bureau au centre de la pièce. Trois écrans avaient été suspendus au plafond, au dessus d'un fauteuil à l'air confortable. Ce dernier se retourna lentement et je me crispais. Un homme d'une trentaine d'années, les cheveux noirs assez longs, me regardait avec attention. Il me demanda de m'assoir d'un geste vague de la main. J'obéis sans le quitter des yeux. Je ne savais pas vraiment pourquoi, mais il m'intimidait. Il joignit ses mains sur le bureau en esquissant un sourire en coin, semblant se satisfaire de la tension qu'il faisait naitre en moi. Il déclara d'une voix rauque que je connaissais sans pouvoir me souvenir de son propriétaire :

- Mademoiselle Félis. Vous avez obtenu votre Examen car nous pensons que vous avez toutes les qualités pour devenir une puissante Chasseresse. Nous ne doutons pas que vous allez accomplir de grandes choses.

J'aurais dû me sentir flattée par ces compliments, mais je me sentais comme prise au piège. Je me méfiais de lui et de ses sourires moqueurs. Si seulement je pouvais me rappeler d'où je connaissais cette voix... Il avait un accent assez prononcé, anglais peut-être. Ou américain. Une chose était sûre, je l'avais déjà vu et entendu. Mais où ? Je demandais, sans desserrer les dents :

- Mais... ?

- Non, pas de mais ! s'esclaffa-t'il. Je suis ici pour te féliciter, mais surtout pour te donner des conseils et te décrire en quoi va constituer ta vie après ton départ de ce Village que tu affectionnes tant.

Je ne pris même pas la peine de relever son ironie et le dévisageais en fronçant les sourcils. Je savais qu'il connaissait les raisons pour lesquelles je voulais quitter le Village. Je me doutais également qu'il avait entendu parler de mes parents. L'homme me faisait penser à un prédateur. Ses yeux bruns étaient si foncés que j'avais du mal à discerner sa pupille ! Puis soudain, mon cœur s'emballa alors qu'une autre image apparaissait dans mon esprit. Un Loup. Plus précisément, un masque de loup. Je m'écriais, surprise :

- Vous êtes le Juré à tête de Loup ?

Il se contenta de hocher la tête. Je lui offris un sourire crispé en triturant mes colliers. Je serrais l'un d'eux dans ma paume. C'était celui de ma mère. Il était constitué d'une fine cordelette noire qui retenait un pendentif en forme de tête de loup en argent. (NDA : ce collier existe vraiment, c'est le mien. J'essaierais de le prendre en photo pour vous !). Le Juré Loup reprit enfin la parole et je me détendis un peu :

- Moïra, il faut que tu saisisses l'importance qu'à ta Mission aux yeux des Mères-Grands de nos pays. L'une d'elle en particulier y tient tellement qu'elle souhaite te prendre sous sa protection. C'est la Papesse du NeoVatican de la Grande Rome.

- Pourquoi ? questionnais-je.

- Et bien, elle a ses raisons d'en vouloir à celui que tu comptes détruire. Comme beaucoup d'autre... Alors, tu aurais le droit à un entrainement spécial. Cependant, comme les autres Novices de ton âge, tu n'auras pas le droit de revenir ici avant une année entière. Tu reviendras lorsque les recruteurs viendront chercher la prochaine cargaisons de Novices, l'an prochain.

Je hochais la tête. On me l'avait déjà expliqué, pendant un de ces cours où les professeurs essayaient de nous faire renoncer à passer l'Examen. On nous avait aussi rapidement expliqués le rôle des Mères-Grands, sans toutefois nous en parler avec précision. Je ne savais rien de cette femme. Mais elle, elle me connait, pensais-je.

- Pouvez-vous me parler de la Papesse ?

- Je le peux, en effet. C'est une femme qui sait ce qu'elle veut et qui est prête a tout pour l'obtenir. Elle est assez riche pour acheter n'importe quoi. Mais c'est également la femme la plus rancunière que je connaisse, exercer sa Vengeance est devenu un loisir... Sauf qu'à de rares moments, elle accepte avoir besoin d'aide. Aujourd'hui, La Papesse a besoin de toi, Moira. Ce que tu dois savoir sur cette Mère-Grand, c'est que si tu te ranges a son service... Elle saura te récompenser a la juste valeur de tes actions.

L'homme en face de moi m'étudia pendant quelques minutes alors que je réfléchissais. La Papesse avait l'air de quelqu'un de puissant. Que risquais-je après tout ? Le juré poursuivit :

- Moïra, je dois te mettre en garde. Ne fais pas entièrement confiance à ceux qui t'entoureront une fois au QG de la Grande Rome. Jamais. Ne te fies pas à ton cœur mais à ton instinct et à ta tête. C'est important ! Certaines découvertes que tu feras te déstabiliseront. Mais tu devras garder la tête froide. Gardes ton cœur à l'abri et réfléchis à chacun de tes actes. Ne confis ta vie et ta Mission à personne. Compris ?

- Oui, répondis-je simplement.

J'avais faillis lui demander pourquoi je devrais lui faire confiance, à lui, et pas aux autres. Mais au fond, je savais qu'il avait raison. Son discours avait fait renaitre en moi la flamme de l'aventure. Je voulais réussir ma Mission, et pour cela, je devais accepter toute l'aide qu'on me proposerait ! Alors j'irais. Je me rendrais auprès de la Papesse et j'accepterais de combattre en son nom. Qu'importe si je ne recevais pas de gloire lorsque j'aurais détruit Titan. Pour moi, seul importait qu'il meure ...

Sans rien ajouter, le Juré se détourna. Je haussais un sourcil et me levais pour quitter la pièce. Avant de sortir, je m'aperçus qu'une caméra clignotait dans un coin de la pièce. Et merde. On m'avait filmé. Qu'importe ! L'homme, sous ses airs de prédateur, avait su tirer en plein dans mon âme de guerrière. Sur ce coup-là, il avait tirer en plein dans le mille !

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